Vous prenez place en tant que voyageur dans le célèbre train qui file à toute allure dans la campagne. Direction la Capitale. Les paysages défilent. Tout semble paisible. Calme. Trop peut être ? Quelques temps plus tard, un passager fait un malaise et meurt subitement. La victime, Albert PERIGNAC, un sénateur !
Rapidement des questions se posent de quoi ce sénateur est-il mort ? Aurait-il été assassiné ? Si c'est le cas par qui et pour quelle raison ? A vous de le découvrir:
Ceux qui ont connu l'âge d'or des jeux d'aventure sur les ordinateurs 8 bits se souviendront avec une certaine nostalgie de la série « Meurtres » de « Cobra Soft ». Ces enquêtes policières imaginées par Bertrand BROCARD, le fondateur de Cobra Soft, avaient la particularité de proposer non seulement un scénario travaillé, passionnant mais aussi de véritables indices inclus dans la boite du jeu. Cette idée simple d'ajouter des indices réels apporte non seulement une plus grande immersion, mais s'avère aussi un formidable atout à la vente tout en étant terriblement efficace contre le piratage. De nos jours, les jeux Cobra Soft en particulier ceux de la série "Meurtres" sont considérés comme de véritables trésors informatiques qu'il faut préserver et très recherchés des collectionneurs.
Cette série comporte en tout cinq jeux sortis de 1985 à 1990 :
1985 - Meurtre à Grande Vitesse [Oric, MO5/TO7, MSX, Amstrad CPC, Commodore 64, EXL100]
1985 - Meurtres sur l'Atlantique [Amstrad CPC, MO5/TO7, Commodore 64]
1986 - Meurtres en Série [Amstrad CPC, Atari ST, PC]
1988 - Meurtres à Venise [Amstrad CPC, Atari ST, Amiga, PC]
1990 - Murders In Space [Atari ST, Amiga, PC]
Résoudre l'enquête consiste alors à interroger les différents protagonistes, fouiller les lieux et bagages, faire un plan, noter tous les événements intriguants. Si les indices sont censés vous aider, encore faut-il en comprendre toute l'utilité. Chacun se révélant être de véritables casse-tête intellectuels qu'il faudra évidemment résoudre pour espérer dénouer l'intrigue. Certains même ne pourront trouver une solution qu'après avoir résolu un autre. Messages codés, listing, lettre énigmatique, etc... avec une terrible question tout au bout : Cet indice a t-il une réél utilité ou est-ce une fausse piste insinueusement mis sur notre route pour nous égarer ? Arriver au terme de l'enquête nécessite des heures et des heures de recherches. Et ne croyez pas, rare sont ceux qui sont arrivés à résoudre complétement ces enquêtes.
« Pourquoi le moteur du TGV pèse-t-il lourd dans la solution ? » Cette question qui peut sembler au demeurant anecdotique, a pourtant une lourde charge puisqu'elle suggère qu'elle tient en elle la solution ou du moins une partie de la solution. En fait cette simple question devenue fatidique aura fait gamberger plus d'un joueur.
Cette complexité peut se retrouver dans le moindre bout de papier, le moindre indice. Ce jeu est-il réellement difficile ? impossible à terminer ? Pourtant sa résolution est moins complexe qu'il n'y parait. En tout cas moins dans cette première enquête que dans les suivantes, une difficulté qui a peut-être aidé à la longévité de ces jeux dans la mémoire collective.
Parler de « Meurtre à Grande Vitesse » nécessite de remonter le temps et de raconter aussi l'histoire de son auteur et de ses acolytes qui ont formé l'une des sociétés françaises de jeux vidéo les plus connus des années 80, « Cobra Soft ».
Toute cette histoire commence au tout début des années 80:
L'informatique domestique n'a pas encore envahit tous les foyers, mais cela ne serait tardé. Outre-Atlantique, Steve JOBS et Steve WOZNIAK ont lancé l'Apple mais cela reste un ordinateur réservé aux initiés nécessitant d'être assemblé par l'acheteur final. En 1977, l'Apple II vient néanmoins le remplacer et sera un succès. La machine reste néanmoins chère.
En Europe, un inventeur britannique décide lui de démocratiser l'informatique familiale. Son nom Clive SINCLAIR (1940-2021) et sa nouvelle machine est en passe de remporter son défit. En 1980 sa société Sinclair lance sur le marché le premier ordinateur 8 bits en dessous des 100 livres sterling au Royaume-Uni, et moins de 1 000 FF en France, le ZX80 ! Ce qui en fait alors l'ordinateur le moins cher du marché. Architecturé autour d'un microprocesseur Zilog Z80 et d'un kilo-octet de mémoire ainsi qu'un langage BASIC en mémoire morte, le ZX80 est opérationnel dès le démarrage et malgré un clavier à membrane peu pratique, c'est un succès.
Bertrand BROCARD est lui imprimeur à Chalon-sur-Saône où il a créé en 1979 son entreprise ARG (Atelier de Réalisation Graphique) et comme beaucoup à cette époque il s'intéresse à l'informatique. En bon entrepreneur, il pressent tout le potentiel de ce nouveau moyen de communication et de travail, mais aussi un formidable catalyseur pour ses idées. Il anime d'ailleurs un club informatique local « Microtel » comme il en existait alors beaucoup en France. Constitués de passionnés, ces petits clubs locaux étaient un moyen de rencontrer d'autres passionnés, formidable viviers de Géo Trouvetou, partageant leur passion commune, leurs astuces, et il faut le dire aussi seul moyen de s'adonner à l'informatique à une époque où posséder un ordinateur était encore un luxe inabordable pour la plupart des personnes.
J'ai commencé à acheter un tas de bouquins auxquels je n'ai rien compris pour finir au club Microtel de Chalon penché sur un TRS80
Bertrand BROCARD, fondateur de Cobra Soft
L'achat d'un Apple ou d'un TRS80 n'est alors pas envisageable pour lui à ce moment-là . Trop cher ! En 1983, le vent tourne. DIRECO international, l'importateur officiel de SINCLAIR en France propose le tout nouveau ZX80 à un prix défiant toute concurrence: 1200 francs ! C'est le premier saut pour lui. Un ordinateur sur lequel il fera ses premières armes avant de passer à son successeur le ZX81.
Petit à petit l'informatique prend le pas sur son activité d'imprimeur, surtout que selon l'activité l'imprimerie n'est ouverte qu'à mi-temps. L'arrivée d'un nouveau micro-ordinateur va transformer à tout jamais sa vie.
J'ai développé de petites applications intéressantes. Ensuite, je suis passé rapidement au ZX81 avec extension 16 ko. Enfin, ça a été l'Oric, et c'est alors que tout à commencer. Par exemple, j'ai fait avec lui le dépouillement et la publication des élections municipales de Chalon: J'ai également fait des softs de facturation et de compta. Parfaitement, avec un Oric !
Bertrand BROCARD, fondateur de Cobra Soft
Il faut dire que pour l'époque l'Oric 1 avait tout pour plaire ou presque. Premier micro-ordinateur de la marque Oric, basé sur un processeur 8 bits cadencé à 1Mhz, ses 16ko rapidement étendu à 64ko, son basic préinstallé et son clavier semi-mécanique typique des calculatrices bien plus pratique que les claviers à membrane, en font une petite révolution. « L'aigle d'Or », « Le Mystère de Kikekankoi », « Le Manoir du Dr Genius », « Le Diamant de l'île maudite » et n'oublions pas « Le Sceptre d'Anubis »... premier jeu d'un certain Eric Chahi à qui ont prédit déjà un avenir certain dans le jeux vidéo. Autant de jeux devenus cultes qui font qu'en France, on annonce pas moins de 50 000 unités vendues dès 1983 devenant ainsi le premier ordinateur grand public à pénétrer massivement la maison familiale, faisant naitre des vocations pour l'informatique.
Il décide alors d'être revendeur informatique et ouvre un magasin à Chalon-sur-Saône « MICROS & ROBOTS ». Dans cette boutique, véritable caverne d'Ali Baba de matériels informatiques, on y trouve de tout ou presque. Des bras robotisés pilotés par ordinateur, des tables traçantes, des moniteurs, des programmes en tout genre et surtout de l'Oric.
Gilles BERTIN, lui baigne déjà dans l'informatique notamment sur Apple puisqu'il réalise des cartes et des automatismes dans la société Creusot-Loire, fleuron de l'industrie sidérurgique française des années 70. Il s'est laissé tenter lui aussi par l'achat d'un Oric qu'il ne maitrise pas encore totalement.
J'ai rencontré BERTIN d'une manière étonnante. Il ne connaissait pas bien l'Oric, il venait juste de m'en acheter un. Je lui ai aussi vendu un langage Forth en cassette. Mais il y avait eu un problème de duplication et il manquait une partie du programme, ce que je ne savais pas. C'est BERTIN qui est venu me le dire quelques jours plus tard : il avait lui-même réécrit ce qu'il manquait - source Micro News n°20 page 20
Bertrand BROCARD, fondateur de Cobra Soft
Tout semble être au beau fixe et pourtant... en ces années de présidence Mitterrandienne, s'il semble souffler sur la France une certaine forme d'insouciance et de liberté, le pays est aussi traversé par de graves crises économiques touchant plusieurs secteurs industriels dont celui de la sidérurgie.
En juin 1984, fortement impacté par la concurrence mondiale, la société Creusot-Loire dépose le bilan, un drame économique et social pour de nombreuses familles. Pour Gilles BERTIN c'est la douche froide mais aussi un moyen de rebondir et pourquoi pas dans l'informatique ? Encouragé par les aides de l'état et de Creusot-Loire, il décide de s'associer à Bertrand BROCARD dans la création d'une nouvelle société « ARG Informatique ».
J'ai proposé des softs à des éditeurs, mais compte-tenu des conditions proposées, j'ai préféré les éditer moi-même. Quelques mois plus tard, je m'associais à Gilles BERTIN - Auteur de Cobra Pinball, entre autres - et c'était la naissance d'ARG Informatique.
Bertrand BROCARD, fondateur de Cobra Soft
Moins d'un an plus tard, ils créent ensemble un nouveau label « Cobra Soft » dédié à l'édition de logiciels, au même titre qu'un ERE Informatique, qu'un Loriciel, etc:
Pourquoi « Cobra Soft » ? Simplement parce que « ARG informatique » n'était pas un nom assez porteur et qu'ils voulaient un nom plus dynamique, plus agressif.
Mais les débuts sont difficiles, la cause à un manque de structure commerciale, la société ne fait pas de poussées fulgurantes mais entretient une politique éditorialiste ambitieuse, trop sans doute pour la petite équipe chalonnaise. De 13 logiciels en 1984, on passe à une trentaine en 1985 essentiellement sur Oric et Thomson ainsi que l'édition de petits jeux développés par des indépendants, souvent des étudiants pour qui les quelques bénéfices de vente deviennent une source de revenu bien venue pour leur étude.
Ce choix éditorialiste vaut parfois à la société de sévères critiques dans la presse comme dans l'Amstrad Magazine n°2 où le journaliste fini le test de « La ville infernale » par ces mots : « Cobra édite d'excellents jeux, mais a le grave défaut de ne pas soigner leurs graphismes ». C'est le cas pour « La ville infernale » qui se révèle comme un superbe jeu, mais avec des dessins absolument nuls ».
Parallèlement l'expérience d'imprimeur de BROCARD permet d'éditer en seulement 18 jours après la sortie de l'Oric un ouvrage de 144 pages « Au coeur de l'Oric Atmos » écrit par Gilles BERTIN, intégrant de nombreuses routines pour créer ses propres programmes.
Avec l'arrivée de nouveaux micro-ordinateurs 8 bits, les deux compères se lancent dans l'édition de programmes sur un nouvel ordinateur populaire qui ne cesse de monter, l'Amstrad CPC abandonnant au passage l'asthmatique Oric. Ainsi si le premier jeu « Meurtre à Grande Vitesse » fut développé sur Oric, le second volet « Meurtres sur l'Atlantique » n'aura même pas de version dédiée sur ce micro, ni Oric-1 ni Atmos.
Dans le CPC n°4 d'octobre 1985, le magazine consacre un article à l'éditeur dans sa rubrique « Un éditeur se présente » ou dans le Tilt n°20 d'avril 1985 en page 14 dans une news intitulée « La Danse du Cobra »
Si le premier grand succès de « Cobra Soft » est « Meurtre à Grande Vitesse », il est rapidement suivi par un jeu de flipper au succès tout aussi fulgurant « Cobra Pinball ». Encensé par la presse pour son réalisme, certains y voyant la fin des vrais flippers ce qui à terme fut un peu le cas: mais plutôt à cause des bornes d'arcade. Les fourchettes, les amortis: tout est permis, le jeu programmé 100% en assembleur par Gilles BERTIN comporte presque tout d'un vrai flipper : extra-ball, loterie, couloirs de remontée et latéraux, bumpers, cibles et tourniquer.
Quelques temps plus tard, la petite équipe s'agrandit avec l'arrivée de deux autres personnes à temps plein, Roland MORLA et Jacky ADOLPHE.
Ancien prof de math-info, Jacky ADOLPHE s'est occupé des programmes éducatifs de la société à ses débuts avant de lacher sa carrière de prof et de rejoindre définitivement la petite bande. Lui aussi il a été entrainé par l'effervescence des années informatiques, happé dans cette spirale où tout restait à faire. Il travaille tantôt des scénarios, en collaboration avec BROCARD, tantôt sur la réalisation des jeux.
L'autre personnage central de Cobra Soft est celui à qui l'on doit presque tous les jeux de stratégie de la société. Avec sa carrure de rugbyman, la casquette vissée sur la tête il a fier allure l'amiral MORLA lorsqu'il fait la promotion sur un stand de l'Amstrad Expo de La Villette en novembre 1986 de son nouveau bébé « HMS Cobra » dont il est le seul et unique programmeur.
Pourtant rien ne prédisposait cet ancien inspecteur des lignes aux PTT (Ancienne administration proposant des services de poste, télégraphe et téléphone) à embrasser une carrière d'informaticien, hormis que le démon de la micro l'avait déjà empoigné.
Mais sous son apparence de molosse, c'est bien lui le spécialiste des jeux de réflexion multi-machines de « Cobra Soft », de « Amstra-Dames » sur Amstrad CPC à « Dames 3D » sur Atari ST qu'il programme totalement en assembleur, parrainé par le champion de France de Jeu de Dames, Luc GUINARD.
Tout ce que je sais en programmation, je l'ai appris sur le tas. C'est mon loisir principal, il m'arrive de développer des trucs qui ne servent à rien juste pour m'amuser. (TILT n°44 juillet/aout 1987)
Roland MORLA, programmeur de HMS Cobra Soft et Dames Grand-Maître
Avant de sortir une version améliorée « Dames Grand-Maître » cette fois avec les conseils de l'ancien champion soviétique Wladimir AGAFONOV, le jeu aura même les honneurs du magazine « Jeux & Stratégie » n°59 de juin 1989 par Luc GUINARD, lui-même, qui avait participé au jeu Amstra-Dames en finissant son test sur ces quelques mots : « Après avoir connu de grandes difficultés dans l'ouverture, le programme s'est rétabli pour finalement l'emporter en finale. Quoiqu'il commette encore des fautes stéréotypés (notamment celle de laisser enchaine sur son aile gauche), le programme peut se révéler dangereux pour un joueur moyen de club. Reconnaissons à Roland MORLA et Wladimir AGAFONOV le mérite de suivre leur produit et de proposer un des seuls softs de bon niveau sur le jeu de dames. »
Quelques mois plus tard MORLA travaillera sur « Full Metal Planete » pour Hitech Production, une autre filiale d'ARG Informatique né après la vente de "Cobra Soft" à Infogrames.
Si l'année 1985 marque une première année en demi-teinte, elle est riche en jeux:
« 1815 », premier wargame sur Oric, basé sur les guerres napoléoniennes
« HMS Cobra » un jeu de bataille navale dans lequel vous devez protéger un convoi de navires marchands contre les attaques allemandes durant la seconde guerre mondial.
« Challenger Reversi », un jeu de réflexion comportant 12 niveaux
Mais en ce mois d'aout 1986 c'est une tout autre actualité qui touche la société, mené par l'ambitieux Bruno BONNEL, Infogrames dont le siège est basé à Lyon continue sa politique expansionniste visant à contrôler le marché français des jeux vidéos, engloutissant au passage des sociétés tel que Ere Informatique (« Captain Blood », « Macadam Bumper », « Crafton & Xunk »:), s'essayant même à un rapprochement avec le géant américain Epyx qui au final ne se fera pas puisqu'Epyx déposera le bilan en 1989 ! Le géant de l'édition annonce le rapprochement ou plutôt le rachat de la majorité des parts de « Cobra Soft » pour sa partie édition. La partie studio devenant Hitech Productions dirigée par BROCARD restera elle à Chalons, on lui devra notamment « Murders in Space » et « Full Metal Planete ». Le Lyonnais fait dépêcher sur place quelques cadres dirigeant pour prendre la direction des affaires histoire de mieux rentabiliser l'investissement. Leur objectif : prendre 15% du marché des jeux d'ici fin 1987 ! rien que çà ! en orientant la production de Cobra Soft dans trois directions : Les grand jeux (en fait la série des Meurtres), la gamme éducative, et les jeux d'arcade (source : Amstrad Magazine n°20 page 9).
L'arrivée des ordinateurs 16 bits, l'Atari ST et Amiga oblige l'éditeur à peaufiner son rendu graphique qui était, il faut le dire, jusque-là un peu laisser de côté. Ainsi « Cobra Soft » se dote d'une vraie graphiste, Nathalie DELANCE qui s'occupera entre autres des graphismes d' « Action Service » et de ceux de « Meurtres à Venise ». Et dans ce monde encore fortement masculin, elle se fait une place en apportant enfin sa patte artistique qui manquait jusqu'alors à l'éditeur.
Un autre personnage, resté un peu plus dans l'ombre des autres est Christian DESCOMBES, le graphiste attitré à partir de « Meurtres en Série».
Si la société « Cobra Soft » semble ne pas vouloir se spécialiser dans un type de logiciels, ce sont bien les enquêtes policières qui vont contribuer à créer son image auprès du grand public.
BROCARD comprend rapidement que pour que la société existe, il faut qu'elle se fasse connaitre et adopte une politique agressive visant à apporter des nouveautés dont les joueurs et la presse sont friands. Pour cela il imagine différents stratagèmes, outre son amour pour le roman policier et les mises en scène comme celle visant à recréer un meurtre dans un Wagon pour « Série Noire » afin de promouvoir la sortie d'une dapatation de la BD « Marque Jaune », une idée est de sortir des softs qui collent à l'actualité comme « Dossier G » sorti en aout 1985 racontant l'histoire de l'affaire politico-judiciaire du « Rainbow Warrior », bateau de Greenpeace sabordé par les services secrets français ou encore « Cessna Over Moscou » sorti en 1986 premier et seul jeu à ma connaissance repris d'un fait d'actualité où l'aviateur allemand Mathias RUST pour décoller d'Helsinki en Finlande et atterrir sur la place Rouge à Moscou,
Eté 1985 « Cobra Soft » apporte même sa contribution au film de Michel VIANNEY « Le Scientifique » avec Richard BERRY. (Théoric n°9 de juin 1985 page 40).
En 1987, l'équipe se lance dans l'adaptation d'un film français populaire « Les Ripoux », succès au box office en 1984 interprété par Philippe NOIRET et Thierry LHERMITTE. Reprenant le thème un peu décalé du film, le jeu vous met dans la peau d'un inspecteur de Police du quartier de Pigalle-Barbès rackettant les petits malfrats locaux, vivant de petites combines et dont l'unique ambition est de réunir assez d'argent pour s'acheter un bar-PMU ! avant de se frotter inévitablement aux fameux « Boeufs-carottes », la Police des Polices. Un jeu qui n'est pas sans rappeler sous certains aspect le jeu d' Infogrames « Marche à l'Ombre ». Non content de son adaptation, BROCARD participera même à l'élaboration du jeu de société pour Schmidt France.
C'est assez fidèle au jeu sur Micro. On a un peu modifié le déroulement de l'action afin d'utiliser au mieux le plateau du jeu: En tout cas, on s'est bien marré, quand on a fait les tests, ça fonctionne bien surtout à trois ou quatre joueurs. Moi, ce qui me plait le plus, c'est quand on peut aller attaquer la banque où un des joueurs a planqué son fric. Ça m'amuse de le voir cavaler pour essayer de sauver le pognon qu'il a gagné en arnaquant les autres: » (Source : Amstrad cent pour cent n°13 page 6)
Bertrand BROCARD, fondateur de Cobra Soft
L'acteur Thierry LHERMITTE se passionne d'ailleurs pour l'informatique, participant même à certains salons micro. Dans une interview parue dans l'Amstrad Cent pour Cent n°11 où on y apprend même qu'il possède un Amstrad CPC sur lequel son fils apprend à lire.
En avril 1989, le magazine « Micro News » indique que « Cobra Soft » a édité plus de 349 logiciels depuis sa création ! soit en cinq années d'existence. Un record !
Dans les anecdotes improbables, on retiendra celle racontée dans le Joystick Hebdo n°18 de mars 1989 où Bertrand BROCARD reçoit un curieux paquet. Une fois ouvert ce qu'il contient n'est plus ni moins que des photocopies accompagnées d'une banale disquette du moins extérieurement mais une fois insérée il s'agissait en fait d'une version crackée de « Meurtres en Série », correspondance entre deux pirates mais l'expéditeur ayant oublié l'adresse du destinataire, La Poste a ouvert l'enveloppe puis a trouvé sur les photocopies de la notice du jeu l'adresse de Cobra Soft !
En 1992, Bertrand BROCARD rejoint définitivement Infogrames pour créer le département de jeux multimédia et développer les premiers CD-i puis cédéroms avant de s'impliquer dès 1995 dans la création de communautés sur Internet, puis du CNJV (Conservatoire National du Jeu Vidéo) à Chalon-sur-Saône.
Fin 1983 l'idée de faire un logiciel qui serait une enquête policière germe dans la tête de l'entrepreneur pour se concrétiser quelques mois plus tard.
Depuis longtemps, je pensais écrire un logiciel dont le décor serait le TGV: l'idée originale de Meurtre à Grande Vitesse date de fin 1983. Il s'agissait d'écrire un soft original où les problèmes de vocabulaire n'interviendraient pas, qu'on puisse adapter à la plupart des machines familiales et qui n'utilise pas de lecteur de disquettes.
Bertrand BROCARD, fondateur de Cobra Soft
Un crime dans un train ! Etrange scénario pour: un jeu vidéo. En tout cas pas commun. Pour ce premier volet de la série « Meurtres », l'enquête se passe à bord d'un fleuron de l'industrie française des années 80, le TGV, véritable vitrine du savoir-faire technologique français de l'époque et de son pouvoir politique.
Le TGV, lieu clos par excellence, se prêtait admirablement à une énigme policière. En décembre 1983, j'ai écrit en une nuit le synopsis et situé les personnages. L'idée a ensuite mûri pendant plusieurs mois, et les différentes trouvailles qui émaillent ce logiciel sont venues progressivement. Je n'ai vraiment attaqué l'écriture qu'à la rentrée 1984. C'est à ce moment-là que j'ai eu l'idée d'introduire de véritables indices qui enrichissent énormément le logiciel. Bien sûr un certain nombre d'éléments ont été apportés par des amis ou des collaborateurs qui suivaient l'avancement du projet développé sous le nom de code « OMNIBUS »:
Bertrand BROCARD, fondateur de Cobra Soft
Dans une esquisse de programme appelée alors « OMNIBUS » il pose les bases du premier scénario de « MGV ».
Le verso de la boite indique déjà les ambitions voulues par son concepteur et scénariste Bertrand BROCARD :
« Agatha CHRISTIE a immortalisé l'Orient-Express: C'est à nouveau un train extraordinaire le T.G.V qui sert de décor à ce nouveau type de logiciel : au-delà du jeu d'aventure, il s'agit d'élucider une énigme policière: »
L'intrigue en mode « Crime de l'Orient Express » débute alors que vous prenez place en tant que voyageur dans le célèbre train qui file à toute allure dans la campagne française, les paysages défilent, tout semble paisible, calme, trop peut être: quelques temps plus tard, un passager fait un malaise puis meurt subitement. La victime, Albert PERIGNAC, un sénateur !
Assez rapidement des questions se posent de quoi le sénateur est-il mort ? Aurait-il été assassiné ? dans ce cas par qui et pour quelle raison ? A vous de le découvrir:
L'enquête commence après l'assassinat du sénateur. Votre rôle est de déterminer les circonstances tragiques de ce décès. Vous découvrirez rapidement qu'après un bref séjour à Lyon, il rentrait vers la capitale pour présider une commission sénatoriale sur le trafic de drogue. Sa femme l'accompagnait, sous le choc, un médecin qui était à bord lui a administré un calmant pour la soulager.
Les graphismes sont simples, à l'image de la machine d'où sortent les quelques pixels qui composent l'écran. Tout le jeu tient en mémoire sur seulement 48ko, un exploit ! Chaque écran représente un wagon du TGV, et un X non pas l'emplacement d'un trésor comme le dirait un célèbre aventurier mais celui de votre personnage. Les déplacements ne sont pas limités par le temps (hormis un blocage des portes que vous pourrez résoudre par un test logique) et heureusement pourrait-on dire car on se remets dans la réalité de l'époque, 1984, c'est triste mais le jeu est lent, très lent. Se déplacer d'un wagon à un autre prend une éternité, passer du premier au huit prendra quelques minutes tout de même. La faute au cycle d'horloge mou de l'oric.
Pour dénouer l'intrigue, vous serez amené à interroger huit passagers du train répartis dans les huit wagons de la rame. Chacun ayant à vous fournir quatre informations qui se débloqueront au fur et à mesure de votre progression. Vous découvrirez rapidement que la plupart des passagers ont de bonnes raisons d'en vouloir au sénateur. L'objectif étant de trouver les actions qui débloqueront la suite des réponses. Pour cela vous aller devoir fouiller les bagages, les sacs, les personnages et même utiliser un minitel !
- Mme PERIGNAC, la femme du sénateur, bien loin de la femme aimante, elle a contracté une assurance-vie très lucrative dans le cas où son mari venait à disparaitre ! L'enquête commence bien. Premier suspect.
- Louis PERIGNAC, le frère du défunt, travaille pour une importante société financière. Son frère, Albert, était d'ailleurs au conseil d'administration, mais il finit par le pousser vers la sortie pour une sombre histoire d'adultère. Deuxième suspect.
- Mme TRICOT, une vieille dame. innocente ? Sûrement pas. Elle s'est déplacé de la voiture 2 où elle avait été placé pour se mettre juste derrière le sénateur en voiture 3. Elle garde une certaine rancoeur contre le sénateur et trouve que cela n'est pas une grosse perte ! Et un suspect de plus.
- Mme VOSS, cette passagère n'est peut être pas là par hasard. Vous découvrez rapidement qu'elle était la maitresse d'Albert PERIGNAC. Leur relation finie, la jeune femme éconduit ne semblait pas accepter cette nouvelle situation. Elle a essayé de parler à PERIGNAC au bar mais cela a fini évidemment par un violente dispute. Suspect ++
- Mr MOZARELLA, un étrange personnage, un peu caractériel. Il a offert un verre à PERIGNAC au bar mais cela n'était sans doute pas complétement désintéressé. Quelques recherches sur INTERPOL vous apprendront que le personnage n'est pas très net et a déjà un lourd passé judiciaire.
- Le barman, c'est grâce à lui que vous avez vos premiers renseignements interessants : La dispute entre Mme VOSS et PERIGNAC, le verre bu avec Mr MOZARELLA. Premier personnage clean de l'histoire ? Pas si sûr... mais qui sait ?
- Le Contrôleur. C'est lui qui a découvert le premier le corps de PERIGNAC à son siège lors de sa tournée de contrôle des billets. Un simple contrôleur pourrait-on dire, sauf que le barman vous a dit qu'il avait déjà contrôler PERIGNAC au bar. Un contrôleur qui perd la mémoire ou qui n'est pas très physionomiste, mais est-ce que cela fait de lui un assassin ?
- Le Médecin. Dans cette rame endeuillé soudainement, c'est un voyageur qu'on pourrait qualifier d'opportun. Après l'appel du contrôleur à l'interphone, il se présente rapidement pour constater le décès du sénateur. Il relève dans ses premiers constations de petites traces de piqures au cou. Avec ses connaissances médicales il aurait très bien pu être à l'origine de ce meurtre mais reste la question, pour quelle raison en voudrait-il au sénateur ?
Point important, il n'y a pas de notion de temps dans cette première enquête, les personnages resteront tous à leur place durant le jeu.
Comme l'ensemble des jeux de la série "Meurtres", MGV a nécessité de détailler l'ensemble des événements chronologiquement, personnage par personnage, aboutissant à la terrible fin du sénateur comme on peut le voir dans ce document de travail inédit provenant du fond du CNJV:
Pour ses personnages BROCARD s'inspire de sources diverses, BD, affiches de film comme celle représentant Marlene Dietrich dans « Shangaï Express ». Leur concrétisation sur écran consister alors à dessiner pixel par pixel chaque personnage pour qu'il prenne forme sur l'écran.
à l'époque, nous n'avions pas d'imprimante ou de photocopieur, nous faisions tout à la main. Je dessinais d'abord les personnages sur un papier-calque, que je posais ensuite sur l'écran. Puis je recopiais point par point sur l'ordinateur. J'avais deux pixels pour faire un nez ! Il fallait aussi créer tous nos outils, que l'on commercialisait après.!
Bertrand BROCARD, fondateur de Cobra Soft
Marie-Anne ALISON contribuera pour sa part à la conception du jeu. La page du jeu comporte d'ailleurs une erreur d'orthographe puisqu'elle mentionne le prénom de Marianne. On la retrouvera à la conception dans le dernier jeu de la série "Murders in Space".
Pour le packaging, avec son fond vert pomme l'illustration reprend la matrice des autres logiciels de la gamme des premiers jeux, un boitier type VHS très utile pour accueillir les nombreux indices du jeu. Pour la réalisation, BROCARD cherche son inspiration du côté des illustrations de la collection BD noire de 84 aux éditions Glénat et d'une carte postale de la BNP !