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Cryo / Microfolie's - 1994


TEST sur PC CD


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INFORMATIONS

Genre :

Aventure

Sortie :

1994

Développeur :

Cryo

Editeur :

Microfolie's

Langue :

Français

Support(s) :

Mac, PC CD

PEGI :

7
CONCEPTION

Animateur :

Marcello Morra

Compositeur :

Stéphane Picq, Philippe Egret

Concepteur 3D :

Jean-Jacques Chaubin, Philippe Arbogast

Programmeur outils :

Didier Bouchon

Routines additionnelles :

Rémi Herbulot

Scénariste :

Philippe Ulrich
PLAYLIST
CRYO
[1990] Extase
[1992] KGB
[1992] Dune ./images/jeux/dune.png
[1994] Megarace
[1994] Dragon Lore
[1994] Commander Blood
[1995] Raven Project
[1995] Lost Eden
[1995] Big Bug Bang
[1996] Megarace 2
[1997] Atlantis
[1998] Riverworld
[1999] Atlantis 2
[2000] Odyssée : Sur les traces d Ulysse
[2000] Hellboy
[2000] Gift
[2001] Megarace 3
[2001] Atlantis 3
RECOMMANDATIONS
[1988] Captain Blood ./images/jeux/captain_blood.gif
[1989] Kult
[1995] Big Bug Bang
MAGAZINES
Génération 4 #69
[sept 1994]
  • page
    44
  • Preview PC
  • page
    46
  • Preview PC
  • page
    48
  • Preview PC
Joystick #52
[sept 1994]
  • page
    142
  • Preview Amiga 1200
Joystick #54
[sept 1994]
  • page
    184
  • Preview PC
  • page
    185
  • Preview PC
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    186
  • Preview PC
  • page
    187
  • Preview PC
  • page
    188
  • Preview PC
Génération 4 #72
[déc 1994]
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    15
  • Publicité
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  • Test PC
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  • Test PC
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    109
  • Test PC
Joystick #55
[déc 1994]
  • page
    25
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  • Publicité
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  • Test PC
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  • Test PC
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  • Test PC
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  • Test PC
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  • Test PC
Joystick #56
[jan 1995]
  • page
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Joystick #58
[mar 1995]
  • page
    27
  • Portrait PC
Génération 4 #76
[avr 1995]
  • page
    62
  • Interview
  • page
    63
  • Interview
Joystick #59
[avr 1995]
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    146
  • Solution PC
  • page
    147
  • Solution PC
Joystick #61
[juin 1995]
  • page
    52
  • Interview PC
  • page
    53
  • Interview PC
Joystick #78
[jan 1997]
  • page
    96
  • Test Mac
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TEST
Si l’ « Arche du Captain Blood » a été une expérience unique et audacieuse qui n’avait pas son pareil, sublimé par la musique envoûtante de Jean-Michel Jarre, « Commander Blood » a eu connu un destin plus discret. Tellement discret qu’aujourd’hui beaucoup de joueurs connaissent le jeu original mais ignorent jusqu’à l’existence de sa suite. Pourtant, tout semblait être réuni pour faire de cette suite un grand succès : Supervisé par ses créateurs originaux, Didier Bouchon et Philippe Ulrich et une équipe d’une dizaine de personnes, le jeu bénéficie d’un support sur PC CD-ROM avec des cinématiques en full motion vidéo, d'une bande-son en qualité CD et d'un scénario bien plus approfondi. L’histoire n’était donc pas complètement terminée, Bob Morlock et Blood faisait leur grand retour. Alors qu’est-ce qui a manqué à cette suite pour avoir si peu marqué l’univers du jeu vidéo ? Pour quelles raisons cette suite a pris autant de retard ? Et surtout, l'aura exceptionnelle du jeu original ne rendait-elle toute tentative de surenchère presque vaine ? Autant de questions qui méritent des réponses.
Arrivé au terme de sa vie, 300.000 ans quand même, Bob Morlock est mourant et ne survie que grâce à un cryobox, un caisson qui le plonge dans un état de sommeil quasi permanent. Son dernier souhait : assister en direct à la naissance de l’univers, le fameux Big Bang. Pour cela il fait appel à vous, Blood, qui depuis la dernière aventure avait pris du grade car il faut maintenant l’appeler Commander ! Commander Blood s’il vous plait. Un peu la grosse tête aussi. Votre objectif est de localiser l’Oddland, un trou noir qui vous fera remonter le temps jusqu’au grand Boum. Pour vous aider dans cette tâche plus qu’ardue, votre vaisseau interstellaire, l’Arche mais aussi Honk la bioconscience de l’arche qui vous guidera dans les moments difficiles, et Olga une traductrice, un peu pénible certes, mais qui vous aidera à communiquer avec les habitants des planètes visitées.

« Captain Blood » disposait de particularités assez innovantes pour l’époque. On y dirigeait un voyageur interstellaire « Blood » ou plutôt sa main, seule partie visible de son corps, à la recherche de ses cinq clones. On pouvait voyager de planète en planète, se poser sur celle-ci et des extra-terrestres au look délirants pour commencer des dialogues improbables avec un système d’icônes censé représenté un langage universel. Les scènes de survol des planètes étaient tout aussi fascinante avec un sol modélisé en 3D fractales qui faisait son petit effet.

Son aspect novateur et totalement pensé sur 16 bits ainsi qu'un formidable emballement médiatique, qualifié par le magazine SVM de "plus beau jeu du monde" ont été en grande part l’une des raisons de son succès international.

Après des années à guetter un éventuel retour, on s'était fait une raison. « Captain Blood » n’aurait pas de suite. Il n'y avait aucun autre jeu comme celui-ci et il n'y en aurait plus aucun autre. Pourtant durant ces années, l’idée de faire une suite n’a jamais réellement quitté la tête de ses créateurs, Didier Bouchon et Philippe Ulrich.

Aussi quand au début 1994, l'annonce d'une suite en chantier est divulguée dans la presse spécialisée, c'est un peu dans l'indifférence générale que la nouvelle est accueillie. Il faut dire que depuis la sortie du premier épisode l’industrie du jeu vidéo a énormément changé. Les ordinateurs sur lesquels le jeu original avait été pensé et développé ne sont plus, Atari et Commodore ayant fermé leur porte cette même année. Les nouveaux jeux sont maintenant exclusivement pensés pour le PC, les consoles et surtout le CD-ROM, avec des coûts qui n’ont plus rien à voir avec les productions des années précédentes.

Construire une suite sur ces bases n’est pas si simple avec une question cruciale : Comment ne pas decevoir et être à la hauteur de son illustre prédécesseur ?

Le fait de passer sur de nouvelles machines et une nouvelle technologie, le CD-ROM semble apporter une première réponse. Sept ans séparent les deux sorties et le paysage informatique n’est plus du tout le même.

Philippe Ulrich apporte d'autres éléments de réponses dans une interview parue dans le Gen4 n°76 ainsi que dans un reportage dans les locaux de Cryo pour l'émission Cyber Culture sur Canal+ en 1995. Alors que le jeu est en plein développement (cf vidéo ci-dessous), comme à l’accoutumée, Ulrich essaye de rassurer et nous parle de nouvelles technologie, CD-ROM, IA et… de biogames.

Bio-jeu ? Quelles nouvelles idées farfelues ont encore traversé l’esprit d’Ulrich ? En fait sous ces termes érudits de bioconscience, bio-jeu se cache un concept intégrant dans le jeu vidéo des éléments biologiques, biomécaniques qui s’inspirent du monde du vivant, aussi bien dans sa représentation que dans son fonctionnement, et qui n’a rien à voir avec une quelconque fabrication vertueuse des jeux vidéo respectant la bio-diversité et la nature.

Cette notion est apparue en 1985. J’avais écrit un article dans une revue où je décrivais ce que pouvait être un bio-jeu. A l’époque, c’était vraiment de la science-fiction : on imaginait une structure développée en 3D dans laquelle on pouvait se déplacer librement. On avait pris l’exemple d’un aquarium, c’est-à-dire un environnement avec un décor, une biosphère virtuelle où l’on plaçait des êtres. Ces derniers obéissent à des règles qui leur sont spécifiées. Par exemple, s’ils rencontrent un obstacle, ils vont l’éviter. Si un « méchant » rencontre un « gentil » ils vont se battre. Ainsi les tests de collisions classiques, que l’on rencontre dans les jeux d’arcade, sont faits ici sur les comportements. A partir du moment où le joueur est lancé dans le jeu, tout peut arriver…

- Philippe Ulrich, co-fondateur de Cryo (Gen4 n°76 avril 1995)

Comme l’explique Ulrich, l’une des représentations les plus parlantes est celle de l’aquarium, dans lequel les poissons mangent et bougent évoluant dans un écosystème où ils peuvent interagir entre eux, se reproduire donnant des poissons qui grandiront à leur tour pendant que d’autres mourront.

Si on reprend les propos d’Ulrich et on les applique à « Commander Blood », un personnage sur une planète pourrait vaquer à ses occupations, parler à d’autres membres de sa planète, se nourrir, s’accoupler, voyager sur une autre planète, voir mourir à la suite d’un conflit avec un autre personnage et on se retrouverait bloquer dans le jeu ! Chaque partie ne serait pas pareil, et des millions de possibilités et de chemins s’ouvriraient à nous. Vraiment exaltant, n'est-ce pas ? 

Evidemment, et vous l’aurez compris, étant donné la complexité de la chose et sa mise en application dans le jeu vidéo du milieu des années 90 « Commander Blood » n’a rien d’un biogame. Comme souvent avec les produits Cryo, entre l’intention, certes louables et la mise en pratique, il y a un gouffre, en grande partie dû aux limites technologique de l’époque, et que seul la part d’imagination de chacun pourra combler. Un ancien président disait « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ». Pour vendre il faut communiquer, et pour vendre du rêve Ulrich était passé maître. Il aurait pu vous vendre une machine à laver en vous disant qu’elle vous enverrait dans l’espace, et vous seriez tomber dans le panneau. C’est aussi un peu pour cela qu’on l'aimait (et parfois  maudissait).

Revenons un instant sur Terre (Ulrich, reste à distance !). La conception de ce nouvel opus s'inscrit dans un contexte de bouleversements majeurs pour la société Cryo. Derrière ce fait, des enjeux stratégiques bien plus vastes se dessinaient, amorçant une transformation profonde de l’entreprise. Ces changements remettront en question la collaboration avec certains membres fondateurs et symboliseront, plus que jamais, la fin d’une époque marquée par l’audace créative et ce qu’on appelait fièrement la "French Touch".

Tout avait commencé par « Captain Blood », tout devait se terminer avec « Captain Blood ». Tel des clones de Bob Morlock, liés à la vie à la mort, le destin des trois membres originel d’Ere Informatique, d’Exxos et de Cryo devait prendre des chemins différents au détour d’un nouvel épisode de l’extraterrestre le plus mythique de l’histoire du jeu vidéo.

Avec l’arrivée de Jean-Martial Lefranc (ex directeur de Virgin France) à la tête de la société, Cryo dont le siège se situait dans le 18ème arrondissement, voit son chiffre d’affaire passé de 2,5 millions de francs en 1992 à 12 millions en 1993 puis 37 millions en 1994, et d'une dizaine d'employés à plus d'une centaine en seulement deux années. 

Philippe Ulrich et son équipe se sont retrouvés entre guillemets à la rue et c'est à ce moment-là que j’ai proposé, avec Rémi Herbulot, que l’on crée une structure notamment pour publier et pour finir le développement de Dune. Nous étions tous très influencés par la science-fiction. Donc on s’est dit "Cryo" c’est la cryogénie, c’est l’éternité grâce à la technologie [….] Il y ait eu beaucoup de demandes pour faire du développement de jeux vidéo en France. Nous avons essayé de répondre à cette demande et c’est ce qui fait que Cryo Interactive s’est développé assez vite.

- Jean-Martial Lefranc, co-fondateur et ex-PDG de Cryo

Si pour certains cette formidable ascension montre l’intérêt grandissant du public pour les produits Cryo, pour d’autres, la société prend une route qui ne leur sied guère et qui n’est pas sans rappeler un de leur concurrent, Infogrames.

Durant des années, Philippe Ulrich et Didier Bouchon avaient toujours voulu s’émanciper de l’influence d’Infogrames pour créer leur propre vision du jeu vidéo. « Captain Blood », qui avait été un formidable succès critique et financier pour l’éditeur lyonnais qui avait racheté quelques mois plus tôt Ere Informatique, ne fut pour les deux amis que de la sueur et des larmes. Se sentant spolier, Ulrich et Bouchon se rendent au siège de l’éditeur lyonnais pour réclamer leur dû, et entre dans le bureau de Bruno Bonnell pour avoir une explication. Le constat est malheureusement sans appel. Fortement endettée par ses multiples acquisitions, Infogrames n’a d’autres choix que de se résoudre à des coupes drastiques dans ses investissements. La première victime sera Ere Informatique, et les auteurs indépendants qui la composent. Ulrich et Bouchon font partie du dégraissement.

Depuis cet événement, les deux amis ont bien rebondis avec Cryo. Pourtant l’histoire devait prendre fin dans une scène théâtrale qui n’aurait pas déplu à ces spectacles un peu surréalistes où Ulrich sacrifiait des machines pour le dieu Exxos au cri de « Ata Ata Hoglo Hulu »

En ce mois de janvier 1995, alors que le développement de « Commander Blood » s’achève après des semaines fatigantes de travail, Philippe Ulrich, Didier Bouchon et Marcello Morra, ainsi que leurs épouses sont conviés pour un repas à l’Elysée. Serge Lafond, le patron de la société Microfolie's qui édite le jeu, partage une autre activité, car derrière sa nouvelle casquette d’entrepreneur, il est « à ses temps perdus » un des conseillers du président de la République, François Mitterrand.

Après un copieux repas accompagné de quelques bonnes bouteilles, l’atmosphère se détend, et les convives semblent plonger dans une forme d’insouciance collective dans ce haut lieu chargé d’histoire. L’ambiance feutrée semble propice aux confidences et aux intrigues. Bientôt les langues se délient …

Un brin provocateur, Lafond ose aborder l’épineux sujet de la rémunération et la reconnaissance des auteurs indépendants dans le monde du jeux vidéo. Loin d’être un thème consensuel, la discussion prend une tournure de règlement de compte. Didier Bouchon récrimine contre Jean-Martial Lefranc, accusé de transformer Cryo en une réplique parisienne d’ Infogrames. Les esprits s’échauffent et le ton monte, jusqu’à la question irritante.

Marcello Morra, le responsable des animatroniques et du design, interpelle Ulrich pour connaitre sa position.

Sentant le piège, Ulrich tente de garder une certaine neutralité refusant à devoir choisir entre les auteurs dont il estime avoir toujours défendu le travail et son associé Jean-Martial Lefranc. Mais Morra insiste…

Bientôt les mots qui fâchent sont lâchés… Morra accusant Ulrich d’être un exploiteur.

Les mots blessants, sonnent et résonnent tels une lame aiguisée qui atteint sa cible. Ulrich est abasourdi et n’en croit pas ses oreilles. Lui qui s’est toujours battu pour les auteurs, et a été l’un premier à mettre le nom des auteurs sur les jaquettes des jeux vidéo d’Ere Informatique. L’épouse de Morra intervient et lui demande de quitter la table pour sortir dans les jardins se calmer.

La soirée finira dans des esbrouffes verbales dont les jardins de l’Elysée se souviennent encore.

Le lendemain, Didier Bouchon et Marcello Morra sont à leur poste, comme si de rien n’était ; Mais la rupture est consommée, quelques mois plus tard les deux développeurs quitteront Cryo pour fonder leur propre société « Comptoir des planètes ». Pour Didier Bouchon c’est la fin d’une formidable et prolifique collaboration avec Philippe Ulrich qu’il avait commencé tout juste dix ans plus tôt lors de la fondation d’Ere Informatique en 1984, et qui avait engendré des jeux incroyables qui ont marqué toute une génération.

Pour Cryo, l’histoire continue, du moins quelques années encore…

UNE BIEN LONGUE ATTENTE

Avec quelques 150 000 exemplaires écoulés tout support confondu, l’idée de faire une suite à Captain Blood n’est pas nouvelle et s’est inévitablement posée après son succès phénoménal. A l’origine il s’agissait même de faire une trilogie comme l’explique Didier Bouchon et Philippe Ulrich dans le Tilt n°52 de mars 1988:

La sortie d'un second scénario pour Blood est en cours. Le système de jeu est similaire au précédent épisode. C'est une guerre contre des Pac-man qui ne sont pas les êtres stupides et gourmands que nous connaissons. Dans l'histoire, ils ont une organisation sociale, une culture, des lois. De plus, les graphismes du tableau de bord, tous les personnages, leurs bases de connaissances seront différentes. Il y a seize familles de personnages. Ils sont beaucoup plus intelligents, dotés de mémoire et de la capacité de communiquer entre eux. Les personnages du jeu ont une connaissance et des réactions différentes en fonction de chaque joueur. Pour vous donner une idée, la base conversationnelle du premier scénario est de 4 ko, et de 32 ko dans le second. Ensuite, nous prévoyons la sortie en octobre 1988 d'une autre aventure de Blood, encore plus fouillée. Ce jeu renfermera une partie simulation de vol spatial, une partie arcade avec des combats spatiaux et une partie contact avec les extraterrestres. L'interactivité sera plus grande dans chaque compartiment du jeu. Dans les premiers scénarios, il faut réussir à téléporter les ennemis dans l'arche pour les tuer alors que, dans le prochain, l'arche aura considérablement évolué : armes plus sophistiquées, apparition de navettes et surtout Blood pourra sortir de l'arche.

- Philippe Ulrich et Didier Bouchon (Tilt n°52 de mars 1988)

Et que notamment on y découvrirait le visage de Blood et que sa compagne Torka l’ondoyante y jouerait un rôle important.

Pourtant les choses ne vont pas se passer comme prévu, la fin précipité d’Ere informatique mettra en pause temporairement le projet d’une suite.

En 1990 lors d’un voyage aux Etats-Unis pour rencontrer le boss de Virgin US, Martin Alper, l’idée de faire un « Captain Blood 2 » est évoqué.

A l’époque, le jeu vidéo traversait une crise : ERE Informatique dont j’étais le directeur artistique et Infogrames étaient en conflit. Je me suis tourné vers Virgin France qui m’a mis en relation avec Virgin Games en Californie. Ils avaient entendu parler de Captain Blood. Martin Alper, le directeur, rêvait de faire un jeu autour du film Dune de David Lynch. Il nous a demandé de réfléchir au projet.

- Philippe Ulrich, co-fondateur de Cryo

Pourtant la proposition ne reçoit pas l’accueil espéré, Martin Alper n’est guère emballé par cette suite d’un jeu qu’il juge « so frenchy » et qui, à l’inverse de l’Europe, n’a connu qu’un succès relatif sur le marché nord-américain, son titre ayant été amalgamé avec un vieux film de cape et d’épée des années 50.

Alper a d’autres priorités pour le marché nord-américain, notamment celle de récupérer les droits du roman « Dune » pour l’adapter en jeu vidéo, mais à ce stade rien n’est encore signé, ainsi qu’un jeu plus obscures autour des services secrets russes. Ulrich acquiesce, d’autant que les perspectives d’un jeu autour de « Dune », un de ses romans préférés, n’est pas pour lui déplaire et commence à éveiller en lui toutes sortes d’idées, remettant à plus tard ses ambitions de créer un nouveau jeu autour du « Captain Blood ».

Après le succès de « Dune » et de sa version CD-ROM, Ulrich comprend tout de suite la portée d’un tel support et positionne Cryo comme pionnier dans cette nouvelle technologie, dont peu de studios entrevoyaient encore tout le potentiel. Pour Ulrich qui s’est exprimé dans de nombreux médias à l’époque notamment dans l’émission Micro Kid’s, l’avenir sera sur CD-ROM ou ne sera pas.

J’avais instinctivement la sensation que la disquette allait disparaître. Facile à pirater et avec peu de mémoire, elle ne m’impressionnait plus beaucoup. Sans en n’avoir jamais vu, j’ai décidé de faire le jeu pour CD-ROM qui a mille fois plus de mémoire. C'était un pari risqué mais la musique, la vidéo et les acteurs entraient enfin dans le jeu vidéo. Une règle de base : dans ce métier si tu n’anticipes pas, tu es mort… Avec Dune, nous avons fait le premier CD-ROM de l’histoire ! L’innovation, la magie, l'ambiance du livre de Frank Herbert que nous avons respecté et la beauté du jeu ont évidemment grandement participé au succès de Dune. A cette époque, je croyais que nous faisions de l’art et que nos octets seraient un jour classés “Monuments Virtuels Historiques” !

- Philippe Ulrich, co-fondateur de Cryo

Le CD-ROM est l’ élément déclencheur qui manquait pour relancer le projet d’un « Captain Blood 2 ».

LE DEVELOPPEMENT

Le développement de « Commander Blood » commence officiellement en mars 1994, même si une phase de réflexion a dû commencer quelques mois plus tôt, pour se terminer en janvier 1995. Il mobilisera une équipe d’une dizaine de personnes.

La plupart travaillent en parallèle sur d’autres productions de Cryo qui a à cette époque une dizaine de jeux en chantier dont « Lost Eden », « Dragon Lore » ou encore « Aliens : A comic Book Adventure »…

L’utilisation de la full motion vidéo très à la mode à l’époque et les musiques de qualité CD sont les points les plus marquants du jeu, bien sûr tout cela n’est permis que grâce au support CD-ROM qui sert allégrement l’histoire.

Les locaux de Cryo dans le 18ème arrondissement en 1994

Philippe Ulrich s’occupe du scénario et de la direction artistique du jeu. Le ton des dialogues est comme pour son prédécesseur, décalé et l’humour omniprésent, mais bien plus compréhensible que certaines discussions sans queue ni tête qu’on pouvait avoir dans le « Captain Blood » original. Les plus attentifs noteront les nombreuses allusions à d’autres productions, comme la planètes Kult (du jeu éponyme), Purple (« Purple Saturn Day ») ou Eden (« Lost Eden ») .

Pour élaborer le déroulement de l’histoire, Ulrich a utilisé un générateur de scénario sur PC ! permettant d’associer facilement des dialogues à des scènes digitalisées. Cet outil permettait de poser certaines conditions, d’élaborer des arborescences et des branchements conditionnels pour créer un arbre des possibilités des actions du joueur.

L’éditeur 3d développé par Didier Bouchon.

Didier Bouchon supervise la programmation, notamment la conception de l’outil en 3D qui servira pour certaines phases du jeu : le tableau de commande avec une vue à 360°, la main de "Blood", sans parler de la dispensable phase appelée cyberspace où il faut récupérer du bionium en entrant dans le cerveau de scruter Joe, et les environnements 3D permettant de modéliser et d'animer en temps réels les vaisseaux.

Didier Bouchon qui présente la carte des voyages possibles

Plusieurs idées du projet d’origine furent néanmoins abandonnées, sans doute faute de temps comme celle d’utiliser de faux papier pour se poser sur une planète en quarantaine ou celle d’échanger des tirs avec des vaisseaux aliens pour passer en force.

Marcello Morra est en charge de l’animation des marionnettes, des effets spéciaux et du design.

Exit donc les personnages dessinés en bitmap, place à de vraies marionnettes et des acteurs déguisés (« Hom » de la guilde des membres) filmés sur fond bleu puis incrustés dans des décors en image de synthèse.

Pour créer ce petit monde, l’équipe a construit des modèles réduits, des marionnettes et un système de caméras montés sur un pied mobile pour retranscrire les nombreuses cinématiques qui composent le jeu. Pour la fabrication des scènes de dialogues, certaines marionnettes comme les Izwals possédaient des mécanismes plus complexes dirigés grâce à un gant électronique pour reproduire des émotions et attitudes ou les faire se mouvoir.

Pour le rendu vidéo, chaque mimique des personnages a été digitalisées puis stocker dans une sorte de banque d’information dont il était possible de puiser pour recréer un dialogue en fonction du comportement que la marionnette devait adopter.

Marcello Morra en compagnie d’un florilège des différentes marionnettes.

Quand on regarde le bestiaire final, le tout a un aspect très cantina bar.

Philippe Arbogast et Jean-Jacques Chaubin s’occupe de l’animation 3D notamment sous 3D Studio. Les voyages vers les planètes ou l’atterrissage sur celles-ci se font avec des séquences en 3D précalculés permettant d'introduire la rencontre d’un personnage et déclenchant la phase de dialogue.

Rémi Herbulot, Thierry Carado et Jean-Marc Delon s’occupent de la compression des datas.

Une partie de l’équipe de développement. En partant de la gauche : Philippe Arbogast (graphismes), Olivier Carado (programmes), Marcello Morra (marionnettes) et bien sûr Philippe Ulrich (scénario).

Pour les musiques, c’est Stéphane Picq (« Dune », « Extase », « Kult », « KGB » ) qui dans un premier temps commence à travailler sur la partie musicale dès juillet 1994. C’est alors qu’Ulrich reçoit une étrange cassette d’un compositeur de musiques de films Philippe Egret qui lui fait forte impression. Pour ce compositeur, pas de séquences rythmiques, il préfère travailler directement le son.

Ce que je cherche à produire est une immersion. Les morceaux sont de véritables créations, pas un simple thème mélodique en boucle. Si je réfléchis, je ne peux plus écrire. La composition consiste à se transformer en un tuyau qui véhicule des choses qui viennent d’ailleurs.

- Philippe Egret, compositeur sur Commander Blood

Cette approche pour le moins non conventionnelle, remporte aussi l’adhésion de Stéphane Picq.

J’ai découvert que des musiques très atmosphériques, sans rythmique pouvaient être extraordinaires.

- Stéphane Picq, compositeur sur Commander Blood

Philippe Egret (décédé en 2010) composera la majorité des musiques et des digitalisations du jeu, quant à Stéphane Picq il s’occupera du son, des voix et de quelques musiques additionnelles.

Philippe Egret en plein travail sur Commander Blood

LE CYBER TRASH

Sous ses airs de jeu charmant et coloré, l'univers de « Commander Blood » peut être classé dans ce qu'on appelait à l'époque le "Cyber Trash". Ce concept, qui émergeait dans les années 1980 et 1990, décrivait des œuvres médiatiques marquées par un mélange de thématiques dystopiques et un esthétisme délibérément chaotique. Dans le cas de ce jeu, certains personnages présentent des traits psychotiques, et l'univers dans lequel ils évoluent est saturé de publicités envahissantes, de violence latente, de contenus nuisibles et de références sexuelles — bien que tout cela soit atténué par une couche d'humour absurde et des dialogues déjantés. Le design des personnages, souvent extravagant, et la tonalité farfelue viennent masquer cette critique sociétale sous-jacente.

Il est fascinant de constater que cette approche était à l'époque une manière pour l'industrie du jeu vidéo de s'adresser à un public jeune tout en explorant des thèmes plus sombres et complexes. Si les jeux vidéo du début des années 1990 visaient principalement des enfants et adolescents, l'émergence de titres plus adultes au milieu de cette décennie a permis au Cyber Trash de s'épanouir. Ces œuvres, tout en adoptant une esthétique ludique, n'hésitaient pas à jouer avec des représentations dystopiques, reflétant souvent les angoisses sociétales de leur époque.

Max Headroom et son piratage dans la trash télévision

Avant de s'infiltrer dans les jeux vidéo, le Cyber Trash avait déjà fait ses premières armes dans d'autres médias, notamment à la télévision. Un exemple emblématique est l'émission "Max Headroom", diffusée sur Channel 4 au Royaume-Uni en 1987 avant d'être adaptée en une série de 14 épisodes, présentée également en France sur Canal+. Max Headroom était un présentateur fictif au comportement excentrique, présenté comme une création numérique. Son visage figé, ses "freezes" récurrents et ses répétitions étranges créaient une ambiance à la fois futuriste et dérangeante. Mais ce qui était vendu comme une prouesse technologique était en réalité une mise en scène habile : Max était joué par un acteur maquillé, et l'illusion était renforcée par des effets de montage et un éclairage saturé.

Cette esthétique "trash" et critique trouve écho dans les jeux vidéo de la même époque, qui cherchaient à repousser les limites de leur médium en explorant des thématiques comme la surconsommation, la déshumanisation ou la saturation médiatique. L'aspect volontairement caricatural et grotesque permettait à ces œuvres de dénoncer les excès de la société tout en divertissant leur public. Aujourd'hui, le terme "Cyber Trash" pourrait être interprété différemment, mais à l'époque, il incarnait une critique culturelle audacieuse qui marquait l'évolution des médias.

LA CRITIQUE

Dès les premières secondes, « Commander Blood » donne le ton avec un générique déjanté. Des marionnettes se trémoussent frénétiquement sur une musique techno-trance, une introduction atypique qui annonce la couleur pour la suite du jeu. Pourtant, pour les plus nostalgiques, difficile de ne pas ressentir un brin d’amertume face à l’absence de l’ inoubliable et hypnotique bande-son de Jean-Michel Jarre dans « Captain Blood.

« Commander Blood » reprend la mécanique de jeu de son ainé consistant à explorez une carte interstellaire, sélectionner une planète, se poser dessus et entamer un dialogue avec une forme de vie pour obtenir de nouvelles coordonnées ou débloquer des actions à réaliser pour voir la suite du scénario.

L’une des particularités du jeu est son ambiance surréaliste, véritable théâtre de l’absurde, le monde de « Commander Blood » est peuplé de personnages tous plus bizarres les uns que les autres, qui oscillent entre le comique et le tragique. Si chacun d’eux possède une personnalité distincte, ils partagent tous une caractéristique commune : ils sont à la fois des éléments essentiels de l’histoire et des témoins de l’imperfection de l’univers.

Une mécanique revisitée : entre fidélité et simplification

L’aventure est organisée autour de l’Arche, le fameux vaisseau du Captain Blood, oups !!! du Commander Blood. Comme pour l’épisode précédent, seule la main du pilote est visible, vous donnant accès à votre tableau de commande cette fois modélisé en 3D avec une vue à 360° et une carte interstellaire qui s’enrichira au fur et à mesure de votre progression.

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Pour bien commencer, familiarisez-vous avec les commandes. Le manuel vous aidera à mieux comprendre votre environnement, les commandes et quelques subtilités mais c’est assez intuitif. N’hésitez pas à interroger Honk, votre ordinateur de bord qui vous donnera quelques informations, ou Bob Morlock dans le cryobox, mais son temps est précieux, après quelques questions il retournera dormir pour un certain temps.

Sept ans séparent le jeu original et sa suite, inévitablement elle apporte son lot de changements et de nouveautés. Certains choix de design simplifient considérablement l’expérience et la profondeur du jeu. L’un des plus notables est la disparition de l' Upcom, l'interface d'icônes qui permettait de composer ses propres questions dans le premier opus, faisant place à une liste de questions prédéfinies. Si cette évolution facilite l’accès au jeu, elle ôte une part de liberté et de complexité qui apportait de la richesse et de la difficulté à son prédécesseur. Vos conversations consisteront alors à dérouler l’ensemble de l’arbre des possibilités pour débloquer l’arc narratif constituant le scénario du jeu. Cette simplification reflète sans doute l’évolution des attentes du public des années 90, où contrairement à la décennie précédente, la difficulté des jeux était parfois perçue comme un frein à l’achat.

Une fois les nouvelles coordonnées acquises, la planète apparait sur la carte et vous pouvez choisir de vous y rendre. Plus besoin de choisir vous-même les coordonnées, de vous tromper et d’y découvrir parfois autrechose.

Un univers graphique en demi-teinte

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Un peu tendu du slip ces extra-terrestres.

Le bond technologique est évidemment important depuis le premier jeu. Le passage de l’Atari ST au PC CD-ROM permet une modélisation 3D de l’Arche avec une vue à 360° et des séquences en full motion video (FMV). Ces avancées donnent une nouvelle dimension à l’univers de Blood, rendant les personnages plus vivants et leur univers plus immersif.

Cependant, tout n’est pas à la hauteur. Le jeu est figé dans une résolution 320x200, un choix qui paraissait déjà anachronique à l’époque, surtout en comparaison avec des titres comme Myst, qui affichait une résolution de 640x400. Si les séquences animées compensent par leur style coloré et humoristique, ce choix technique limite l’immersion et donne au jeu un aspect un brin vieillot dès sa sortie.

Une progression intrigante mais perfectible

L’aventure débute sur la planète Corpo, où vous rencontrez Izwalito, une sorte de rat de l’espace doté d’une trompe. L’autochtone vous confie une mission simple : acheter de la viande surgelée sur la planète Moskito. Ce premier échange illustre bien le fonctionnement du jeu : chaque planète visitée débloque de nouveaux objets, informations ou coordonnées nécessaires à la suite du jeu.

Les pions constituent la monnaire d’échange. Ces derniers sont rares et limités, obtenus uniquement en suivant le scénario. Une gestion prudente est donc indispensable pour éviter de se retrouver bloqué. Heureusement, le jeu permet des sauvegardes, une amélioration bienvenue par rapport à son prédécesseur.

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Une télévison dans l’Arche, pas la meilleur idée du jeu.

Commander Blood introduit également d’autres fonctionnalités secondaires comme la recherche d’une énergie appelée bionium, un téléphone intergalactique ou encore la télévision interstellaire « Cyber-Cannal », qui propose six chaînes, dont une dédiée au télé-achat. Bien que ces idées ajoutent de la nouveauté à cet univers, elles sont sous-exploitées, tout comme de nombreux autres éléments du jeu. Par exemple, le concept du trou noir, l’Oddland, qui permet de voyager dans le temps, aurait pu enrichir le gameplay avec des allers-retours entre passé et présent. Hélas, il se limite à des séquences linéaires, sans aucune possibilité de faire un autre choix que celui imposé par le scénario, privant le jeu d’une profondeur narrative qui aurait pû être bien plus riche.

LES PERSONNAGES

Le jeu regorge de personnages aussi loufoques qu’inoubliables, chacun parlant sa propre langue donnant un charabia du style : « yoa yoa i dou i ha ». Ce langage inventé participe pleinement à l’ambiance surréaliste du jeu, mais derrière chaque personnage se cache des thèmes plus philosophiques, qui pousse le joueur à s’interroger sur des questions aussi variées que la quête de l'origine et du sens de la vie, le libre arbitre dans un univers déterminé, l'éthique des échanges et des sacrifices, l'héritage et la transmission qu'on laisse derrière soi.

En premier lieu, on pourrait se demander pourquoi ce désir obsessionnel de Bob Morlock à vouloir contempler le Big Bang, l’instant zéro de l’univers ? Est-ce une quête existentielle ou une preuve ultime de son arrogance ? Après sa longue existence, ce scientifique dont la recherche de réponses a été l’objectif de toute sa vie, cherche-t-il à trouver un sens à tout cela en revenant aux sources de l’existence ? Ou est-ce un acte de narcissisme extrême que celui d’assister à l’acte créateur originel, et en quelque sorte se placer en égal au divin, comme s’il cherchait à confronter sa propre puissance à celle de l’univers lui-même.

Le jeu, à travers ces personnages, déploie un univers riche en symbolisme et en absurdité. Chaque figure semble porter un fragment d’un grand puzzle narratif, mais ce dernier reste souvent inachevé. Cela invite à une réflexion sur les limites de l’audace créatif : peut-on vraiment tout laisser à l’interprétation sans risquer de perdre le joueur en route ?

Chaque mission, chaque rencontre semble servir un but plus grand, mais ce dernier reste volontairement flou. Est-ce une critique de l’absurdité de nos propres quêtes personnelles ? L’ironie étant que dans un univers interstellaire où tout est possible, les interactions restent profondément humaines, avec leur lot de trahisons, de malentendus et de moments de tragiques.

Parfois le jeu vous mettra face à des choix cornéliens, privilégiant une cause plutôt qu’une autre.

Voici quelques personnages que vous rencontrerez :

Bob Morlock, la légende vivante ou plutôt cryogénisée


Véritable patriarche du jeu, Bob Morlock incarne la figure autoritaire, paternaliste et mystérieuse. Avec ses 300 000 ans au compteur, il impose autant le respect que la crainte. Cryogénisé dans sa cryobox, il n’émerge que pour répondre à quelques questions avant de retourner dans son caisson hyperbare. Ce choix narratif soulève des interrogations : pourquoi une figure aussi centrale est-elle si peu exploitée ? Sa rareté renforce certes son aura, mais elle frustre aussi, car on aurait aimé en savoir plus sur ses motivations profondes. Pourquoi veut-il voir absolument le big bang ?

Scruter Joe, le gardien du cyberspace


Gardien de prison venu de Pterra, Scruter Joe, est l’un des personnages les plus étranges du jeu. Sa particularité ? Permettre au joueur d’explorer le cyberspace de son cerveau, un concept intrigant mais sous-exploité. L’idée de plonger dans ses neurones – un vrai merdier je vous le dis – aurait pu donner lieu à des séquences mémorables, mais son traitement reste trop superficiel. Ce personnage, qui aurait pu symboliser la complexité de l’esprit humain ou extraterrestre, est réduit à une caricature comique.

Izwalito, l’opprimé


Représentant du peuple Izwal sur Corpo, Izwalito met en lumière les disparités galactiques. Affamé et désespéré, il illustre une lutte pour la survie qui contraste violemment avec les préoccupations plus frivoles d’autres personnages. Sa quête pour trouver de la viande de Murffalo rappelle au joueur que, même dans les recoins les plus exotiques de l’univers, les inégalités demeurent omniprésentes.

Bronko, le robot boucher


L’ex-boucher reconverti en cuisinier de l’Arche est une figure à la fois humoristique et pragmatique. Bronko n’est pas qu’un simple fournisseur de repas : il symbolise la base de toute civilisation, même dans l’espace. Sans ressources essentielles comme la nourriture, toute ambition galactique s’effondre. À travers son rôle, le jeu rappelle que l’essentiel est souvent invisible pour les grands rêveurs.

Morning Oil, le robot à tout faire


Véritable couteau suisse interstellaire, Morning Oil est un compagnon indispensable. Ce robot polyvalent répare tout, mais sa personnalité reste curieusement en arrière-plan. Sa loyauté et son utilité font de lui un allié parfait, mais l’absence de développement de sa personnalité laisse le joueur imaginer ce qu’il pourrait être, s’il n’était pas réduit à son rôle fonctionnel.

Clays de D’Ys, le robot à tout voler


Spécialisé dans le cambriolage et l’ouverture de coffres, Clays de D’Ys pousse à réfléchir sur l’omniprésence des robots dans cet univers. Son rôle soulève des questions : Est-ce une critique voilée de notre dépendance à la technologie ou simplement un choix esthétique ?

Bug Deluxe, caricature du capitalisme


Vendeur interstellaire du Canal 3, Bug Deluxe représente le capitalisme galactique à son paroxysme. Il vend tout, même l’impossible, tant que vous avez des pions en poche. Sa caricature du marchand avide d’argent est drôle, mais aussi un peu déprimante, tant elle résonne avec des réalités bien terrestres.

Daddy Gluxx, la figure paternelle


Un Slimer sans histoire, sympathique vivant avec sa famille sur une planète sans apesanteur, il apporte une certaine touche de normalité, presque rassurante dans cet univers chaotique, mais les évènements qui suivront soulignent aussi la vulnérabilité de tous face à un environnement dangereux plus vaste.

Dr Otto Von Smile


Célèbre opticien galactique qui propose des solutions, mais à quel prix ? Ce personnage représente un choix moral pour le joueur : échanger une somme astronomique ou trahir une autre espèce pour obtenir ce que vous cherchez. Ce dilemme met en lumière l’éthique confu qui traverse l’univers du jeu.

Hom, membre énigmatique de la Guilde


Aussi insaisissable qu’étrange, Hom est un être mystérieux. Son agitation perpétuelle, ses gestes désordonnés, et son langage incompréhensible évoquent un esprit à la fois excentrique et brillant. Le personnage incarne une rare figure d’autorité dans cet univers chaotique, où la folie côtoie sans cesse le génie.

Yoko, l’aristocrate


Même s’il a un air de famille avec Izwalito, Yoko offre un contraste frappant avec ce dernier dont le peuple lutte pour survivre. Issu d’une famille de l’aristocratie, ses préoccupations sont bien éloignée et semble plus préoccupé par la préservation de sa lignée. Ce décalage social au sein même d’un peuple met en lumière les disparités qui existent même dans les univers les plus farfelus. Yoko n’est pas animé par sa survie immédiate mais par des ambitions plus individualistes, peut-être même vaniteuses, illustrant que même dans la galaxie, les privilèges façonnent les priorités.

Maxxon, l’astrophysicien


Père de Yoko, il représente une autre facette de la quête : celle de la connaissance pure. Mais Maxxon est bloqué, non pas par manque de talent ou de vision, mais par une absence matérielle — une lentille pour son télescope. Cette quête pour une pièce apparemment banale illustre l’ironie de cet univers : même les esprits les plus brillants dépendent des ressources les plus simples. Dans son besoin, Maxxon reflète une dépendance universelle, rappelant que même les génies sont tributaires des aléas de leur environnement.

Fifi, le navigateur solitaire


Fifi vogue sur une barque, seul sur une planète immergée. Il ne présente pas de menace particulière et ces besoins semblent bien plus terre à terre : manger et dormir. A la fois drôle et triste, en lui donnant une photo d’une Ondoyante, on touche à une dimension émotive : celle de l’espoir et du rêve, même pour les êtres les plus insignifiants.

Emasculator, le faux dur au cœur tendre


Son nom annonce la couleur. Derrière son attitude menaçante, Émasculator n’est qu’un gros dur au pied d’argile. Sa dualité entre apparence et réalité illustre l’humour omniprésent du jeu, mais elle pousse aussi à une réflexion plus large : combien de "monstres" dans cet univers ne sont finalement que des victimes de leur propre réputation ? Cette ironie constante joue un rôle clé dans l’identité du jeu, mais elle peut également atténuer l’impact dramatique de certaines rencontres.

Betakam IV, le roi maudit


Betakam IV est l’incarnation d’une tragédie : celle d’un souverain dont les décisions désastreuses ont précipité la chute de son royaume et la destruction de son peuple, les Patagos. Mort depuis des siècles, Betakam IV n’est plus qu’un vestige, une relique d’un âge révolu, mais sa malédiction agit comme une ombre portée sur le présent, affectant directement le joueur. Betakam IV n’est pas qu’un ennemi ou un obstacle. Il est un avertissement. Sa présence soulève des questions profondes sur la responsabilité du pouvoir et l’héritage des erreurs passées.

Super Zen, le sorcier pragmatique


Sous son apparence évoquant un homme des sables tout droit sorti de Star Wars, Super Zen incarne le stéréotype du sorcier mystérieux qui gesticule dans tous les sens en faisant des incantations. Pourtant, ses motivations sont résolument pragmatiques : il n’aide qu’en échange d’un service précis, en l’occurrence le vol d’un tableau de valeur. Cette approche matérialiste d’un personnage censé être spirituel renforce l’ironie mordante du jeu, mais elle soulève aussi une question essentielle : dans un univers où tout semble transactionnel, où est passée la véritable quête de sens ?

Hanz Beauregard, ou la quête de l’immortalité


Hanz est un peu le frère jumeau de Bob Morlock. Brulé fortement par l’explosion du soleil Gladis dans le système Tumul, son esprit intact, il vous demande de l’aider à chercher un nouveau corps. Sa présence soulève des questions sur notre rapport à la recherche de l’immortalité mais aussi une question majeure du jeu : pourquoi lui offrir un nouveau corps alors que Bob est lui laissé à son sort cryogénique ? Cette incohérence narrative, volontaire ou non, ajoute une couche de mystère ou souligne un scénario manquant cruellement de finition.

Brataccas, la terreur de Vargas


Bratacas est un cousin proche de Fifi et le parfait exemple de la fausse menace. Présenté comme la "terreur" de sa planète, il se révèle n’être qu’un habitant esseulé qui joue à être le méchant faute de mieux. En lui donnant un vieux décodeur pour l’aider à passer ses longues soirées d’hiver, il vous donnera la photo d’une Ondoyante. Cette révélation, à la fois drôle et mélancolique, invite à réfléchir sur la solitude et l’importance de l’autre même dans un univers où chaque individu semble être avoir des objectifs plus égoiste.

L’Ondoyante: rêve ou réalité ?


Véritable quête chimérique, l’Ondoyante est l’incarnation du rêve inaccessible. Enigmatique, belle et pure, sa présence contraste fortement avec les autres personnages de l’aventure. Après l’avoir cherchée pendant une grande partie de l’aventure, sa découverte provoque un étrange mélange de soulagement et d’incrédulité. Cette rencontre aussi absurde qu’inattendue, pousse à réfléchir sur le rôle de notre quête constante d’un idéal : Est-ce réel ou un mirage destiné à maintenir l’espoir ?

Tina Burner, la manipulatrice


Sous son diminutif de « Bunny », elle officie dans un bar pas très net de la planète Eden. Avec sa grande bouche et son insistance agaçante, Tina est le cliché ambulant de la manipulatrice sans scrupules. Sa présence incarne une menace plus sociale que physique et souligne un thème récurrent du jeu : même dans un univers aussi vaste et étrange, les interactions humaines restent marquées par la méfiance et l’opportunisme.

Avec sa multitude de personnages, « Commander Blood » dénote d’une richesse artistique bien supérieur à son ainé. Cependant, cette richesse a un prix : le manque de cohérence et l’absence de direction claire. Si l’objectif était de créer une œuvre ouverte à l’interprétation, il est atteint. Mais pour ceux qui espéraient une aventure plus structurée, le résultat peut sembler un peu frustrant.

L’HERITAGE DE BLOOD

« Commander Blood » a été développé à l’origine sur PC CD puis porté quelques mois plus tard sur Mac. Des articles parues dans la presse spécialisées semblent indiquer que le jeu fut un temps prévu sur Jaguar, Amiga 1200 et CD32 mais comme on le sait maintenant, ces portages seront avortés. Aucune autre conversion sur d’autres plateformes majeures de l’époque, comme les consoles, Sony Playstation ou Sega Saturn ne semblent avoir été envisagée. Un choix qui contraste avec l’expansion multisupport de nombreux jeux contemporains, tels que « Myst » ou « Doom », qui ont su séduire un public plus large.

Ce manque de vision sur le devenir du marché vidéo ludique, pourtant à l’opposé des envolés lyriques de Philippe Ulrich, est symptomatique de l’approche de Cryo Interactive, un studio souvent en avance sur son temps mais parfois prisonnier de ses choix techniques et artistiques. Le studio semblait parier sur une technologie émergente plutôt que sur une accessibilité multiplateforme, un choix qui a probablement contribué à l’effacement progressif de « Commander Blood » dans la mémoire collective des joueurs.

Aujourd’hui, hormis la tentative avortée par leurs auteurs de faire revivre cet univers avec « Captain Blood Legacy » ou le fantastique projet non officiel d’un fan « The Bloodian Chronicles », l’absence de portages sur des systèmes modernes ou de remasterisations officielles empêche une nouvelle génération de joueurs de découvrir cet univers riche, contrairement à son prédécesseur, « Captain Blood », qui jouit encore d’une certaine aura nostalgique grâce à son impact sur Atari ST et Amiga.

L’AVIS DE LA PRESSE

À sa sortie en 1994, « Commander Blood » a divisé la presse spécialisée, oscillant entre admiration pour son univers singulier et perplexité face à ses choix techniques et ludiques. Si certains ont salué son originalité, son humour décalé et son univers visuel unique faisant de lui une véritable bouffée d’air frais dans un paysage vidéoludique dominé par les FPS et les jeux de baston, d’autres ont critiqué la faible durée de vie (5h-6h tout au plus), les limites narratives et les choix graphiques obsolètes donnant un sentiment d’une oeuvre avant-gardiste mais inachevée.

Dans le Gen4 n°72 de décembre 1994, le journaliste souligne la beauté du jeu et l’extraordinaire travail de création artistique tout en indiquant qu’ « il arrive souvent que la chirurgie esthétique ne parvienne pas à éliminer les rides profondes d’un vieux soft » finisant sur une notre très positive de 89%.

Dans le Joystick n°55 de décembre 1998, encore une fois la qualité du soft est mise en avant, le journaliste apprécie que le jeu ne soit pas linéaire tout en indiquant qu’il faut obligatoirement passer par certaines actions pour avancer et que les dialogues sont sous formes de QCM (Quésaco ?).

Cette réception en demi-teinte a sans doute contribué à son oubli progressif, malgré tout le potentiel d’un univers riche qui aurait pu être développé plus durablement mais qui s’est au final dilué dans l’histoire du jeu vidéo.

Toutefois, on peut estimer que le succès fut suffisamment au rendez-vous puisqu’un troisième opus « Big Bug Bang » qui tient plus de l‘add-on que d’un nouvel opus fut mis en chantier.

En 1995 « Commander Blood » reçoit le prix Canal+ du plus beau jeu sur PC CD-ROM (cd console n°5 mars 1995 p 51).

EN CONCLUSION

ON AIME...
+ Le plaisir de revoir Blood
+ Totalement barré
+ L'originalité
+ Les thèmes abordées plus profonds qu'il n'y parait
+ Ah !! les ondoyantes
ON AIME MOINS...
- Malgré les discours, c'est très linéaire
- Les graphismes en 320x200 nan mais sérieux !
- Le cyberspace
- Beaucoup d'idées sous exploitées
- Un rendez-vous "presque" manqué

Amateurs de science-fiction décalée et de jeux expérimentaux, « Commander Blood » mérite d’être redécouvert, ne serait-ce que pour apprécier l’audace de son univers et l’originalité de son approche. Pourtant malgré son ambiance, le jeu laisse comme un goût d’inachevé. Trop linéaire, pas assez audacieux, » Commander Blood » échoue à capturer l’essence transgressive qui faisait la force de son prédécesseur. Les bonnes idées abondent, mais elles sont souvent survolées ou mal exploitées. L’univers unique, les dialogues absurdes et les personnages attachants en font une expérience intéressante, mais des choix techniques contestables et une narration chaotique ternissent l’ensemble.

Là où Cryo brillait autrefois par ses œuvres artistiques et visionnaires, cela semble ici amorcer un tournant vers une production plus conventionnelle, marquée par un certain conformisme. Ce glissement symbolise une transition plus large dans l’industrie du jeu vidéo, où la recherche d’accessibilité et de rentabilité tend parfois à étouffer l’innovation. Avec cette question : doit-on privilégier l’audace au risque de dérouter, ou jouer la sécurité au prix de la banalité ? Malheureusement, en voulant peut-être trop concilier les deux, Cryo signe ici un rendez-vous manqué.

EN VRAC
SOLUTION
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