En 1992, ce n'est pas un mais deux jeux DUNE qui sortent sous le label Virgin GAMES. Si sous son indéniable beauté artistique, la version de Cryo est un jeu conceptuellement assez unique. Beaucoup de joueurs en gardent un souvenir impérissable, parfois affectueux, peut-être même biaisé (le fameux c'était mieux avant), forgeant un peu plus le mythe de la « French Touch ». Malgré ses qualités, le jeu de Westwood n'a pas eu la même aura dans les coeurs des joueurs. Pourtant paradoxalement c'est bien ce dernier qui aura marqué durablement l'industrie du jeu vidéo en rassemblant des mécaniques certes déjà existantes, mais en réussissant à les marier et en les équilibrant, ouvrant la porte aux futurs RTS qui feront le succès du studio notamment avec les « Command & Conquer ».
La situation sur Arrakis, dit DUNE, la planète où se trouve la substance la plus précieuse de l'univers, l'épice, est critique. L'empereur Frédérick IV, prêt à tout pour obtenir le plus d'épice, a lancé un défis aux trois grandes maisons dont l'enjeu est tout simplement la possession et la gouvernance de la planète à celle qui produira le plus d'épice. La bataille ne fait que commencer mais restez bien sur vos gardes, l'empereur, qui a déjà trahi et renversé l'ancien empereur qui était son propre frére, n'est semble t-il pas un homme de parole et tout pourrait bientôt se compliquer.
Martin ALPER, le boss de Virgin U.S était un fan inconditionnel de l'oeuvre littéraire DUNE. Son obstination avait payé puisqu'il avait réussi ce qui était encore impensable il y a encore quelques mois, arracher à Universal Pictures les droits pour adapter DUNE en jeu vidéo. Il savait plus que personne ce que les Américains attendaient d'une telle licence, et après un an de développement le jeu de Cryo n'était pas en phase avec cela: jugé trop français. Dans les acquisitions récentes de Virgin GAMES, il se trouve ce studio basé à Las Vegas, Westwood. ALPER appréciait leurs jeux notamment « Eye Of The Beholder », aussi il demande au studio de réfléchir à un jeu sur la franchise DUNE. A ce stade de ce qu'on en sait et en dehors de Jean-Martial LEFRANC de Virgin Loisirs et de Philippe ULRICH, pour ALPER la version de Cryo c'est de l'histoire ancienne. Mais une chose est sûre cette licence durement acquise ne devait pas être perdue.
Quelques mois plus tard, suite à la revente de sa branche française, Virgin Loisirs à SEGA afin de faciliter la distribution de la Megadrive en Europe, un audit sur les comptes met en évidence le subterfuge français entre Jean-Martial LEFRANC et Philippe ULRICH pour la continuation du développement du DUNE de Cryo. Mis devant le fait accompli et sans doute à contrecoeur, ALPER se retrouve dans une situation compliquée, le jeu de Cryo a déjà couté beaucoup trop cher pour être annulé et possède un certain potentiel qu'il ne faut pas négliger, de l'autre côté il y a le DUNE de Westwood qui correspond plus aux attentes du public américain et dont il apprécie le peu qu'il a vu. Se retrouver avec deux jeux potentiellement géniaux sur une telle licence pourrait sembler idyllique, mais pour le marketing c'est un véritable cauchemar. On pourrait les différencier en les nommant « DUNE'S CRYO : THE ADVENTURE GAME » et « DUNE'S WESTWOOD : THE STRATEGIC GAME » mais Non : La solution retenue qui ne plaisait ni à Cryo ni à Westwood était de renommer celui de Westwood en « DUNE II : The Building of a Dynasty » (connu en France sous le nom « Dune II : La Bataille d'Arrakis » ) faisant passer ce dernier comme une suite du jeu de Cryo ce qu'il n'était en aucun cas.
A la décharge d'ALPER, et comme cela avait déjà existé dans le passé pour d'autres jeux comme par exemple pour la conversion en jeu d' « Indiana Jones & La Dernière Croisade » qui était sorti dans des versions aventure et action, chaque joueur devrait trouver le jeu qu'il lui plait. Ceux qui préfèrent le roman et les intrigues se tourneront vers le jeu de Cryo tandis que ceux qui préfèrent la stratégie et l'action militaire se tourneront vers celui de Westwood. Mais n'est pas Indiana Jones qui veut, difficile de prévoir la réaction des fans de DUNE, ils avaient déjà boudé la sortie du film de David LYNCH en 1984 entrainant la faillite de sa société de production la Dino DE LAURENTIIS. Comment être sûr qu'ils se vendent suffisamment surtout qu'ils pourraient se faire concurrence à quelques mois d'intervalle ? Sans compter que ce n'était pas la seule différence entre les deux jeux, notamment sur la chronologie alors que celui de Cryo se base sur le premier roman, celui de Westwood choisit de remonter des milliers d'années avant donc bien avant la chronologie des livres à cela Joe Bostic, le programmeur de DUNE II s'explique :
J'étais programmeur principal et concepteur de gameplay pour Dune 2. D'autres ont créé les éléments de l'histoire. Le gameplay de Dune 2 était une collaboration entre Brett Sperry et moi-même. Il n'y avait pas de vision exacte du produit final lorsque nous avons commencé. Nous avons proposé des idées au fur et à mesure que le développement progressait. Par exemple, nous savions dès le départ que le jeu devait jouer en temps réel, contrairement aux autres jeux militaires de l'époque qui étaient au tour par tour, mais l'idée de récolter l'épice pour gagner des crédits pour acheter plus d'unités a été pensée au milieu du développement. Afin de nous donner le maximum de liberté pour amener la licence dans le domaine du combat stratégique, nous avons décidé que DUNE II se déroulerait des milliers d'années avant la chronologie des livres. Cela nous a libéré de devoir suivre l'intrigue du livre, tout en nous évitant tout conflit avec le jeu DUNE créé par Cryo. Nous pouvions créer notre propre chemin puisqu'il n'y avait aucun jeu comme celui-ci à l'époque.
Joe Bostic, programmeur de DUNE II
Du côté de la presse c'est aussi un peu l'étonnement d'apprendre qu'un DUNE II sortira quelques mois après celui de Cryo mais pas ce n'est pas une nouveauté, des précédents existent comme expliqué ci-dessus.
L'idée de faire du jeu de stratégie en temps réel était une évidence pour le studio qui s'était fait les dents sur les conversions de franchises des jeux de société à succès comme « Battletech : The Crescent Hawk's Revenge » ou « Eye Of The Beholder », basé sur Dungeons & Dragons.
à l'époque, tout le monde à Westwood jouait à quelques jeux que nous aimions beaucoup, alors quand la licence de Dune est tombée dans nos mains, nous avons pensé que combiner des éléments de ceux-ci jeux en un seul serait une bonne idée.
Joe Bostic, programmeur de DUNE II
Pourtant Stephen Clarke-Willson, un dirigeant des bureaux américains de Virgin au début des années 1990 prétend que tout le monde au bureau jouait à Herzog Zwei vers avril 1991.
On m'a confié la tâche de savoir quoi faire avec la licence DUNE puisque j'avais lu le livre plusieurs fois. Je pensais que du point de vue du jeu, le vrai stress était la bataille pour contrôler l'épice, et qu'un jeu de stratégie sur les ressources serait bien. Dès le départ Westwood a accepté de créer un jeu de stratégie sur les ressources basé sur DUNE, et a accepté de se pencher sur Herzog Zwei pour des idées de design.
Stephen Clarke-Willson, dirigeant Virgin U.S
S'il existait déjà des dizaines d'autres jeux de stratégie avant DUNE II qui se jouaient en temps réels notamment les jeux dit « de dieu » comme Sim City (Maxis/1989), Populous (Bullfrog/1990), Powermonger (Bullfrog/1990) mais aussi le DUNE de Cryo, le jeu en temps de stratégie en temps réels comme on l'entend de nos jours sous le diminutif « STR » en français ou « RTS » en anglais, c'est-à-dire dans lequel le joueur commence sur un terrain presque vierge, cherche des ressources, les accumule, construit des structures, des unités de génie civile et militaires, leur donne des ordres d'attaque ou de défense, il est admis que c'est Westwood qui a inventé ce type de jeu et que DUNE II est bien le père de tous les « RTS » car il combinait bien tous les fondamentaux du genre.
A sa sortie à l'automne 1992, DUNE II a été accueilli par la presse positivement relevant le côté addictif du jeu mais sans se douter qu'ils étaient en face d'un jeu qui influencerait pour la décennie à venir d'autres jeux dont il sera un précurseur. Pourtant c'est bien le premier DUNE celui de Cryo qui a marqué les esprits et qui reste avec le temps encore le plus agréable à jouer. Pourquoi ? Tout simplement parce que, même si le jeu de Cryo emprunte des mécaniques action/aventure proches des jeux Cinemaware comme « It Came From The Desert » sortie en 1990, il est encore aujourd'hui assez unique, aucun autre jeu n'a été dans cette direction. A contrario le concept de DUNE II a été décliné dans de nombreux autres jeux qui ne cessaient d'améliorer les mécaniques et les imperfections des précédents jeux : « Command & Conquer », « DUNE 2000 », « Alerte Rouge »: si bien que DUNE II semble aujourd'hui un peu émoussé et moins fascinant qu'il ne l'était à l'époque mais a gardé quand même tout son pouvoir de fascination.
Si le jeu de Cryo reprend de nombreux thèmes abordés dans le roman, le jeu de Westwood brille presque par une absence totale de tout ce qui fait le roman DUNE mémorable, hormis l'épice évidemment. L'idée de Westwood était de s'écarter de l'intrigue de DUNE afin de se différencier du DUNE de Cryo parallèlement en développement lui aussi pour Virgin Games.
J'ai lu le premier roman de la saga, mais je n'ai jamais vraiment pensé à l'adéquation du livre en jeu. Nous avons planté la planète de sable Arrakis comme décor et ajouté une nouvelle faction des Ordos pour diversifier le gameplay, mais sinon, nous ne nous sommes pas appuyés sur l'original.
Rick Gash, scénariste de DUNE II
Afin de nous donner le maximum de liberté pour amener la propriété intellectuelle dans le domaine du combat militaire au sol, nous avons décidé que DUNE II se déroulerait des milliers d'années avant la chronologie des livres. Cela nous a libéré de devoir suivre l'intrigue du livre, tout en nous évitant tout conflit avec le jeu DUNE créé par Cryo. Nous pourrions créer notre propre chemin puisqu'il n'y avait aucun jeu comme celui-ci à l'époque.
Joe Bostic, programmeur de DUNE II
Passée une introduction composée de quelques animations au format vignette plutôt honnêtes mais pas exceptionnelles, même sur PC, dont toute la presse semble être tombé en extase dessus, cela avait au moins le mérite de mettre le joueur dans l'ambiance, heureusement ce n'était que le début du jeu et le meilleur est à venir. S'en suit le choix de la maison parmi trois disponibles : Les Atréides, les Harkonnen et les Ordos, un clan inédit créé de toutes pièces pour les besoins du jeu.
Ordos House est apparu dans le jeu pour rendre le conflit bilatéral plus dynamique. Autant que je sache, aucun employé de Westwood n'en a jamais parlé avec les ayants droits d'HERBERT.
Rick Gash, scénariste de DUNE II
Chacune des trois maisons concurrentes a ses propres types d'unités militaires mais aucune maison n'a un avantage évident sur l'autre même si la maison Harkonnen dispose d'un arsenal militaire impressionnant.
Première maison, les Atréides, les gentils de service pourrait-on dire. Déconseillé en cas de première partie surtout face aux massifs Harkonnen. Ils disposent d'Ornithoptère, un avion léger permettant de lancer des roquettes de soutien lors des combats. Autre arme à leur disposition, les chars Soniques, ce char sophistiqué utilise la technologie des ondes sonores pour lancer un jet d'énergie sonique sur ces cibles. Cette énergie haute fréquence cassent la structure moléculaire de tous ce qui se trouve sur sa trajectoire.
S'en suit logiquement les Harkonnen, ennemis historiques des Atréides et fidèles à leur réputation de peuple barbare. ils déploient un char particulièrement impressionnant, le Dévastateur. Non seulement fortement blindé, ce char massif tire des flux de plasma et incorpore aussi une charge explosive (et déclenchable) faisant de lui une arme redoutable une fois collé à un bâtiment de la base ennemie, seul reproche il se déplace très lentement et donc plus soumis aux attaques ennemies. Associé à la « Main de la Mort », un missile balistique qui peut être lancé toutes les 17 minutes environ depuis le palais, une structure de commandement disponible dans les derniers niveaux, vers une zone ennemie, imprécis certes (sauvegarder avant de le lancer pour recharger s'il n'atterrit pas où vous voulez) rendant le jeu assez jouissif lors des combats dès lors que vous dominez la partie bien sûr. C'est sûr la maison Harkonnen c'est du lourd
Les Ordos, définis dans le manuel comme de riches marchands possèdent des unités militaires spéciales de sabotage, un seul saboteur peut détruire pratiquement toute une structure ou un véhicule. Ils disposent également d'une arme particulièrement sournoise, le Déviateur. Ce char lance des ogives de gaz innervant qui n'endommage pas les véhicules mais les retournent contre leur camp: du moins temporairement.
Chaque campagne consiste à réussir 9 missions avec un choix possibles à la fin de chaque mission parmi 2 voire 3 zones à conquérir. Globalement toutes les maisons ont un fonctionnement et des bâtiments de base similaire, seul quelques équipements ou armes spéciales permettent de les distinguer réellement, c'est certes assez succinct mais suffisant pour donner au jeu de Westwood une bonne rejouabilité.
Chaque mission commence avec une petite base, un piège à vent pour l'énergie et une moissonneuse pour récolter l'épice ainsi quelques troupes. Le terrain de jeu est entouré de vastes étendues de désert inexplorées obscurcies par le brouillard de guerre qui ne se lèvera qu'au passage d'une de vos unités. Quelque part, il y a des gisements d'épices qui alimenteront vos crédits et permettront votre expansion, mais aussi une ou des bases ennemies en expansion et presque toujours située logiquement à l'opposé de la carte. Mais comment identifier l'emplacement exacte de l'épice et des bâtiments ennemis. La réponse est simple et chaque joueur a dû utiliser cette astuce, faire une sauvegarde de votre partie dès le début et envoyer vos unités aux quatre coins de la carte pour connaitre ses moindres recoins puis recharger sa sauvegarde. En somme si le brouillard ajoute une touche de mystère elle n'est que fictive puisque l'IA ennemi elle n'est pas astreinte à ce brouillard, elle voit votre base, son emplacement et son évolution, d'ailleurs les attaques ennemies ne commenceront réellement à s'intensifier qu'après avoir atteint une certaine progression dans le niveau.
Petit à petit, de niveau en niveau, chaque joueur commencera à bâtir sa propre stratégie et à la réajuster suivant la difficulté du niveau. Une stratégie gagnante au niveau précédent peut s'avérer inefficace dans un niveau supérieur vous obligeant ainsi à en trouver une meilleure. L'objectif étant d'anéantir la base ennemie en détruisant tous les bâtiments qui la composent mais avant cela il faudra récolter le plus d'épice, l'argent de DUNE II qui vous aidera à vous agrandir. Et si au départ les ressources sont proches de la base, très vite il faudra envoyer vos moissonneuses de plus en plus loin pour en trouver avec les risques de rencontrer les troupes ennemies. Faut-il mettre la paquet sur l'infanterie et les chars léger ou les chars lourds mais forcément plus chers, faut-il privilégier une attaque frontale massive ou quelques attaques ciblés et plus espacés dans le temps sur des bâtiments stratégiques ? Devez-vous avoir un ou deux moissonneuses ou cinq au risque d'épuiser rapidement les ressources ? Toutes ses questions se poseront à un moment donné, en cela DUNE II joue parfaitement son grâce de RTS moderne avec une montée progressive des niveaux et plusieurs façons d'atteindre le but visé. Petit bémol la gamemap affiche toujours les mêmes dimensions, avec une taille plutôt restreinte d'ailleurs ce qui fait que les parties n'excèderont rarement 1h30 puisqu'à partir d'un moment l'épice viendra à manquer et il vous faudra aller voir du côté ennemi pour continuer à récolter et ne pas sombrer rapidement par le manque de ressources. Dès le début de la partie, la première astuce consistant à sauvegarder la partie, envoyer dans toute les directions les quelques véhicules à votre disposition afin de connaitre la position de la base ennemie, et surtout des bâtiments stratégiques qui seront à détruire en priorité : le chantier, les raffineries d'épices, les usines de chars mais aussi le palais à cause de son missile particulièrement destructeur.
L'équipe de développement trouverait ses propres points d'équilibre grâce à des tests de jeu, mais d'abord, ils devaient mettre en place les éléments de base. La planète d'Arrakis offrait des règles du jeu équitables, avec des cartes composées principalement de sable plat et les seules caractéristiques étant des zones de substrat rocheux exposé, qui agissaient comme des refuges contre les vers de sable qui apparaissaient au hasard sous le sable pour engloutir des unités. . Faire bouger les unités dans cette étendue était une première étape naturelle.
J'ai utilisé ce qu'on appelle une « machine à états » pour que chaque véhicule sache où se déplacer et quoi attaquer. Cette logique de machine à états serait dupliquée pour chaque unité et le joueur pourrait également changer la machine à états de chaque combattant pour le diriger vers une zone ou attaquer des ennemis spécifiques. Ce n'était pas forcément une programmation complexe, même si c'était un nouveau concept pour moi à l'époque.
Joe Bostic, programmeur de DUNE II
Le nombre d'unité et de bâtiment pouvant être construit par maison est limité, et à bien des égards on se sent parfois un peu juste surtout quand on a construit une base complète et qu'il commence à manquer un piège à vent ou quelques tourelles de protection, à cela il est dommage de ne pouvoir vendre un bâtiment au profit de la construction d'un autre, une astuce consistant à tirer avec vos troupes sur votre propre bâtiment, un comble. L'ennemi contrôlé par l'ordinateur semble également jouer selon les mêmes règles, chaque unité apparaissant sur le champ de bataille après un délai approprié pour la construction et le déploiement. Une grande partie de la tension vient du fait de savoir quand l'ennemi, caché sous ce brouillard, va attaquer.
L'IA ennemi suit les mêmes règles que le joueur, le plus grand avantage de l'ordinateur est qu'il sait où se trouvent vos unités, car il n'a pas de brouillard bloquant sa vision. Il obtient également quelques crédits supplémentaires par charge de moissonneuse. Ces deux conditions étaient toutes deux nécessaires pour équilibrer le jeu contre un joueur humain forcément plus intelligent.
Les concepteurs de niveau pré-construisent chaque base ennemie à son état final terminé, puis la ramènent à un point de départ.
Au fur et à mesure que la mission progressait, l'ordinateur suivrait alors ce modèle de construction de base. En pratique, cela signifiait que la base de l'ordinateur était bien aménagée mais suivait toujours les mêmes règles de construction de base que le joueur humain.
Joe Bostic, programmeur de DUNE II
Les deux parties disposent d'un nombre d'unités limités pouvant être produites et, bien que cela ait été expliqué dans le jeu, cela était bien sûr dû aux limitations de mémoire et de traitement des ordinateurs du début des années 90.
Une grande partie du temps passé à programmer était de trouver des moyens intelligents de rendre le jeu plus efficace sans nuire au gameplay. L'un de ces moyens consistait à limiter le nombre d'unités.
Joe Bostic, programmeur de DUNE II
Regarder la façon dont les unités se déplacent, en particulier lorsqu'il y a un grand nombre d'infanterie attaquant ensemble, est un aspect particulièrement jouissif de Dune II , offrant aux joueurs ce bref calme avant la tempête entre l'émission et l'ordre et le début de la bataille. Pourtant, ce mouvement fluide apparemment complexe est le produit d'instructions élémentaires. La «machine à états» de chaque unité lui indique où aller et quoi attaquer, mais elle ne se considére que comme une entité isolée sur le champ de bataille. Ainsi du point de vue d'une unité, les unités et bâtiments amis ne sont que des obstacles.
Chaque unité suit sa propre logique de recherche de chemin et c'est tout, elle ne prend en compte les unités proches que si elles affectent le mouvement en bloquant leur chemin ou en engageant des cibles.
Joe Bostic, programmeur de DUNE II
Et lorsque le joueurs voient plusieurs attaquants se rapprochent d'une seule cible en prenant cela comme une attaque massive ennemie, ce n'est pas le cas en tout cas pas pour le chipsets de l'Amiga.
Parfois, il peut sembler que les unités se reconnaissent, mais ce n'est qu'une illusion. L'ordinateur envoie simplement le même ordre à différentes unités à proximité en même temps. Donc, si l'ordinateur décide de lancer une attaque, il peut faire avancer plusieurs unités inactives. Le joueur voit alors cela comme un assaut complexe et coordonné, mais en fait chaque mouvement est autonome.
Joe Bostic, programmeur de DUNE II
Graphiquement le jeu est assez basique surtout comparé au « DUNE » de Cryo, on ne peut pas dire effectivement que « DUNE II » brille par un esthétisme transcendant, le jeu n'est pas moche mais plutôt classique de ce qu'on trouvait à l'époque sur ce type de jeu, bref passable mais qu'importe. La force de « DUNE II » est ailleurs. Ce que Westwood a tout simplement créé est une véritable bombe atomique : son gameplay est tout simplement parfait (ou presque), équilibré et très mais alors très addictif. C'est simple sur Amiga à part « Sim City » et « Black Crypt », je n'ai jamais été autant happé par un jeu. Tellement addictif qu'une fois une partie commencée il est difficile de s'en décrocher, détruire la base ennemie devient un but, une obsession, même si pour aller à son terme cela vous emmène tard dans la nuit.
La version Amiga est une réussite, elle conserve tous les atouts de la version PC sauf les 256 couleurs bien sûr, cette derrière étant supérieure graphiquement mais pas tant que cela au regard de cette conversion Amiga de haut niveau. Pour faire tenir tout cela ce n'est pas moins de cinq disquettes qu'il faudra swapper dans le lecteur, le lancement du jeu étant un calvaire, une pensée pour le pauvre processeur Motorola 68000 cadencé à 7,16 Mhz de l'Amiga qui a bien du mal à gérer l'IA des unités ennemis et vos ordres, ça rame effectivement un peu mais rien ne venant altérer le plaisir de jeu. D'abord sortie sur PC en 4 disquettes, puis Amiga, une version PC CD est sortie (téléchargeable ci-contre) mais c'est une copie presque conforme de la version disquette, elle n'utilise pas le potentiel du CD ni pour le gain de place, pas de vidéo, ni pour la musique pas de qualité CD, il faudra attendre « DUNE 2000 », le remake de DUNE II pour voir une amélioration sur ce point. Par contre sur Amiga la voix très connue d'Alain DORVAL (doubleur français de Sylvester STALLONE) vient accompagner vos actions ajoutant une réelle ambiance alors que la version PC les voix sont bien moins réussies.
Tout le monde le sait même Westwood en avait conscience, le gros reproche qu'on peut faire à « DUNE II » ce sont les actions qui se font unité par unité. Impossible de définir un groupe d'unités préalablement sélectionné pour lui demander d'aller attaquer un bâtiment ou une troupe ennemie, il faut cliquer sur chaque unité, choisir « attaquer » puis cliquer sur l'ennemi et ainsi de suite sur chaque unité qui devra faire l'action. Imaginez le faire pour une dizaine d'unités ! Si bien que souvent, il y a un décalage énorme entre la première unité qui fait l'action et la dernière qui pourrait-on dire arrive après la bataille.
L'autre reproche concerne l'IA de vos propres unités. En effet si l'IA ennemie semble tout à fait cohérente et fait parfois preuve d'une efficacité particulièrement redoutable dans certaines situations, celle de vos unités est à l'opposé, et semblent souvent empreint d'un certain attentisme frisant parfois la catalepsie qui peut vite s'avérer problématique et énervant. Comme quand votre moissonneuse à peine vider reste là près de la raffinerie sans retourner au champ d'épice bloquée par on ne sait quoi, alors qu'à un autre moment elle repart automatiquement dans le champ d'où elle venait. Il faut avoir des yeux partout, sur chaque zone, notamment quand les troupes ennemies attaquent à distance votre base sans qu'aucune de vos troupes avoisinantes ne réagit car l'ennemi est en dehors de leur champ d'action. Vous vous retrouvez donc rapidement à devoir gérer trop de choses et comme on dit à vouloir trop gérer de choses, on ne gère finalement rien.
Un dernier point et j'arrête là dans ma liste des doléances, ce sont les réparations des bâtiments. Mais quelle plaie. Réparer un bâtiment parce qu'il se fait attaquer soit mais le réparer sans raison alors que vous l'avez construit sur une dalle en béton il y a moins d'une minute, parfois vous venez de finir de réparer un bâtiment qu'aussitôt il doit à nouveau l'être, une lourdeur de plus s'ajoutant à la gestion déjà bien chargé de vos unités dont on aura pu se passer et qui n'amène rien au jeu.
Avec DUNE II, 1992 est donc un année charnière pour le RTS. Le studio Westwood continuera à nous éblouir avec ces productions comme The Legend of Kyrandia et Lands of Lore en 1993, The Lion King en 1994, Command & Conquer (C&C) en 1995 et bien sûr le superbe Blade Runner sorti en 1997.
Si Cryo avait créé un DUNE artistique so frenchy tout en abordant quelques thèmes du roman d'HERBERT, celui de Westwood s'en éloigne mais admirablement pourrait-on dire, et le principal est là, l'épice. En contruisant un jeu de stratégie en temps réel parfaitement équilibré et très immersif qui a certe quelques lourdeurs, Westwood frappe un grand coup en contruisant une nouvelle catégorie de jeu, le RTS modernes qu'il ne cessera d'améliorer les années suivantes avec la série "Command & Conquer".
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The Making of Dune II The birth of the real-time strategy game
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Dune II Wiki