En 1989, les magazines commencent à dévoiler en preview quelques images d'un jeu aux graphismes somptueux édité par Psygnosis. On peut y voir une prairie, des arbres, un oeil dans le ciel, une main gigantesque qui sort du sol et au milieu une bête aux apparences humaines, on parle d' un jeu hors du commun qui utiliserait "enfin" les capacités de l'Amiga, son nom ..."BEAST"
Kidnappé par des Mages alors que vous n'étiez qu'un enfant, vous êtes séquestré dans un temple, nommé Necropolis. Pendant des années, d'étranges potions et autres décoctions vous sont administrées. L'enfant n'est plus mais l'homme est devenu bête doté d' une puissance physique extraordinaire. Exclave des Mages, un jour vous découvrez la vérité, votre passé, l'enlèvement, la mutation. Fou de rage vous décidez de vous venger en traversant des régions hostiles peuplés de monstres afin d'affronter le maître des bêtes, Maletoth.
Bien avant le succès de Driver sur Playstation et PC, Reflections avait déjà eu ses heures de gloire sur des jeux aussi célèbres que "Shadow of the Beast", "Brian the Lion" ou encore "Destruction Derby". Si l'histoire de Reflections commence officiellement en 1985 avec la sortie de leur premier jeu "Ravenskull" sur BBC Micro ce n'est qu'en 1989 avec "Ballistix" édité par Psyclapse, un sous-label de Psygnosis que la petite société commence à se fait connaître.
En 1989 le monde du jeu vidéo fût surtout marqué par la sortie d'un jeu hors du commun sur Amiga nommé d'abord "BEAST" lors des previews et qui deviendra à sa sortie "Shadow of the Beast", « L'ombre de la bête ». Entièrement créé par deux jeunes anglais habitant Newcastle : Martin Edmondson, le graphiste et Paul Howarth, le programmeur alors tout juste agés d'une vingtaine d'années.
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J'avais déjà programmé "Ballistix" sur Amiga, qui était plus un portage de la version Atari ST. En travaillant sur ce projet, je commençais à maîtriser l'Amiga et à devenir plus conscient de sa puissance totalement inexploitée. Ce que vous devez comprendre c'est qu'à ce moment-là, personne n'avait encore utilisé correctement le matériel de l'Amiga, et donc je me suis mis à voir jusqu'où je pouvais pousser la machine. Après seulement quelques semaines, nous avions déjà les légendaires 13 couches de scrolling parallaxe qui fonctionnaient, et poussaient l'Amiga au maximum ... du moins je le pensais à l'époque.
Paul Howarth, Programmeur de Shadow of the Beast
L'histoire de "BEAST" commence donc fin 1988 et cette démo technique présentée à Psygnosis, rencontre un succès inespéré pour la jeune équipe, peut-être un peu trop enthousiastes.
Martin et moi-même rendions visite à Psygnosis pour y terminer "Ballistix". Nous en avons profité pour leur montrer la démo technique que j'avais créée afin de démontrer les capacités techniques de l'Amiga. Ils furent si époustouflés par mes 13 couches de scrolling qu'ils voulurent signer un nouveau contrat immédiatement. J'étais toutefois assez inquiet : ma démo ne montrait que des scrollings, et je n'étais même pas certain de pouvoir y ajouter un personnage principal, et encore moins une armée de monstres. Le patron de Psygnosis me rassura : "Ne vous inquiétez pas, vous trouverez une solution", et c'est ainsi qu'est né "Shadow of the Beast".
Paul Howarth, Programmeur de Shadow of the Beast
Les deux amis travaillent donc sur ce projet plutôt technique mais avec une direction artistique déjà bien défini. Très vite une autre démo est alors mise en chantier afin d'être présenté à la presse informatique.
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A l'époque j'étais fasciné par les oeuvres de Roger Dean et de Rodney Mathews, si bien que cela a fortement inspiré l'aspect global du jeu. Toute la conception du jeu s'est déroulée sur ordinateur : nous n'avons jamais réalisé de story board, d'esquisses ou dessins préparatoires. Paul s'est alors chargé de sa programmation, tandis que j'oeuvrais sur Deluxe Paint à la réalisation des graphismes. Le résultat de cette démo ressemblait à s'y méprendre aux décors du premier niveau du jeu final. Le ciel, les nuages, les arbres, l'herbe, la cloture : tous les éléments étaient présents, à la différence que l'on pouvait uniquement courir à gauche ou à droite.
Martin Edmondson, Graphiste de Shadow of the Beast
La conception de "BEAST" commencée, Howarth et Edmondson devaient encore déterminer quel type de jeu cela deviendrait, et plus important encore, comment ils allaient intégrer leur démo dans un jeu qui avait déjà, pensaient t-ils, poussé les limites de la machine. Ce n'était pas facile, et dès le début des problèmes techniques et des compromis sont nécessaires
Certains problèmes étaient connus depuis le début. Faire le choix d'un mode dual playfield permettait certes d'obtenir d'impressionnants scrollings parallaxes, mais avait pour conséquence d'engendrer, en revanche, de sévères limitations. Cela impliquait par exemple que les monstres ne soient autorisés à se mouvoir que sur un seul et unique plan, sans qu'ils puissent jouir de la profondeur du décor. C'est le genre de concessions nécessaires à l'obtentions des 60 images par seconde, une vitesse d'animation que je voulais maintenir à tout prix, impliquant de nombreux challenges au niveau du design et dictant la relative naiveté du gameplay. Cela a également induit un appauvrissement des comportements ennemis tel que l'engloutissement de leurs cadavres par le sol faute de pouvoir les faire choir des corniches. Ce mode a aussi limité à 8 le nombre de couleurs affichables pour les sprites des monstres.
Martin Edmondson, Graphiste de Shadow of the Beast
Il y avait trois principaux effets spéciaux utilisés et qui n'avaient pas été vu auparavant.Le Dual playfields: L'arrière-plan est en fait un écran différent du premier plan. Les sprites multiplexés: l'Amiga a huit sprites matériels 16x16 pixels mais vous pouvez tricher et les réutiliser si vous êtes un peu malin, je les ai utilisés pour produire toute une chaîne de montagnes. Enfin le scrolling parallaxe: l'Amiga vous permet de faire un scrolling hardware de tout l'écran assez simplement, mais en utilisant le copper, il est possible de faire défiler des portions individuelles et à différentes vitesses, d'où le défilement de parallaxe (et qui prend en fait très peu de puissance à produire). En effet, j'avais trois amis très spéciaux qui m'ont aidé avec la parallaxe, Paula, (Fat) Agnus et Denise; ce sont les noms des puces dédiés qui ont rendu l'Amiga si puissant.
Paul Howarth, Programmeur de Shadow of the Beast
Le jeu a finalement nécessité environ neuf mois de développement, ce qui n'est pas si mal étant donné qu'une grande partie des effets utilisés n'avaient jamais été vus à l'époque.
Juin 1989, les magazines commencent donc à dévoiler des images de preview de ce jeu qui semble hors du commun, ainsi Génération 4 et Tilt consacrent parfois de pleines pages ce qui est assez rare surtout pour une preview. Dans ces pages, on peut y voir notamment un screen de présentation fort différent du screen de la version finale, à ce sujet une réponse est apportée encore par Edmondson :
L'image de présentation signée de nos deux noms était tout simplement ma première tentative d'écran de chargement. J'y avais croqué rapidement la bête sans prendre le temps d'appliquer l'ombrage et l'anti-crénelage, d'où l'avertissement 'Unfinished Screen'. Mais plus le temps passé et plus je me lassais de cette vue de profil amorphe. Je voulais quelque chose de plus dynamique, de plus percutant. C'est ce qui m'a conduit à complétement revoir la composition de l'image en changeant l'angle de vue et la couleur de la bête
Martin Edmondson, Graphiste de Shadow of the Beast
Etrangement personne ne semble aussi faire attention qu'on parle de "Shadow Of The Beast" notamment sur la boite du jeu mais dans le jeu on fait référence à "BEAST" dans l'intro et la page de présentation, la raison de cette différence est apportée par Martin Edmondson :
A l'origine je voulais simplement baptiser le jeu "Beast". Mais après que Psygnosis ait procédé aux vérifications légales habituelles, il s'est avéré qu'un autre titre arcade obscur posait problème avec ce nom. Nous avons alors ajouté un "Shadow of the" afin de se différentier. Pour être en adéquation avec ce nouveau titre, Roger Dean a même projeté une ombre sur l'illustration de la jaquette (sur le sol à droite). Dans le jeu je n'ai cependant fait aucun changement, d'où cette petite divergence d'appelation. Il faut dire que mes graphismes étaient antérieurs à ce changement, et que, surtout, personne à l'époque ne s'en était soucié ou même ne l'avait remarqué ! Le style que j'avais emprunté pour façonner le titre dans le jeu ne correspondait plus non plus à celui de Roger Dean...Mais là encore, nous aimions nos graphismes et ils étaient là les premiers
Martin Edmondson, Graphiste de Shadow of the Beast
Clairement le jeu a été créé pour impressionner et exploiter au mieux les capacités techniques de l'Amiga, et ce n'est pas Commodore qui s'en est plaint car le jeu fit grimper les ventes du micro-ordinateur (et fut même proposer en pack Bundle). Dès les premières minutes, c'est la claque. le jeu a été créé par des passionnés de la machine, qui ont poussé celle-ci dans ses limites, ce qui fait souvent que les conversions ont été aussi décevantes.
Il faut dire qu'à l'époque afin de minimiser les coût de développements, les versions Atari ST et Amiga étaient souvent identiques. Les capacités techniques de l'Amiga n'étaient quasiment pas ou peu exploitées, aussi dans les reviews la différence entre les version ST et celle Amiga se jouait souvent sur la rapidité du jeu, plus rapide sur Amiga pouvait-on lire mais rien de transcendant faisant grimper un jeu d'un cran.
Conçu spécifiquement pour utiliser au mieux les capacités de l'Amiga, le niveau technique est très haut, l'impression de vitesse par les multiples scrollings est parfaitement rendue et sans aucune saccade. Le blitter, le copper et les scrollings cablés de l'Amiga sont poussés dans leurs derniers retranchements (enfin on le croyait), ou du moins va là où peu de développeurs osaient aller habituellement.
"BEAST" est le jeu de tout les superlatifs, rien qu'en regardant la page de présentation on a de quoi être ébloui, ça supplante les meilleures démos de cette époque : 128 couleurs simultanément à l'écran (contre 32 généralement voir 16 si le jeu était porté directement depuis le ST), un scrolling parallaxe (appelé aussi différentiel) sur pas moins de 13 plans tellement célèbre que par la suite on parlait de « scrolling à la Beast », et un bestiaire énorme avec pas moins de 132 monstres. Le tout en 60 images par seconde même certains jeux d'arcade de l'époque faisait pâle figure devant de telles prouesses. Le tout devait tournait sur un A500 de base sans extension mémoire cela afin de maximiser les ventes mais cela c'est fait avec quelques compromis.
Les graphismes sont absolument splendides et l'atmosphère particulière du jeu influencée par les peintures de Roger Dean est unique. Dès les premières minutes on est subjugué par la poésie des décors, parfois colorés comme dans la plaine, parfois sombres et tourmentés comme dans les souterrains ou le chateau. Cette plaine que l'on traverse dès le début, avec en arrière plan ces montagnes torturées, un ciel où se promène un étrange dirigeable tout droit sortie d'une oeuvre de "Jules Verne" et cette demi-lune énorme nous confirmant ainsi qu'on est sur une autre planète, un autre univers. Plus loin, une forêt enchantée aux arbres immenses qui cachent des souterrains, encore plus loin le château et ses décors moyens-âgeux, enfin la plaine rouge où les couleurs rouge/bleu-pâle d'un couché de soleil viennent assombrir le paysage et lui donner une inquiétante profondeur. Et ces monstres ! surprenants ! énormes ! faisant parfois jusqu'à la moitié de d'écran ! Des mains géantes qui sortent du sol, des yeux dans le ciel, des abeilles tueuses, un pied de géant et sa massue qui s'abat sur vous... Tout cela confère au jeu une atmosphère et une dimension réellement unique qui fait qu'on se souvient de "BEAST" pour ce qu'il est. Une mention particulière pour les backgrounds, on était jusque là habitué aux jeux avec des fonds désespérement noirs, et "BEAST" nous démontre encore une fois que l'on pouvait proposer des décors de fond travaillés et superbes.
Enfin je garde le meilleur pour la fin : la partition musicale, une des plus marquantes et envoutantes de l'Amiga, non de l'histoire de la micro-informatique dans son ensemble. Signée par le maître british David Whittaker, qui avait déjà composé pas mal de hit sur C64, cette OST est depuis devenue culte et a été reprise par de nombreux musiciens qui ont grandit avec le jeu.
A ce propos Martin Edmondson se confie sur la conception de cette musique
Nous connaissions un peu David à travers les musiques qu'il avait déjà composées pour un certain nombre de jeu Psygnosis. C'était une personne très technique qui avait écrit ses propres routines car nous n'avions pas eu le temps de les coder nous-mêmes. Je lui avais expliqué dès le début l'orientation que je désirais suivre pour la musique de Shadow of the Beast. Mais le gros problème était qu'il avait pour l'habitude d'utiliser une banque d'échantillons sonores bien précise qui avait, certes l'avantage d'être extrêmement éfficace sur la mémoire, mais dont les sonorités étaient beaucoup trop classiques et de bien trop faible qualité à mon goût. Pour "BEAST", je voulais quelque chose de complétement différent, quelque chose dont le calibre serait digne de celui des synthétiseurs haut de gamme de chez Fairlight. C'est ainsi qu'à commencé avec le musicien une longue négociation ayant pour finalité le ré-échantillonnage de tous les instruments spécifiques du jeu. Je me souviens avoir été particulièrement pointilleux sur cet aspect, allant même jusqu'à lui préciserles notes ou les instruments que je voulais entendre. Je pense qu'à la fin du développement, David faisait une overdose de ma personne (rire) ! Finalement, la bande originale du jeu a pris beaucoup de temps et de mémoire mais nous avons tous été extrêmement heureux de la façon dont tout s'est déroulé et très contents du résultat.
Martin Edmondson, Graphiste de Shadow of the Beast
En tout ce n'est pas moins de six morceaux comportant des sous-thèmes (suivant la partie du niveau) pesant pas moins de 900 ko ! (sachant que le jeu ne tient que sur 2 disquettes de 700ko) sous son propre format propriétaire le D.W. réalisé sur un synthétiseur haut de gamme un Korg M1 samplé à haute fréquence 20 khz, une fréquence sonore élevée donnant ainsi aux samples une qualité jamais vue pour un jeu vidéo. Le génie de Whittaker va jusqu'à utiliser 8 canaux sonores au lieu des 4 habituels. Et quels morceaux !! L'introduction est une petite merveille, une ode symphonique, mélange d'héroic Fantasy et d' époque précolombienne. Des instruments à vents s'entremêlent : flute de pan, cuivres mais aussi du synthétiseur ... si bien qu'on reconnait "BEAST" d'abord par sa musique alors qu'auparavant la partition musicale était souvent délaissée voir même il n'y en avait tout simplement pas.
Les paroles de l'artiste sont rares, très rares, à la question "quelle a été la musique de jeu la plus compliquée techniquement à écrire ?", D. Whittaker répond sans détour :
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"Shadow of the Beast" sur Amiga. Parce que ça devait être vraiment bon et différent.
David Whittaker, musicien de Shadow of the Beast
En 1999, des musiques réorchestrées par Ruben Monteiro furent commercialisées en 1999 sur une compilation appelée "Immortal" (écoutables ci-contre).
De nombreux remix, réorchestrations, remaster où se mélange instruments à vents, guitares sèches et parfois d'étonnantes et superbes versions à la guitare électriques sont écoutables ci-contre ou des vidéos ci-bas, prouvant que la musique de "Shadow Of The Beast" est intemporelle, vivante et toujours dans son temps, et mérite d'être au panthéon des musiques de jeux vidéos ayant eut un impact très fort sur les joueurs
Enfin impossible de terminer sans parler du packaging qui n'était pas non plus en reste. Psygnosis a voulu faire les choses en grand pour ce jeu car il a eut le privilège d'avoir été édité sous deux éditions dont une aux dimensions impressionnantes avec certainement une des meilleures illustrations signée de l'artiste Roger Dean, à l'intérieur un Tee-Shirt et un poster géant, mais le prix était en conséquence : une version boite standard à environ 25£ (équivalent 37€ de nos jours en prenant en compte l'inflation) et une version qu'on pourrait appeler de haut de gamme, la version big box à 35£ (environ 52€ de nos jours). Sur sa participation à l'aventure Psygnosis, Roger Dean lève un peu le voile :
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Avant de travailler pour Psygnosis, j'étais surtout connu pour mes pochettes de disques. A mes débuts chez Psygnosis ils faisaient des films interactifs j'ai pensé "Ca c'est une idée pour moi". J'aime créer des choses qui peuvent être construites. C'était la base pour moi. Peu importe le sujet, cela devait être convaincant d'un point de vue technique.
Roger Dean, artiste et illustrateur chez Psygnosis
"BEAST" a reçu de nombreuses récompenses dont le Tilt d'or 1989 des meilleures graphismes. Maintes fois copié avec des jeux comme "Beast Lord", "Wrath of The Demon" ou même du côté italien avec "Nathan Never" ... il y a eu bien sûr "Unreal" d'Ubi Soft mais pour afficher des scrollings différentiels réellement impressionnants, il faudra attendre "Jim Power" de Digital Concept édité par Loriciel ou le trop méconnu mais impressionnant "Brian The Lion AGA" par les créateurs de "BEAST" eux même, le processeur de l'A1200 aidant.
Conséquence évidente de ce succès une suite est mise rapidement en chantier BEAST II et quelques années plus tard un BEAST III avec un certain succès.
Mais "BEAST" n'est malheureusement pas exempt de défauts : trop difficile, des temps de chargements trop longs, un côté réflexion trop limité et surtout un gameplay poussif et trop classique. Le jeu ne serait qu'un simple Beat'em all.
Concernant la grande difficulté du jeu, Howarth et Edmondson confie:
à cette époque, il y avait très peu de tests de jeu. Psygnosis n'avait même pas de département de test. Mais nous cherchions aussi à lancer un défi aux joueurs, et nous nous sommes donc assurés que le jeu était à peu près possible à terminer. Je sais que j'ai réussi à le terminer une ou deux fois, malgré son extrême difficulté (il y avait beaucoup de cheats disponibles pour le rendre plus facile)
Paul Howarth, Programmeur de Shadow of the Beast
J'étais un joueur hardcore, fan de jeux difficiles. J'étais jeune et j'aimais les défis corsés. Un jeu trop simple, çà me frustrait. Il est donc logique que je crée des jeux difficiles. Trop durs pour être justes !
Martin Edmondson, Graphiste de Shadow of the Beast
Howarth et Edmondson sont donc plus que satisfait du produit fini et insistent sur le fait que c'était un jeu aussi complet que le duo pouvait faire. Mais il faudra vous retournez vers une version avec trainer pour en voir un peu plus sur le jeu. La dernière partie sous forme de shoot'em up où la bête est muni d'un jet-pack semble un peu sortir du contexte du reste du jeu, on la prendra plutôt comme un bonus stage. Enfin on peut aussi reprocher la fin un peu avare surtout après le challenge imposé par le jeu, pas d'animation, une image fixe, mais la plus belle gratification n'est-ce pas le jeu en lui même ? "BEAST II et III" ne seront pas mieux lotis en matière de fin de jeu.
Etant donné le succès de la version Amiga, très vite Psygnosis décide de convertir le jeu sur pratiquement toutes les plateformes du moment et je dis bien TOUTES, je n'ai pas le souvenir d'un jeu qui ait connu autant de portages sur micro-ordinateurs et consoles : NES, Master System, SNES (affublée comme à l'accoutumé des jeux SNES d'un préfixe SUPER mais ici assez mal venu étant donné que le jeu sous exploitait les capacités de la console), Megadrive, Sega CD, Gameboy, Lynx, Amstrad (si si !!),PC Engine ou même le fameux PC japonais le FM-Towns... et j'en passe, mais sans jamais arriver bizarrement à dépasser la qualité de la version originale.
La version ST démontre parfaitement que le jeu n'était techniquement pas viable sur un Atari ST, un jeu signé Eldrich The Cat.
La version PC Engine possède des musiques au format CD superbes (écoutables ci-contre) et de très belles transitions animées (où l'on peut voir par exemple la transformation en bête), identique à celles sur FM-Towns mais graphiquement sur la PC Engine on est un peu en dessous de la version Amiga, cette version reste néanmoins l'un des meilleurs portages du jeu.
La version FM Towns (sortie uniquement au Japon) mis à part sa présentation et ces musiques CD issues de la version PC Engine, elle est clairement râtée, les sprites et les décors sont grossiers, c'est la version la plus chelou de toutes, les graphistes de cette version n'étaient clairement pas des artistes, ce n'est pas le tout d'avoir 256 couleurs, il faut encore savoir les utiliser.
La version Megadrive s'approche fortement du jeu original, en fait c'est la version la plus proche de celle Amiga, elle se permet le luxe de proposer même un affichage montrant plus de portion d'écran que l'original pourtant cette version est un peu entâchée par des couleurs trop vives (un patch existe même pour s'approcher des couleurs Amiga) mais surtout des musiques mal adaptées et les musiques de "BEAST" c'est une grande part de l'atmosphère du jeu, bref en fin de compte la magie a du mal à opérer sur cette version, et c'est vraiment dommage.
Concernant la profusion des portages, Edmondson confie :
Honnêtement, je n'ai que peu de souvenirs de ces conversions. Il faut dire que notre planning était vampirisé dans les séquelles Amiga de "Shadow of The Beast". Il est évident que Psygnosis avait de très bonne raisons commerciales de produire autant d'adaptations... Mais d'un point de vue artistique, cette démarche tenait presque de l'hérésie étant donné la nature même des graphismes du jeu original. "Shadow of the Beast" n'était absolument pas destiné à fonctionner sur une autre machine que l'Amiga puisqu'il avait pour vocation première d'en montrer, justement, toute la puissance inégalable.
Martin Edmondson, Graphiste de Shadow of the Beast
Mais que sont-ils devenus ? Et bien déjà le Studio Reflections existe toujours et a été racheté en 2006 par Ubi Soft, c'est désormais Ubisoft Reflections Limited. Comme vous le savez ils ont développé le fameux "Driver" ainsi qu'un autre jeu très connu "Destruction Derby". Fin 2004, Martin Lee Edmondson a claqué la porte du studio faute d'un accord valable avec Atari, privant ainsi le studio de son fondateur et sûrement de son principal apport créatif, finalement Reflections n'est plus que l'ombre de lui-même (bon elle était facile celle-là). Même si on ne connait pas les détails de la mésentente, M.L. Edmondson ne s'est pas laissé faire puisqu'il déposa une plainte. Il avait certainement de bons arguments car afin d'éviter les tribunaux, Atari lui a versé en 2006 : 4,5 millions de dollars. Quand à Paul Howarth il est maintenant directeur du département de développement du studio Deep Red, qui a travaillé notamment sur "Tycoon City : New York"
Le mot de la fin sera pour Edmondson :
Une rumeur raconte que certaines personnes auraient fait l'acquisition d'un Amiga uniquement pour jouer à la version originale de "Shadow of the Beast" ! Quoi qu'il en soit, Je suis très fier de l'impact que nous avons eu sur les joueurs et, surtout, du fait que l'on se souvienne encore aujourd'hui de "Shadow of the Beast". J'adore me replonger dans les souvenirs de cette fabuleuse époque. Il y avait un tel engouement autour des jeux vidéos que nous évoluions très vite, nous poussant à concevoir des produits plus artistiques et créatifs qu'aujourd'hui
Martin Edmondson, Graphiste de Shadow of the Beast
Extrêmement difficile, un gameplay râté, un scénario sans interêt, "Shadow Of The Beast" est souvent considéré comme une démo technique visant à étaler les capacités de l'Amiga dans un jeu finalement assez basique. Comme la guerre Atari ST/Amiga, "BEAST" a divisé les opinions et suscité bien des discussions. Le jeu a longtemps souffert de toutes les critiques et clivages que peut subir une oeuvre inclassable.
Car au delà de la prouesse technique c'est bien de cela qu'il s'agit, en jouant à "BEAST", on ne passer à côté de la poésie qui se dégage de ce jeu atypique baigné des musiques envoutantes de Whittaker dans cet univers très marqué, jamais vu, comme a pu l'être un "Blade Runner" en son temps dans le cinéma de science-fiction pour se retrouver parfois rejeté ou méprisé. De la plaine de Maletoth, aux souterrains en passant par la forêt enchantée, toutes les contrées traversées prennent vie dans cette peinture vivante de Roger Dean, en devenant un formidable hommage à cet artiste qui a dessiné de nombreuses pochettes d'album avant d'illustrer les covers des jeux Psygnosis. Et si quelques mauvaises langues le médisent encore, à tort ou à raison, que cela ne leur en déplaisent, l'histoire a parlé pour eux, le jeu s'est vendu à 50 000 exemplaires rien que sur Amiga et il restera comme LE jeu de l'Amiga.