Dernier volet de la série entamée en 1985 par Bertrand Brocard, Murders in Space s'éloigne du concept initial qui avait fait le succès des précédents épisodes. Environnement clos, indices réels quasi-inexistants, vue à la troisième personne et graphismes styles BD dans le pure style des jeux Infogrames de l'époque, quand on convertit un bon concept d'enquête à la sauce Infogrames ça donne ... Murders in Space.
Urgent !! Présence d'un criminel non identifié à bord de la station orbitale PEGASUS. « Demande intervention immédiate », situation équipage critique. Je répète « demande intervention immédiate ».
Bien que son titre ne le suggère pas, Murders in Space est bien un jeu de chez nous, et donc je l'appelerai volontairement Meurtres dans l'espace au regard des autres volets sortis précèdemment. Ce jeu fait partie de la collection policière "Meurtres" imaginée par Bertrand Brocard et c'est malheureusement le dernier jeu de la série. Il fut conçu par Hitech Productions, le studio fondé par Bertrand Brocard lui-même après le rachat de Cobra Soft par Infogrames en 1986, ce sera à ma connaissance aussi le dernier jeu du studio Hitech avant son rachat aussi par Infogrames en 1991 et donc sa liquidation, Brocard ayant pris d'autres responsabilités au sein de l'éditeur.
Ma liberté par rapport à Infogrames a toujours été totale en matière de conception et j'avais souvent la double casquette d'auteur et de producteur ce qui est très confortable.
Bertrand Brocard, créateur de la série "Meurtres"
Pour la petite histoire, après la menace terroriste à Venise, Bertrand Brocard imagine un jeu qui s'oriente vers les nouvelles technologies de la police criminelle. Ce jeu aurait dû s'appeler Meurtres High-tech et se dérouler dans un TGV à la manière de Meurtres à grande vitesse sorti en 1985 sur Amstrad CPC et dans lequel vous deviez retrouver l'auteur du meurtre du sénateur Pérignac à bord du TGV Paris-Lyon. Une sorte de remake avec un concept remis au goût du jour sur 16 bits. L'ébauche du packaging rappelle fortement ce mélange des deux jeux Meurtres à Venise/Meurtres à Grande Vitesse mais le projet fut abandonné au profit d'une aventure dans l'espace.
Concernant ce projet abandonné, Bertrand Brocard nous en dit plus :
Avec le développement de la police scientifique, en extrapolant sur des techniques maintenant couramment utilisées comme l'identification de l'ADN, je voulais faire un titre s'appuyant sur le côté high-tech des enquêtes policières. Il s'agissait d'un remake de "Meurtre à grande vitesse" qui aurait été, bien entendu, enrichi et mis au goût du jour. Finalement les essais de représentation graphique ont servi pour "Meurtres dans l'Espace". Sur l'illustration de Christian Descombes, on reconnait la loupe et les indices de "Meurtres à Venise" car cette fausse boite avait été réalisée en utilisant ce package. Le titre est du même style pour renforcer l'effet de collection. On peut noter que le TGV est dans la lignée TGV Atlantique et non plus orange. La vitesse au compteur est largement au dessus de la vitesse commerciale (le record du monde venait d'être battu à 506 km/h je crois) et le voyant d'alerte clignote. Le conducteur semble mal en point et le système de sécurité semble inefficace ! Bref tous les ingrédients du drame sont réunis !!! Enfin, petit détail : on peut remarquer le portable dont le clavier ressemble étrangement à un... Oric-Stratos !
Bertrand Brocard
Ce sera donc un jeu d'enquête dans l'espace, sur le choix B. Brocard s'explique :
Sur la conception... Etant jeune j'avais été fasciné par les premiers vols spatiaux, les programmes Mercury, Gemini puis Apollo et je mettais un point d'honneur à être très proche de la réalité au niveau scientifique. Comme toujours, on a travaillé avec une documentation très importante. Pour aller plus loin, avec Roland Morla, le programmeur et Marie-Anne Alison, qui m'assistait à la réalisation, nous sommes allés faire un séjour de plusieurs jours avec les instructeurs du "Space camp" de l'astronaute Patrick Baudry. Ce centre proposait à des jeunes des stages d'initiation aux techniques spatiales et disposait, entre autres, d'une maquette de navette grandeur nature... et d'une vraie centrifugeuse qui nous a permis d'encaisser quelques accélérations mémorables.
Bertrand Brocard
Oublions donc la petite île normande Sercq la féodale et ses habitants reclus, peu bavards mais tellement accueillants, oublions la romantique Venise, la place St Marc, l'hôtel Rivoli et la menace terroriste, place à l'espace et l'infiniment... petit. Claustrophobe s'abstenir !
Pour cette nouvelle enquête vous êtes propulsé en tant que Dick Anderson au coeur d'une station orbitale où une tentative d'assassinat sur le commandant de bord vient d'échouer. Un astronaute meurtrier s'est glissé dans la station PEGASUS ! Votre tâche consiste donc à démasquer l'auteur en moins de 24h (de 14h à 11h) et avant qu'il réitère sa tentative sur d'autres membres de l'équipage. Tel un cluedo spatial face à 8 astronautes de nationalités différentes, tous potentiellement suspects mais aussi tous potentiellement en danger et qui ont, comme dans tout bon roman d' Agatha Christie, un secret à cacher qui vous aiguillera à tort ou à raison sur leur possible culpabilité.
Tout commence par l'opération d'arrimage de la navette spatiale à la station PEGASUS, manoeuvre délicate mais qui peut se faire manuellement sans trop de difficulté et sans avoir recours au mode automatique qui vous fera d'ailleurs perdre une heure sur votre temps d'enquête et aura une incidence directe sur celle-ci, arriver plus tôt à la station vous permettra de sauver un membre de l'équipage. A l'ouverture du sas, vous êtes accueilli par le commandant de bord, Philippe AMIOT, seul à avoir été informé des vraies raisons de votre venu, officiellement pour raisons administrative, discrétion recommandée.
L'enquête peut commencer.
Une fois à l'intérieur, premier grand changement et non des moindres, le jeu se déroule à la troisième personne comme pour la plupart des jeux infogrames de l'époque dans un style bd qui a fait le succès de la société.
Sur ce changement visuel, Bertrand Brocard indique:
Pour "Meurtres dans l'espace" le changement était minime puisque nous avions remplacé le déplacement d'un curseur sur un plan par celui du personnage dans le décor. Cela correspondait à une évolution des possibilités graphiques mais le fonctionnement général du jeu restait identique dans le principe... avec les "mini jeux " intégrés dans l'intrigue principale et la présence d'indices. La fabrication était d'ailleurs un cauchemar pour le responsable d'Infogrames qui n'avait pas l'habitude de ces boites remplies à ras-bord (et même plus... elle restait un peu bombée tant elle était pleine) à côté d'autres packagings qui contenaient beaucoup de vide !
Bertrand Brocard
Votre tâche déjà difficile est donc en fait multiple, vous devrez à un moment donné sauver chaque membre d'une mort certaine, à vous de découvrir la bonne action au bon moment , découvrir le secret de chacun et bien sûr découvrir le ou les coupables de ces tentatives.
Pour bien commencer apprenez simplement à vous familiarisez avec les commandes du jeu, les raccourcis qui vous permettront par exemple de vous déplacer rapidement dans les différents modules de la station (touche numérique ou le pavé à gauche) et gagner énormement de jeu, crucial pour ce jeu même si la gestion du temps peut être arrêter, accélérer et même diminuer.
Apprenez aussi à maitriser les outils de la station, le MMU qui vous permets de sortir dans l'espace, l'ARM - le bras manipulateur de solutions qui vous permettra de fabriquer des antidotes, le téléscope pour se protéger des éruptions solaire, le CLISS qui vous permettra d'analyser les membres et diagnostiquer un éventuel empoisonnement et enfin le COPS qui est en fait la BAL de l'équipage.
La tâche est rude mais pas impossible, bien lire et relire le manuel (on a l'habitude sur cette série) car c'est la base d'un bon départ, regardez bien les indices certains réels dans la boite ou ceux photocopiés dans le log book qu'il vous faudra décrypter. Attention tous ne sont pas utiles cela peut être un peu destabilisant si vous bloquez sur un indice qui ne sert à rien mais c'est une particularité de ce jeu. Familiarisez vous avec les différents lieux, accessoires et machines utilisables qu'avec l'équipage, qui est qui et qui fait quoi ? Que faisait-il à cette heure ? Cherchez ce que cache chaque personnage, et oui car chaque personne a au moins un secret.
L'enquête commençe à 14H et fini à 11H le lendemain. A chaque tranche horaire il faudra faire un ensemble d'action afin d'aboutir à la résolution de l'enquête, pendant ce temps l'équipage lui continue de vaquer à ses occupations. Comme les autres jeux de la série, la barre est haute, par exemple comme indiquée plus haut dès le début il faut faire l'arrimage manuellement car sinon vous perdrez une heure précieuse heure, et il vous sera impossible de finir le jeu. Chaque passage à l'heure suivante ou une alarme implique de nouveaux événements donc en tout on a au minimun 20 transitions.
La station n'est pas très grande car elle n'est composée que de 8 modules organisés autour d'un module central. Chaque module est accessible via un sas ou grâce à un pavé de raccourcis sur la gauche de l'écran (ou le pavé numérique du clavier). Vous explorerez successivement le centre de commande, les 2 modules d'habitations, les 2 labos, le module d'activité extra-véhiculaire (EVA), le module de stockage et la navette sans compter vos sorties spatiales.
Quant au personnel, il comprend 8 membres appartenant soit à l'équipage de la station ou à des compagnies utilisant les infrastructures pour leurs propres programmes. Ainsi vous y croiserai : Philippe AMIOT, le commandant de bord; Dieter SCHMIDT, le docteur en biochimie; Ronald HIGGINS, l'ingénieur de vol; Ornella ALVISI, la spécialiste EVA; Akira KAMAKURA, l' électronicien, Tania BORONOVA, la psycho-sociologue; Jeremy MAHRUBI, l'agronome.
Graphiquement le jeu est plus beau que les précèdents volets, les autres épisodes étaient plutôt avares niveau graphisme jugé plutôt secondaire face au scénario, au travail d'enquête qui sont le point central et fort de ce jeu. Meurtres en Série sous-utilisait clairement les capacités ST/Amiga avec des dessins directement convertis de l'Amstrad CPC, Meurtres à Venise utilisait un peu mieu la palette graphique de l'Atari ST (moins celle de l'Amiga) mais cela n'était pas encore çà, Meurtres dans l'espace quand à lui adopte un style graphique très différent, plus proche de la BD avec des bulles comme Infogrames savait nous en servir dans ses jeux à l'époque (Bobo, Tintin sur la Lune, Bob Morane...), malheureusement on sent que c'est pas encore çà. Pour les graphismes, on retrouve Franck Drevon qui a bossé notamment sur Full Metal Planet (adaptation du jeu de société). Certains y verront une nette amélioration, un confort visuel comparé au jaune vif des dessins de Meurtres en série, mon avis est mitigé pour ce style basé sur une enquête, une enquête un peu moins prenante qu'à l'habitude, certainement accentué par le fait que l'aventure se déroule dans la station restreint fortement le nombre de décors ainsi que vos déplacements. On se retrouve dans une suite de petits modules spatiaux, limitant fortement votre champ d' action, où il faut poser des questions, utiliser des outils (laborieux) et résoudre des énigmes.
Côté son c'est toujours un peu la misère, quelques bips, le bruit sourd de l'espace, on est loin de l'espace mélodieux de Kubrick et de sa célèbre musique "Ainsi parlait Zarathoustra" de R. Strauss. Seule la musique d'introduction s'en sort un peu plus dignement, signée Stéphane Picq (Célèbre compositeur chez ERE ou Cryo avec ses compositions sur Dune) avec une voix synthétique qui a l'air de dire "Galaxy Space", lui aurait t-on indiqué un autre titre ? mystère. Un petit côté superproduction qu'infogrames aimait donner dans ses jeux, on se croirait presque dans un remake de James Bond dans Moonraker.
D'ailleurs restriction budgétaire oblige, le jeu ne rassemble quasiment pas d' indices réels et ceux présents sont assez bas de gamme, contrairement aux autres volets de la série, le packaging n'est pas non plus un exemple de trouvaille ou d'ingéniosité comme l'avait été les précédents volets. Pour votre consolation vous y trouverez, un sachet de soupe lyophilisée, un insecte, un goutte à goutte, quelques haricots, une bobine de fils (pour vos chaussettes ?) et le fameux log book où l'ensemble des autres indices ont été imprimés à défaut d'être fourni. Qu'il est loin le concept voulu par B. Brocard mêlant indices réels à une enquête virtuelle pour accentuer l'immersion du joueur. Merci Infogrames.
L'enquête, demeure moins prenante certes mais toujours aussi complexe que sur les autres épisodes. Il faudra toujours autant se creuser les méninges, tourner et retourner les indices dans tout les sens, à quoi sert ce bout de code griffonné sur un papier et est-ce qu'il sert vraiment ? Comment obtenir les codes BAL ? Apprendre à manipuler le bras mécanique, à faire des anti-dotes (sans le manuel n'imaginez même pas vous en sortir !) bref le challenge reste élever et lorsque le temps sera écoulé, comme précédemment, un questionnaire s'assurera que vous ayez compris l'ensemble des énigmes avant de vous dévoilez la fin.
A noter un problème de rendu du gamma dans Winuae, les couleurs sont étrangement sombres comme pour Iron Lord, je ne me souviens pas de ce problème sur le jeu d'origine, il vous faudra donc modifier les options de Winuae dans le menu "Display" de gauche, vous avez un ensemble d'option qui s'affiche avec en bas une déroulante "brightness", choisir "Dark palette fix" et la positionner à 2.0 .
Je vous propose aussi la solution compléte du jeu que j'ai fini après de nombreuses heures. A noter que je n'ai pas réussi à répondre à l'ensemble du questionnaire même si je vous donne les répones car bizarrement les touches 1 et 4 ne fonctionne pas sous Winaue lors de la saisie des réponses or il faut par exemple à une réponse saisir 14:59 impossible à taper. J'ai donc fini le jeu mais pas répondu à tout le questionnaire, la version du jeu n'est pas en cause car j'ai aussi essayé avec l'IPF Amiga en téléchargement aussi. Contactez moi si vous trouver la solution à ce bug.
On pourra dire que Meurtres dans l'espace n'aura pas déchainé les foudres et les passions tant le jeu se retrouva noyer dans un concept un peu trop aseptisé comme Infogrames en avait parfois le triste secret, un titre qui n'a malheureusement pas su assez tiré son épingle du jeu. La presse de l'époque ne l'a pas non plus encensée sauf ce bon vieux Joystick qui lui a mis tout de même un 93%, en lisant l'article on constate que le journaliste n'est pas allé bien loin (il parle que le jeu est divisé en 24 parties ! ah bon ?) et n'a fait que recopié le manuel. Néanmoins grâce au scénario et ce souci de réalisme de ce qui est possible dans l'espace, l'aventure reste prenante, mais difficile, trop peut être ? en tout cas bien un jeu bien meilleur que d'autres jeux d'enquêtes conçus par l'éditeur comme la marque Jaune, Blue Berry ou même Les passagers du vent. Malheureusement l'étroitesse de la station orbitale ne donne que peu de choix de déplacement. Le huit clos n'a jamais mieu porter son nom qu'ici. Qu'il est loin le temps de Sercq la féodale et des charmes de la place Saint Marc, la série s'achève donc sur ce cinquième volet qui pour moi est clairement moins bon que ce qu'on aurait pu s'attendre, on a du mal à se projeter dans cette enquête, c'est fort dommage car il semble que les concepteurs soient passés à côté de pas mal de choses, ce qui a fait la renommée des précédents volets... une très bonne immersion du joueur grâce à des indices réels et une enquête prenante.