Pour renouveler le succès de "Crazy Cars" il fallait pour sa suite que Titus propose bien plus que de meilleurs graphismes. Non pas que le premier jeu était moche mais en un an le marché a muri, beaucoup de studios se sont engouffrés dans le développement de jeux sur 16 bits, et les jeux de course sont bien plus représentés... et beaucoup mieux finis. La concurrence est donc rude. Et si "Crazy Cars" était un des premiers jeux de course sur Amiga, le second épisode innove en proposant rien de moins que le choix de la route, des courses poursuites avec la police, ce qui en fait un peu le "Need for speed hot pursuit" avant l'heure...
En tant qu'agent du F.B.I vous êtes assigné à une nouvelle mission digne d'un épisode de "Fast and Furious", tel le Brian O'Conner de la célèbre saga, vous devez mettre fin aux activités d'un gang de voitures de luxe qui sévit dans différentes états américains. Problème, il semble que ces malfrats se sont octroyés la complicité de quelques policiers corrompus, décidément les routes ne sont plus ce qu'elles étaient, et pour appâter les mouches et semer ces mauvais flics, quoi de mieux qu'une bonne vieille ferrari F40, et oui on est en 1989.
Après le succès de "Crazy Cars" en 1987, la société Titus met très vite en chantier différents jeux reprenant en grande partie le moteur d'origine de "Crazy Cars" avec quelques améliorations. Ainsi sortiront rapidement "Fire & Forget", "Galactic Conqueror"... il faut dire que la société Titus est encore jeune et a besoin de constituer des fonds propres, les jeux doivent sortir assez vite et sur toutes les plateformes de l'époque, la plupart ne nécessiteront que trois ou quatre mois de développement ! De tels délais de développement semblent inimaginables aujourd'hui, et même à l'époque. Si bien que certains reprocheront à la société parfois un manque de finition sur certains jeux.
Aucun des jeux sortis après le premier "Crazy Cars" ne rencontrera le même succès fulgurant que ce dernier. Succès en partie dû, il ne faut pas se le cacher, du fait qu'il fut notamment l'un des premier jeu de course sur Amiga. Un an plus tard le jeu ne fait déjà plus rêver, le moteur est vieillissant, les graphismes un peu foullis, on s'ennuie ferme ... même si, et on ne sait par quel mystère, le jeu sera proposé en 1990 dans des packs Amiga 500 starter kit.
Titus souhaite donc renouveler ce succès rapidement et réfléchit évidemment sur une suite. Le jeu devra proposer évidemment de meilleur graphisme, une meilleure musique, de meilleurs sons, mais quoi d'autres ? il faut innover pour vendre mieu que la concurrence. L'équipe développe donc un nouveau moteur de jeu avec des graphismes réhaussés surtout sur ST/Amiga et nouveauté importante un petit côté stratégique inconnu dans ce type de jeu rendant l'expérience assez impressionnante pour l'époque.
Le développement se fera d'abord sur Atari ST, contrairement au premier jeu "Crazy Cars" qui avait été développé sur Amiga.
Le premier contact qu'on a tous eu avec "Crazy Cars II" c'est en voyant, sur les étales des magasins de micro-informatique, la boite du jeu qui posait fiérement, arborant une superbe illustration signée Grabuge. Un artiste ayant dessiné pas mal de jaquettes de jeu vidéo et dont je n'ai pas réussi à trouver la vraie identité malgré mes recherches. Il concevra aussi les covers de "Knight Force", "Targhan", "Titan", "Galactic Conqueror", "Fetiche Maya" etc.. Pour CCII on peut y voir la F40 faire un dérapage dans un cimetière auto où l'on y voit les quatres autres voitures du premier jeu : La Mercedes 560 SEC, La Porsche 911 Turbo, la Lamborghini Countach et la Ferrari GTO, au loin une route qui semble se prolonger à l'infini avec au fond un éclair étrange, peut être une explosion ? Inutile de vous dire qu'avec une boite aussi bien dessinée ils ont dû en vendre un paquet. Mais qu'en est-il du contenu ?
Sur Amstrad CPC, le jeu affiche dès le départ un écran titre en overscan accompagné d'une musique d'intro digitalisée à partir des samples des versions ST/Amiga, uniquement sur la version disquette, la version cassette elle a un écran classique sans musique. Pour ceux ayant connaissance de cette technique loin d'être évidente sur Amstrad il s'agit d'attaquer directement le CRTC de la machine permettant de s'affranchir des bordures disgracieuses du CPC.
Ensuite vous rentrez directement dans l'action, pas de menu, pas de choix, pas de petit texte expliquant un peu le contexte, rien de rien... et le chrono est déjà lancé, là on se dit déjà y a pas comme un hic ? Est-ce j'ai pas une version cracké où ils ont fait sauté l'intro... mais non c'est bien le jeu comme cela.
Le jeu se décompose en étape : un point de départ et une destination. L'objectif vous l'aurez compris est de rallier durant le temps imparti la destination sans se faire arrêter par la police du coin. Petit détail stratégique, il ne suffit pas d'aller tout droit pour arriver à destination, parfois des embranchements vous seront proposés avec le numéro de la route, il faudra donc faire le bon choix grâce à la carte fournie dans le jeu CPC (contrairement aux versions ST/Amiga où elle est intégré). En tout c'est 14 étapes qui vous attendent, l'arrestation, la sortie de la carte, le timer à zéro signifie l'échec et donc la fin de la partie et vous recommencez tout à zéro. Pas de sauvegarde, pas de code pour recommencer à la dernière mission, le jeu est traitre, frustrant et terriblement punitif. Voilà vous êtes prévenu du challenge.
Graphiquement le jeu est plutôt beau, votre voiture, une F40 est très bien modélisée notamment dans les têtes à queue où vous pourrez l'admirer sous tous les angles et au départ on en abuse un peu. Les bords de route sont eux bordés de quelques poteaux électriques, de sapins, voir de quelques cactus suivant les quatre états des Etats-Unis traversés : Utah, Colorado, Arizona, Nouveau Mexique.
Question prise en main, contrairement aux versions ST/Amiga totalement injouable car la voiture se dirigeait à la souris ! la version Amstrad se joue elle à la manette avec une maniabilité bien plus arcade. L'absence de souris en standard sur cette machine (hormis l'onéreuse AMX que peu de soft ont utilisé) a obligé Titus à revoir sa copie, et ce n'est pas un mal... si bien qu'on fustige la personne qui a eu la mauvaise idée de faire de ce jeu une simulation sur ST/Amiga. Grâce à cette maniabilité plus arcade par exemple dans un virage mal négocié, vous pouvez assez facilement vous remettre sur la route sans risquer l'explosion comme sur 16 bits. Le plaisir de jeu n'en est que décuplé et en devient même une référence de ce qui se fait de mieux sur Amstrad.
Le pied au plancher, vous atteindrez assez facilement les 327 km/h, le radar bippe mais tant pis, rapidement les premières sirènes de police se font bientôt entendre, assez sympa la première fois qu'on les entend, un peu moins quand on se rend compte que c'est tous les cinq secondes. Mais c'est qu'ils sont collants en plus, ils ne vous lacheront pas sauf avec des accélérations ou lors des embranchements de routes, les arrestations seront nombreuses et il faudra chaque fois recommencer tout à zéro faute de code pour reprendre à la dernière mission, du moins à l'époque.
J'en ai briévement parlé mais l'innovation importante du jeu et non des moindres est la possibilité de choisir sa route. L'effet est plutôt réussi car cela ajoute une sensation de liberté, certes relative et limité mais qui fait son petit effet, bon on est en 1989 je vous le rappelle, forcément on était plus impressionnable. Ces embranchements sont précédés par des panneaux de signalisation et le numéro de la route sera affiché sur le tableau de bord du haut.
Autant vous dire qu'en 1989, un jeu de course qui proposait de choisir non seulement son chemin mais aussi des courses poursuites avec la police, c'était assez inédit. Quelques mois plus tard on verra débarquer "Chase H.Q", puis sa suite "S.C.I" et même "Cisco Heat" qui vous mettra là dans la peau du policier. "Crazy Cars III" gardera les courses poursuites sans les embranchements. "Crazy Cars II" est donc un peu le "Need for speed hot pursuit" avant l'heure.
La version Amstrad CPC est sans concession, le scrolling est fluide, l'animation très bonne, c'est un exploit d'autant plus qu'elle reprend la plupart des points forts des versions ST/Amiga. Difficile de croire que le jeu tourne sur un simple CPC 6128 de 128ko, mieux il tourne aussi sur le CPC 464 cassette qui ne disposait lui que de 64ko de mémoire vive ! seule la musique d'introduction est absente sur cette dernière.
Une prouesse technique sur machine réputée peu puissante, pas faite pour les scrollings, mais plutôt à l'aise avec les petits jeux d'aventure à écran fixe. Pas étonnant que le jeu est considéré comme un des meilleurs jeux sur Amstrad, et surement le meilleur jeu de course sur cet ordinateur. Même aujoud'hui sur la scene les homebrews, avec les outils à disposition il serait difficile de parvenir à un tel résultat sur cette machine.
Cette prouesse on la doit à Philippe Pamard, qui travaillait en externe sur le projet, Gil Espeche programmeur attitré CPC chez Titus qui a aussi aidé sur CCII raconte :
Un gars très gentil nommé Philippe Pamard (nous avons eu trop de philippe autour donc nous l'avons appelé Paul lol, désolé Philippe) était en charge de faire la version CPC. Il a écrit un code très brillant et efficace "basé sur le pointeur de pile" pour dessiner la route qui a permis de faire un rendu de route en 3D complet. J'ai donc rejoint l'équipe et pris en charge tous les trucs 3D. Cela rend le jeu amusant car cela rend les bosses si réalistes.
Gil Espeche, programmeur Crazy Cars II sur Amstrad CPC
Sur son travail de développeur et la recherche d'optimisation, le programmeur Philippe Pamard s'est exprimé :
On peut, si l'on prend son rôle de programmeur à coeur, faire des choses que l'on pensait impossibles. Pour les sprites par exemple, en faisant une adaptation, on peut réduire les séquences d'animation sans que le résultat n'en souffre, ou compacter les sprites en mémoire pour les décompacter en temps réel, ce qui demande encore une fois une programmation très poussée mais tout a fait jouable.
Comme assembleur, j'utilise Pyradev, qui, selon moi, est le meilleur. En ce qui concerne les dessins, je me suis fait un éditeur de sprites qui me suffisait amplement. Pour les sons, j'avais écrit un utilitaire permettant de jouer des sons au 300e de seconde
Philippe Pamard, programmeur Crazy Cars II sur Amstrad CPC
Parlons un peu des défauts du jeu, et ils sont nombreux malheureusement.
Le premier est évidemment les sorties de routes, les barrages, la collision avec une voiture de police, un réverbère ou même avec un petit poteau de bord de route de rien du tout qui amène à une explosion et c'est comme cela assez souvent. Côté réalisme on repassera. Mais pourquoi n'ont ils pas juste ralenti la voiture ? arghhhh
Second point, les voitures de police disposées tous les 500m ! et là je me demande vraiment ce qui peut se passer dans la tête des programmeurs quand on arrive à ce résultat ! Si bien que l'intérêt du radar est nul car une fois à pleine vitesse il bippe tout le temps.
Troisième point, en cas d'échec il n'y a aucune manière de reprendre à la dernière mission, aucun système de code comme cela se faisait souvent à l'époque, et après une ou deux heures de jeu se voir arrêter par une patrouille de Police après une explosion, ou lors d'un embranchement réapparaitre sur la mauvaise route (alors que vous aviez prix la bonne) et finir avec un "Out of state" c'est assez frustrant.
Dernier point, la circulation, c'est simple il n'y en a aucune, on est bien loin d'un "Test Drive" où des camions vous arrivent de face. Là vous enchainez les kilomètres sans aucune autre voiture que la voiture de police habituelle, car c'est toujours la même, qui vous poursuit. Le jeu devient donc vite monotone et ennuyeux.
Pour moi ce sont les défauts majeurs qui font que "Crazy Cars II" n'a jamais été le hit qu'il aurait pu être ou qu'il se prétendait parfois être. Pour aller un peu plus loin on peut parler d'un défaut esthétique, les voitures de police vertes ! et non noires comme celle qu'on connait le plus. Sans doute des voitures de police d'état, mais bon on aurait préféré la noire comme celle des séries télé (seule la version Amiga a la verte et la noire).
Du côté de la presse française, le jeu est assez bien accueilli, tous ont vanté la beauté du jeu, les courses poursuites sans pour autant souligner la quasi impossibilité de contrôler la voiture sur ST/Amiga : Gen 4 d'or, 18 pour Tilt, 14/20 dans Amstar, 90% dans Amstrad cent pour cent, Micro Mag invente une nouvelle catégorie "Poursuite infernale", tiens tiens ca me rappelle un autre jeu...
Seule la presse britannique est plus mitigée voir intransigeante : 61% CU Amiga, 43% Amiga Computing
Crazy Cars II s'est vendu à 42 000 unités sur l'Amstrad CPC
A noter que le jeu en amérique du nord s'appellera "F40 poursuit simulator"
La publicité de "Crazy Cars II" affiche des situations qui n'existent pas sur Amiga/ST et d'ailleurs dans aucune autre version.
A l'époque il n'est pas rare qu'on nous vendait du rêve (on se souviendra du verso de la boite de Robocop ST/Amiga/CPC affichant des screenshots de la version Arcade !), et même si on aimait çà... bavait en regardant les screenshots dans la presse magazine, souvent la déception était de mise une fois le jeu en main. "Crazy Cars II" ne déroge pas à la règle et en est même un des exemples les flagrants de cette pratique mensongère qui sévissait souvent dans les pages publicitaires de la presse jeu, les graphistes devaient s'en donner à coeur joie à l'époque...
Comparatif des screenshots du bas de la publicité avec celui du jeu en situation réelle
En résumé :
- Les bords de routes sont beaucoup moins garnis que dans la publicité (Pas de cactus, pas de sapins, etc.. sur ST/Amiga)
- Il n'y a jamais plus d'une voiture de police qui vous poursuit, toutes les screens avec deux voitures sont des photomontages
- La voiture de police ne vous poursuivra jamais sur un embranchement, elle continuera sa route
- Pas de poteau électrique dans les embranchements
- En plusieurs heures de jeu, je n'ai jamais croisé de voiture de police bleues, ni oranges ou alors j'ai pas de bol ! ce qui est tout à fait envisageable aussi
- La situation où la Ferrari et la voiture de Police sont portes à portes et de côté dans un barrage est impossible !
En faisant quelques recherches je n'ai trouvé aucune vidéo et aucune image de la fin de "Crazy Cars II", étonnant non ? La raison est simple, les versions de "Crazy Cars II" sur Atari ST mais aussi Amiga et même Amstrad sont buggués et dans aucune des versions indiquées il n'est possible de voir la fin ! Quand on parle de manque de finition des jeux Titus en voici une preuve.
Sur Amstrad CPC, arrivé au terme des 14 trajets ce n'est pas l'image d'un congratulation bien mérité qui vous attend mais celle d'un beau bug avec une destination complètement farfelu et incompréhensible. Un bug passé bizarrement inapercu non seulement sur la version CPC mais aussi sur sa version GX4000 sortie un an plus tard.
Les versions ST mais aussi Amiga ne sont pas mieux loties, cette fois le bug se produit lorsque vous arrivez au terme de l'étape six ! le programme ne détecte pas que vous êtes arrivé, aucun congratulation et vous continuez votre route jusqu'à épuisement du timer. D'ailleurs dans le Joystick #02 rubrique help, un contributeur décrit les chemins jusqu'à l'étape six mais ne parle pas de la suite ni du bug, ou alors cela a été supprimé par les pigistes.
Sur les deux versions ST et Amiga je suis allé jusqu'à l'étape six et même en contournant pour changer le sens d'arrivé sur la route 160 histoire de voir si cela avait une influence, le programme ne détecte pas l'arrivée. Assez étonnant que des programmeurs différents sur deux machines différentes mettent le même bug au même endroit ! sauf si le code de la version Amiga est un portage direct à partir du code Atari ST, la version originale.
Les versions originales ST/Amiga/CPC/GX-4000 n'ayant pas de fin, je vous ai mis dans la rubrique quelques versions dont ma préférée la version Amiga avec trainer invulnérabilité, assez compliqué à trouver, mais quel pied de ne plus exploser toutes les cinq secondes malheureusement sans fin non plus... snif
- La version Amiga avec invulnérabilité et temps infini mais bug à l'étape six.
- L'IPF Amiga c'est à dire l'image originale du jeu non retouchée.
- La version Atari ST corrigée à l'étape six avec trainer temps infini, etc.. mais avec un bug sur la carte, plus d'information sur ce site
- La version Amstrad CPC corrigée (cf vidéo ci-dessous)
Vous comprendrez que mis à part le correctif sur Amstrad CPC, les autres ont ajouté d'autres problèmes ne permettant toujours pas de voir la fin, avis à un programmeur talentueux sur ST/Amiga... et pourquoi pas une version avec invulnérabilité, temps infini, conduite arcade, choix du niveau et bien sûr correction du bug à l'étape six ? En fait le "Crazy Cars II" comme il aura dû sorti à l'époque si Titus avait eut plus d'attention à son produit.
"Crazy Cars II" divise beaucoup, certains l'aiment d'autres le détestent. Malheureusement si le jeu est techniquement impressionnant au premier abord avec ses courses poursuites, ses croisements, ce rendu de la route et ses reliefs, il faut avouer que le jeu renvoi rapidement une image d'inachevé qu'il est difficile de contester. On sent qu'on est passé à côté d'un grand jeu, complétement torpilé par des choix forts discutables et toujours ce manque de finition propre aux jeux Titus de cette époque.
Seule la version Amstrad s'en sort honorablement grâce à une maniabilité plus arcade et c'est pour cela que j'ai voulu la mettre à l'honneur dans ce test.
Le jeu fut pressenti pour recevoir différents prix mais ne remporta finalement qu'un Gen 4 d'Or et c'est déjà beaucoup.