Développé par Ordilogic Systems (futur Art & Magic), "Unreal" était en 1990 notre "Shadow Of The Beast" local, la french touch ? un peu mais aussi la belge touch car le jeu a été développé sur Amiga par une petite équipe franco-belge, pleine de talents qui capitalisera son expérience jusqu'au sublime "Agony" sur Amiga. Alors "Unreal" tient t-il la distance en terme technique et de jouabilité face au mastodonte british ?
L'histoire d' "Unreal" se déroule dans monde médiéval fantastique. Votre fiancée Isolde s'est faite enlevée (encore !!) par le méchant du coin, en fait un sorcier qui se fait appeler "le Polymorph", une tête enflammée qui se balade dans les airs et qui se proclame maître des ténèbres (un peu la grosse tête le mec). Donc vous, Artaban, partait à l'assault des forces du mal afin de délivrer la belle avec votre grosse épée aux pouvoirs magiques (non, non ! aucun jeu de mot)
Lorsque "Shadow Of The Beast" sort en 1989, tout le monde s'accorde sur le fait que techniquement le jeu est superbe. On n'avait jamais vu un tel jeu, de pareils musiques, de tels graphismes et de tels effets visuels sur un micro-ordinateur. Et beaucoup ne pensait pas que l' Amiga en était capable. Pourtant très vite certaines critiques relévent, à tort ou à raison, le peu d'intérêt du jeu, son gameplay somme toute assez basique et les animations très limitées du bestiaire.
Pourtant le jeu de Psygnosis avait entrouvert une brèche, difficile à percevoir sur le moment, une portée bien plus profonde que l'aspect visuel et musical sur lequel tout le monde semblait s'attarder. Désormais les développpeurs savaient que l'Amiga pouvait faire bien mieux que de simples conversions de jeu provenant de l' Atari ST, que les éditeurs nous avaient si souvent vendus. Cette brèche ne se refermera jamais. Dès lors l'égo surdimensionné bien connu (et bienvenue) des programmeurs, graphistes, musiciens, parfois provenant de la scène démomakers (parfois de groupes de crackers) n'ont eu de cesse de vouloir au moins égaler le maître mais surtout à vouloir le dépasser.
La conception d' "Unreal", c'est d'abord l'histoire d'une bande d'amis, certains se sont rencontrés au lycée mais pour la plupart d'entre eux la rencontre s'est faite vers 1987-1988 dans le château de la Grée de Callac situé dans le Morbihan près de la forêt de Brocéliande (celle même ayant donné naissance à la légende des Chevaliers de la Table Ronde, du roi Arthur, de Lancelot et de Merlin l'enchanteur). Un domaine de 35ha loué pour l'occasion par Ubi Soft sur une idée des frères Guillemot pour regrouper les équipes de développement.
C'est dans cet environnement inhabituel, dans cette atmosphère propice à stimuler ces jeunes équipes autour d'une passion commune pour faire naitre de nouvelles idées, de nouveaux jeux, encourager l'imagination et la création, que sont nés des jeux comme "Iron Lord", "Puffy's Saga" ou "Skateball" (aussi connu comme "Skate Wars").
Une moitié du château était louée par UbiSoft alors que l'autre était encore habitée par le châtelain. La partie qui nous était réservée comprenait des locaux pour travailler et des chambres individuelles. Nous étions nourris par un traiteur et nous ne manquions de rien. Il faut imaginer une quinzaine de gamins de 18 à 20 ans cohabitant dans un château à deux pas de la mystèrieuse forêt de Brocéliande. Autant dire que nos activités étaient plutôt nocturnes. Certaines nuits ont même fait l'objet de recherches de passages secrets et autres souterrains (rire). L'ambiance restait toujours bon enfant et cette situation stimulait franchement le côté créatif ! Ce fut une expérience très amusante et vraiment peu commune. C'est d'ailleurs dans ce contexte qu'ont été créées des jeux tel qu'Iron Lord ou Puffy's saga pour Commodore 64.
Marc Albinet, Graphiste sur Unreal
Derrière ce cadre somptueux, idylique certains diront, la liberté, les jeux de rôle utile à cette créativité, soit, mais le travail aussi. Et vu les activités et du rythme de vie de cette jeunesse, la plupart des développements se font parfois la nuit.
De mémoire on devait être une grosse vingtaine de développeurs, programmeurs, artistes et musiciens confondus. J'y ai passé l'été 1988 avant que certains développeurs devenus employés soient transférés dans les nouveaux locaux d'Ubisoft à Carentoir.
C'était une expérience surréaliste, et le cadre n'y était pas pour rien. Il faut imaginer ce château de la Gree de Callac et ses dizaines d'hectares de forêts, campagnes, étangs et autres dépendances, et au milieu de tout cela une bande de jeunes (marginaux pour la plupart) qui vivent déjà le plus clair de leur temps dans des univers fantastiques.
Il n'en fallait pas plus pour que les soirées se transforment en longues séances de jeux de rôles jusqu'au bout de la nuit, ce qui ne manquait pas d'impacter la productivité la journée (qui ne commençait jamais avant l'après-midi de toute façon).
Malgré cela, ce fut une expérience très enrichissante créativement et techniquement tant il y avait une émulation entre nous. Certains développeurs avaient un background formel tandis que d'autres étaient autodidactes ou encore venaient de la démo scène.
Franck Sauer, Graphiste sur Unreal
A cette époque Yves Grolet travaille pour Ubi Soft. Franck Sauer, un ami de lycée le rejoins alors. Ils avaient déjà travaillé ensemble sur "NO : Never Outside" édité par Lankhor. Malheureusement le jeu n'a été vendu qu'à 400 exemplaires si bien qu' ils n'ont touché aucun salaire pour ce jeu.
C'est là que Franck Sauer fait la rencontre de Yann Robert et de Marc Albinet.
Avant de partir travailler chez Ubi Soft comme artiste pour mon premier et unique job en tant qu'employé, j'ai passé les vacances de l'été 1987 dans leur château de Carrentoir où j'avais rejoint un ami (Yves Grolet) qui y travaillait déjà depuis quelque temps, et là-bas nous avons rencontré Marc Albinet puis plus tard Yann Robert. Tous les quatre nous partagions la même passion pour le développement et l'Amiga en particulier nous séduisait par ses capacités exceptionnelles pour l'époque. Ensuite, quand j'ai commencé à travailler comme employé chez Ubi, c'était pour travailler sur des productions Commodore 64 et Amstrad CPC.
Franck Sauer, Graphiste sur Unreal
Après le développement d' "Iron Lord" et de "Skateball" sur C64, la jeune équipe commence un peu à s'ennuyer, à réfléchir sur d'autres jeux et voit plus loin que les simples conversions qui leur sont affectées.
J'étais étudiant en Deug et lors de mon premier été au château j'avais rencontré Yves, Franck et Yann et nous avions déjà travaillé ensemble au portage d'Iron Lord sur Commodore 64. A mon arrivée le deuxième été, Yves et Franck étaient devenus internes chez Ubi Soft et avaient commencé, avec Yann, à travailler sur Unreal.
Marc Albinet, Graphiste sur Unreal
Nous commençions à nous lasser des anciennes machines, et à la maison, pendant notre temps libre, nous essayions des choses sur la bête la plus récente, l'Amiga. Yann Robert était programmeur au département de comptabilité d'Ubisoft. Il voulait passer au département de développement de jeux et prouver qu'il était un programmeur qualifié capable de gérer les ruses du développement de jeux, il avait commencé un portage de Skateball, un autre jeu Ubisoft de l'époque, vers le C64 pendant son temps libre. Nous avons été impressionnés et fiers de l'avoir rejoint dans notre groupe. Nous avons décidé que nous quatre (Yves, Marc, Yann et moi) travaillerions ensemble sur un nouveau jeu pour l'Amiga.
Franck Sauer, Graphiste sur Unreal
Une nouvelle idée émerge dans la tête de la bande d'amis, qui deviendra Unreal.
Jean-Luc Wilgaut penche alors sur le scénario, il imagine un conte médiéval, mélangeant fresque épique où un preux guerrier Artaban (lorgnant plus physiquement vers Tarzan que vers Lancelot) part sauver sa belle, dans un univers type heroic-fantasy. Ainsi une entité appelée le Dormeur, créateur de toute la vie sur Unreal, envoie son serviteur Fragor créer la vie à partir des 4 éléments. La vie évolue et un équilibre bien-mal s'installe, d'un côté les ténébres dominés par Polymorphe, une tête enflammé maléfique (un peu comme l'oeil de Sauron dans le Seigneur des Anneaux) et de l'autre la civilisation des barbares, où vit Artaban et sa fiancée Isolde, protégé par Dracus, un dragon. Tout a l'air de se passer pour le mieux, jusqu'au jour où... et bien je vous le donne en mille.... Polymorphe enlève Isolde !
Notre héro se décide donc à enfourcher son dragon pour partir sauver sa fiancée, direction le château de Polymorphe, une bâtisse sur un rocher qui flotte dans les airs ! Et là vous allez me dire mais qu'est-ce que fout une tête enflammée dans un château qui vole ? Et bien.... Et bien .... je sais pas. Je sais pas non plus pourquoi il a enlevé Isolde, parce que c'est une humaine et lui une tête enflammée, il espère quoi, un mariage ? Bref il est un peu con ce méchant mais pas plus que Artaban qui part sauver sa belle avec... une armée ? un magicien ? non juste une épée. Bon elle est magique, elle jette un peu de feu, un peu d'eau mais rien à voir avec les pouvoirs de Polymorphe. Bref.
D'ailleurs une histoire qui n'est pas sans rappeler le nanar dantesque de Peter Yates, "krull" sorti en 1983 :
La Bête est une horrible créature qui impose son règne sur la planète Krull avec l'aide de ses sbires, des cavaliers démoniaques. Le chaos et la terreur sont le quotidien des habitants, excepté dans deux royaumes encore résistants. Pour souder d'ailleurs un peu plus les rebelles, un mariage va être bientôt célébrer entres les deux héritiers des deux mondes. Hélàs, le jour de la cérémonie, les êtres malfaisants débarquent et enlèvent la mariée...
Evidemment vous n'échapperez pas aux combats avec des monstres fantastiques, voir préhistoriques. On va pas s'en plaindre. Je vous l'accorde le mélange est assez perturbant, mais c'est ainsi qu' Unreal prend forme et sortira.
La petite équipe franco-belge composée donc au départ de 4 personnes : Franck Sauer et Marc Albinet, les graphistes, Yves Grolet et Yann Robert les programmeurs, s'attèlent après la journée de travail à développer le jeu, un processus difficile, long et énergivore. Très vite l'équipe réalise qu'il ne sera pas possible de faire tout un jeu dans ces conditions, dans le château, l'idée d'être indépendant émerge alors. Après une entrevue avec la direction d'Ubi Soft, et l'assurance que l'éditeur publie le jeu, l'équipe démissionne et refonde Ordilogic Systems (qui deviendra un an plus tard Art & Magic).
Le soir après le boulot, nous avons commencé à travailler tous les quatre sur un projet Amiga, Unreal, pour explorer les capacités de la bête. Après quelques mois de travail, nous avons présenté notre prototype à Ubi en expliquant qu'il nous était impossible de continuer en tant qu'employés si on voulait consacrer notre énergie à ce nouveau projet. Ils ont accepté de devenir notre éditeur sur ce projet et nous avons tous démissionné de notre poste d'employé.
Franck Sauer, Graphiste sur Unreal
Le jeu alternera ainsi les phases d'action en 2D dans un style plate-forme/Beat'em up façon Altered Beast et des séquences à dos de dragon dans shoot'em up en fausse 3D, une technique très utilisée surtout dans les jeux de voiture de la fin des années 80 comme "Chase HQ" ou le niveau dans la batmobile dans "Batman The movie", ou dans certaines simulations spatiales comme "Space Harrier" ou "Galactic Conqueror".
Unreal était composé de deux parties distinctes, une pseudo 3D à la Space Harrier, et une partie 2D en défilement horizontal. Dès le départ nous avons organisé le jeu de cette façon pour pouvoir travailler chacun de façon la plus indépendante possible. La raison était la distance qui nous séparait, puisque Yves et moi étions rentrés en Belgique et Marc était retourné à Lyon tandis que Yann habitait en Bretagne. J'ai donc travaillé avec Yann sur la partie 2D, et Marc et Yves sur la pseudo 3D. J'ai réalisé tous les graphismes des niveaux 2D à l'exception de quelques sprites. J'ai aussi fait un ciel pour la pseudo 3D ainsi que les sons. J'ai toujours eu un petit faible pour l'audio qui passe souvent au second plan, j'ai donc insisté pour y consacrer des ressources afin d'avoir de l'audio de qualité dans le jeu.
Franck Sauer, Graphiste sur Unreal
Une direction artistique bien organisée malgré la distance. Franck Sauer a une technique bien à lui qui lui permettra d'avoir ce rendu assez réaliste avec les moyens de l'époque.
L'outil de peinture de facto à l'époque sur Amiga était bien sûr l'excellent Deluxe Paint II (et plus tard III). Malheureusement, il n'y avait pas de tablette disponible pour l'Amiga, j'ai donc dû apprendre à peindre avec une souris. J'ai principalement travaillé sur la partie 2D du jeu. J'ai fait quelques illustrations supplémentaires telles que l'animation du dragon, HUD, une image du ciel et l'animation du château volant pour le niveau 3D. Tout autre art pour les niveaux 3D a été réalisé par Marc Albinet. Marc a également fait quelques monstres pour la partie 2D. Nous avons également eu François Deon, un autre artiste qui a fait quelques ennemis pour nous aider également.
Franck Sauer, Graphiste sur Unreal
Comme l'a fait un certain Jordan Mechner dans "Prince of Percia" ou Eric Chahi plus tard dans "Another World", Franck Sauer utilise une technique bien connue aujourd'hui mais assez peu utilisée à l'époque, la rotoscopie, qui consiste à décomposer les mouvements à partir de photos prises dans des conditions réelles, dans différentes poses afin de reproduire ces frames sur Deluxe Paint et être le plus proche possible de la réalité.
La façon dont j'ai travaillé était d'abord d'obtenir de la documentation dans des livres, des peintures ou des magazines (pas d'Internet à l'époque). J'ai également pris quelques photographies de référence afin d'avoir une idée de la composition et des proportions et de m'en inspirer. Voici quelques photos de Yann qui prend la pose en pleine nature
Franck Sauer, Graphiste sur Unreal
Le jeu avance petit à petit. L'équipe est payée par étape, par des avances. Les versions tests sont envoyées à Ubi Soft qui en retour émet un rapport des choses à modifier. Dans ces testeurs on trouve un certain Serge Hascoet, maintenant dans les hautes sphères créative d'Ubi Soft. Le jeu est comparé de plus en plus à son concurrent le plus direct, l' illustre "Shadow Of The Beast".
Notre but n'était pas à l'origine de rentrer en compétition avec "Shadow Of The Beast", même si le sobriquet que nous avait attribué la presse nous flattait franchement (rires) ! Mais ce n'était vraiment pas notre dessein premier. Je me demande même d'ailleurs si ce n'est pas ainsi que j'ai pris connaissance de l'existence du jeu de Psygnosis. En fait, on essayait surtout de faire mieux en fonction de nos envies.
Marc Albinet, Graphiste sur Unreal
Nous avons essayé de nous voir le plus possible avec les membres de l'équipe, mais la communication au début des années 90 n'était pas aussi facile qu'elle l'est aujourd'hui. Pas d'Internet, pas de trains à grande vitesse. J'avais reçu un modem 2400 bauds d'Ubisoft pour transmettre des données vers et depuis Yann, mais à un moment donné, nous avons senti que c'était trop compliqué, Yann s'est installé dans une pièce dans la maison de mes parents pour améliorer le processus de développement alors que le jeu approchait de la fin.
Franck Sauer, Graphiste sur Unreal
L'aspect technique n'a rien à envier à "Beast", utilisation de scollings parallaxes, voir multi-directionnels, graphismes en 32 couleurs ou plus grâce à des astuces matérielles impossible à reproduire sur Atari ST, des artworks en mode half-bright 64 couleurs, voir 4096 en mode HAM, des ambiances sonores bardées de digitalisations ou des modules soundtracks avec des sample en 20khz !
"Unreal" n'est pas avare en belles musiques et effet sonores, ainsi le jeu propose à ceux ayant une extension de 500ko de profiter en plus de la musique, d'effets sonores comme les chouettes hululaient, le bruit de l'eau d'une rivière, le crépitement du feu, le vent qui s'engouffre dans les arbres et tout un tas d'autres bruitages samplés en haute fréquence.
Le "Main Theme" du jeu et les musiques pendant les phases 2D ont été composées par Charles Deenen, compositeur Néerlandais co-fondateur du fameux groupe "Maniac of Noise" avec Jeroen Tel ("Wave"), Thomas Petersen ("Laxity") et Thomas Mogensen ("Drax"), il composa de nombreux hit sur C64 dont "Satan", "B.A.T", "After The War", "Rambo III" ... puis sur SNES avec "Another World" et travaillera plus tard sur "Fallout 1 et 2", "Planescape : Torment".
Concernant le "Flying theme" correspondant aux phases de vol en pseudo 3D, il a été composé par Reyn Ouwehand ("Mac Magic"), faisant aussi partie du groupe "Maniac of Noise". Cette musique fût d'ailleurs reprise dans pas mal de cracktro de l'époque.
Le menu du jeu affiche aussi un effet bien connu de l'époque , le VectorBall, ici on a le droit à une sorte de dragon fait de petite balle réfléchissante, bien sûr avec beaucoup d'imagination, effet très en vogue dans les productions démos de l'époque. Cet effet a été réalisé par Thomas Landspurg.
J'avais fait pas mal de démos Amiga sous le pseudo DigitalWizard ou encore TomSoft. Parmi elles, il y avait "Trip To Mars", vainqueur d'une démo compo en Norvège en 1990, ainsi que Virtual World, une autre démo 3D assez célèbre. J'ai aussi été plus ou moins à l'origine des VectorBalls, ou du moins, de leur nom puisque la première démo que j'ai réalisée utilisant cette technique s'appelait justement VectorBalls (appelation trouvée par l'un de mes camarades d'Ackerlight).
Thomas Landspurg, Effet Vectorball sur Unreal
L'illustration sur la boite du jeu ainsi que le title screen sont issus d'une peinture fantastique de Tim White datant de 1976 utilisée pour le roman de Michael Kane intitulé "Lord of the Spiders". Pour réaliser cette image, Franck Sauer a utilisé le fameux mode halfbrite 64 couleurs, dont il fera une de ses marques de fabrique notamment avec ses superbes loadings screens sur "Agony".
J'ai commencé avec une numérisation de la peinture originale, le numériseur que j'avais n'était capable que de produire des images en niveaux de gris. Afin de reproduire la pièce en couleur, j'ai dû concevoir une palette utilisable et repeindre la plupart des éléments (comme l'arrière-plan de la ville et les plantes de premier plan).
Franck Sauer, Graphiste sur Unreal
Ce sont les graphismes d'Unreal, surtout dans sa partie plateforme qui attirent l'oeil, des décors naturels magnifiquement retranscrits, aux couleurs vives sur le premier plan, avec quelques effets comme une pluie fine et qui peut changer en bourasque de vent faisant reculer le personnage, ou les pentes enneigées qui font glisser ce dernier voir le font chuter.
Tout comme dans "Shadow Of The Beast", les backgrounds sont particulièrement soignés, de magnifiques couleurs pastels avec des dégradés froids fleurtant du bleu polaire au rose-orangé d'un coucher de soleil, un ciel laissant entrevoir une lune et une planète, des décors variés allant de la forêts enneigées avec ces rivières et ces marécages au château moyenâgeux. Votre arme, une épée qui contrôle le feu et l'eau, avec un hic, ce pouvoir n'a qu'une durée limitée. L'animation du personnage quand il donne des coups d'épée est assez bizarre, en fait on n'a pas l'impression qu'il donne des coups d'épée mais plutôt qu'il jete un sort avec une baguette magique.
Non le vrai défaut du jeu, je trouve, est que bien que disposant dans les niveaux en 2D d'un scrolling, ce dernier n'était pas continue, et à un moment il s'arrête brutalement certainement pour charger la suite des données mais cassant ainsi le rythme du jeu, un système de chargement des données en continue à la SWIV aurait été des plus appréciables.
Les niveaux à dos de Dragon en pseudo 3D donnant cette impression de se mouvoir dans un décor en trois dimension, rappelant les jeux chez SEGA comme "Space Harrier" (1985), "Galaxy Force" (1988) ou "After Burner" (1987), en fait ce que l'on appellerait aujourd'hui un rail shooter, la référence étant Rail Chase de Sega 1991, sont un peu pénibles et ont assez mal vieillis. L'Amiga ne permettant pas de faire de la vraie belle 3D, la technique est celle du sprite scaling qui consiste à mettre en mémoire toute les images d'un objet suivant sa distance du champ de vision, donnant cet effet de zoom malheureusement gourmand en mémoire et en place sur la disquette, et il faut le dire assez mal fichu aujourd'hui comparé aux zooms hardwares utilisés dans les jeux SNK.
Le rendu de ces phases est un peu brouillon, très pixélisé, vous heurtez constamment des obstacles qui arrivent trop vite alors que vous vous déplacez trop lentement, un rien vous arrête même les feuilles des arbres ! Les ennemis arrivent par vagues, parfois destructibles d'autres fois non, un vrai calvaire. Par contre comme dans la phase 2D, les décors sont plutôt sympa avec des couleurs et un dégradé dans le ciel magnifique.
Le jeu n'est pas très difficile hormis certains passages (comme celui des plaques de glace qui se penche sous votre poids), la difficulté réside dans le fait que les niveaux sont assez long à terminer, il faut compter environ 45 min pour finir le jeu.
Les premières images sont publiées dans le numéro 21 de Génération 4 et en font rêver plus d'un. Très rapidement le jeu est une vitrine pour l'Amiga par la beauté de ses environnements faisant la part belle aux décors natuels. Le jeu est un succès, on estime le nombre de ses ventes à 20 000 exemplaires uniquement sur Amiga.
A sa sortie en 1990, l'équipe avait déjà commencé à travailler sur son prochain projet, un petit shoot'em up assez peu connu sur Amiga (ah! ah ah!), qui leur prendra 2 ans... "Agony".
A noter (ou pas) que le jeu a bénéficié un an plus tard de conversions ST et PC râtées et évidemment sans aucune consultation de l'équipe du jeu original.