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Paul Cuisset

FICHE

Prénom :

Paul

Nom :

CUISSET

Nationalité :

Français
LUDOGRAPHIE
[1987] Tonic Title

Programmeur


[1987] Phoenix

Programmeur


[1988] Space Harrier

Programmeur


[1988] Bio Challenge

Programmeur


[1989] Voyageurs du Temps, Les

Programmeur

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[1990] Operation Stealth

Programmeur, Scénariste

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[1991] Croisière Pour Un Cadavre

Programmeur, Scénariste

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[1992] Flashback

Auteur, Programmeur


[1995] Fade to Black

Directeur du Développement


[1997] Moto Racer

Directeur du Développement


[1998] Moto Racer 2

Directeur du Développement


[1999] Darkstone

Directeur du Développement


BIOGRAPHIE

Paul Cuisset est un pilier du monde du jeux vidéo, ses créations ont influencé fortement cette industrie. Touche à tout, il a imaginé et programmé une multitude de styles de jeux allant du casse brique en passant par le jeu d'aventure, la course de moto, le jeu de plateforme... Chaque titre a apporté sa pierre à l'industrie du jeux vidéo et fait bouger les lignes grâce cette volonté chez lui de réinventer les codes.

Il commence sa carrière à travailler sur IBM 360, puis Oric, C64 avant de se réveler pleinement sur Atari ST, Amiga puis consoles et PC.

1987, premier titre avec "Phoenix" sur Atari ST pour Ere informatique puis il enchaine rapidement avec un casse brique "Tonic Title", une sorte d'Arkanoid chez d3m avec comme graphiste un de ses amis Michael Sportouch.

Puis les deux compères se lancent dans la conversion d'un jeu d'arcade qui les a impressionné "Space Harrier" sur Atari ST pour Elite.

Ensuite tout va très vite, le groupe Delphine cherche à diversifier ses activités en créant une branche jeux vidéo, Delphine Studio puis Delphine Software pour laquelle il prend en charge en tant qu'équipe externe "Bio Challenge" tandis qu'une autre équipe travaille en interne sur "Castle Warrior".

1989, c'est la révélation avec le fabuleux jeu d'aventure "Les Voyageurs du Temps", auteur, programmeur pour lequel il invente une nouvelle interface point & clic révolutionnaire à base d'un menu contextuel et de quelques actions clés, le tout sur des graphismes pixel-art signés par le grand Eric Chahi. Un succès énorme. Très attiré par le CDI et les nouvelles possibilités du CD-Rom dès 1989 (Dans une interview pour Joystick, il y voit déjà la possibilité de mettre des jeux avec des séquences filmés sur CD, la montée des PC et se projette dans le développement sur consoles !). Il crée et dirige le département cinématique dont l'idée est de rapprocher les 2 arts jeux vidéos et le cinéma. S'enchaineront alors des jeux d'aventure très célèbres comme "Operation Stealth", "Croisière pour un cadavre" puis le célèbre "Flashback" qui a connu un énorme succès si bien que 30 ans après tout le monde connait encore ce jeu.

La suite sera encore couronnée de succès avec "Fade to Black", "Shaq Fu", "Moto Racer", "Amy" ou "Darkstone".

Il aura moins de chance sur la production de "Subject 13" et le studio VectorCell qu'il a fondé sera placé en liquidation judiciaire.

Toujours très productif dans le monde du jeux vidéo, il a récemment fait un remake de Flashback en HD sorti sur PC, Xbox One et PS4.

Fin 2023, il revient avec la suite tant attendu de Flashback édité chez Microids, Flashback 2 sort sur PC, PS5, Xbox Series X

INTERVIEW

    • Bonjour Paul, merci d'avoir accepter cette interview. Ton palmarès dans le jeu vidéo est impressionnant. Tu as dû touché à tous les types de jeu et non des moindres "Les Voyageurs du Temps", "Croisière pour un Cadavre", "Flashback", "Fade To Black", "Moto Racer", etc... Tu fais partie de ce qu'on appelle maintenant la french touch avec Philippe Ulrich et d'autres grands noms comme Michel Ancel, Eric Chahi, Frédérick Raynal... Aujourd'hui est-ce que tu as conscience de l'influence que tu as eu dans le jeu vidéo et aussi que tes créations ont marqué tant de joueurs ?
    • Oui bien sûr avec le recul ça fait quand même quelques années que je bosse dans le milieu et donc j'ai vu pas mal l'évolution des choses. Avoir conscience qu' on a changé des choses, je crois que c'est évident mais on était au début donc forcément il n'y avait pas énormément de choses donc le peu qu'on pouvait créer forcément avait un impact. Je suis très content d'avoir pu poser une brique à ce moment là et je ne sais pas si on a changé vraiment des choses en profondeur mais je sais en tout cas que quelques personnes ont pu avoir du plaisir à jouer aux jeux que j'ai pu créer et ça c'est pour moi une grande fierté.
    • Tu participes aussi à pas mal de conventions, comme le TGS, tu as remarqué depuis quelques temps avec la montée du retrogaming que le public est en demande justement de ce type d'informations, de contact avec toi ?
    • Oui je sens qu'il y a une grosse demande, qu'il y a beaucoup de gens qui refont aujourd'hui ceux à quoi ils ont joué, et les plus jeunes d'aujourd'hui sont nostalgiques des jeux et du rétro gaming plus particulièrement et je suis très content qu'il y ait des gens pour se souvenir et pour apprécier encore les jeux à la manière dont on les faisait à l'ancienne.
    • Et comment tu es tombé dans l'informatique et notamment la programmation ?
    • Un petit peu par hasard en fait j'ai eu la chance de vivre à l'étranger pendant assez longtemps comme mon père travaillait à l'ambassade de France donc on a fait pas mal de pays et à vrai dire à l'âge de 18 ans moi j'étais plutôt fan de musique que d'informatique, je savais pas trop ce que c'était, et mon père m'avait dit mais tu sais si tu aimes la musique tu devrais t'intéresser à l'informatique parce que ça va être l'avenir et il y aura toujours des choses à faire en informatique même dans ta carrière de musicien. Donc en revenant quand j'ai passé mon bac je ne savais pas trop ce que ce que j'allais faire et j'ai écouté son conseil. Je suis arrivé à Paris et j'ai posé ma valise dans le sud de Paris à l'université d'Orsay, j'ai appris l'informatique mais alors pas du tout dans l'optique de faire des jeux, j'ai appris à programmer comme pour faire de la gestion, de l'informatique plutôt industrielle classique et c'est en passant pas mal d'heures par la salle d'info où il y en avait un petit club micro informatique où j'ai découvert les jeux et c'est comme ça que j'ai commencé. D'abord en tant que joueur à jouer sur Apple, à l'époque il y avait les Commodore 64, Oric Atmos, etc... plus tard l'Atari et en tant que fan de jeux forcément ça m'a amené l'idée de vouloir créer mes propres jeux, mes propres histoires et c'est comme ça que je suis rentrer là dedans.
    • Tu as connu le plan informatique pour tous, avec les mo5 et to7 à l'école ?
    • Je n'était pas vraiment intéressé par ces machines là. j'étais plutôt excité par le Commodore 64, Amiga, Atari. Bon j'ai eu aussi ZX 81 que j'ai eu bricolé, j'ai rajouté de l'extension de mémoire.
    • Et pas d'Amstrad ?
    • Non je n'ai pas eu d' Amstrad. A l'époque je ne pouvais pas m'acheter toutes les machines et donc il fallait choisir et moi j'avais choisi l'Oric Atmos en premier, puis un Commodore 64 aussi et c'est comme ça que j'ai fait mes premières armes en informatique. J'apprenais à programmer, j'ai commencé à programmer en basic et puis ensuite en assembleur sur les 6502.
    • Et à cette époque là pour apprendre à programmer il fallait se former tout seul, pas d'internet, pas de cours particuliers c'était un peu compliqué non ?
    • En fait on lisait beaucoup de revues, je me souviens qu'il y avait quelques revues l'informatique ça parlait pas de jeu bien sûr mais ça parlait d'application et de petits programmes. Il y avait un journal qui s'appellait Hebdogiciel dans lequel il y avait pleins de pépites et on découvrait c'était vraiment extraordinaire et on n'imaginait pas jusqu'où ça nous mènerait à l'époque, c'était le plaisir. Je me souviens des colonnes dans cette revue où il y avait des exercices ou des gens faisaient des jeux sur une ligne de code avec le minimum de code utile. C'était magique d'arriver à se dire qu'on pouvait avoir un ordinateur à soi et pouvaient faire des choses dessus. Alors aujourd'hui tout le monde à l'habitude mais il faut savoir que quand j'ai commencé dans les années 80 c'était rare d'avoir un ordinateur personnel. Il y avait des ordinateurs très très cher dans les sociétés mais l'IBM pc n'existait même pas quand j'ai commencé. C'était vraiment comment dire le tout début, le tout tout début donc le fait d'avoir un micro ordinateur je me souviens le premier micro que j'ai eu c'était un Commodore 64 c'était vraiment fou de se dire qu'on pouvait avoir ça chez soi et qu'on pouvait bricoler dessus alors que moi à la fac je travaillais sur les gros ordinateurs c'était l'IBM 360 qui était dans une pièce carrément et je n'ai jamais pu l'approcher. On voyait à travers la vitre ce monstre avec des gens qui avaient un travail presque comme un maître qui trône autour avec plein de savants en blouse blanche qui branchait des trucs. Nous on voyait ça à travers la vitre parce que la salle machine on n'avait pas droit d'y rentrer et c'était assez magique alors le fait après qu'on pouvait avoir un ordi chez soi et qu'on pouvait taper ce qu'on voulait dessus c'était génial.
    • Je me souviens je voyais les prix des Amiga et des Atari dans les magazines mais c'était fou les prix, comment les gens pouvent s'acheter ces micro-ordinateurs qui coutait un ou deux salaires.
    • C'était vraiment très très cher. A l'université il y avait des Apples, dont un Apple IIe mais ça j'ai jamais pu m'acheter ça. J'en ai toujours rêvé mais en fait c'était trop cher donc effectivement j'ai économisé pendant des mois et des mois pour pouvoir m'acheter mon premier micro ordinateur.
    • Ton premier jeu si je ne me trompe pas c'était à 18-19 ans avec "Phoenix" en collaboration avec Patrick Guillemet, un jeu édité chez Ere Informatique et ensuite tu fais "Tonic Tile", une sorte d'Arkanoid et juste avant de partir à l'armée tu décroches avec Michael Sportouch un gros contrat pour faire "Space Harrier" pour l'anglais ELITE ?
    • C'était vraiment une surprise parce qu'on ne s'attendait pas du tout à cela. C'est mon ami Michael Sportouch et Denis Mercier on était une petite bande de fans. On s'était rencontrés dans une boutique d'informatique et puis on bavait tous devant les jeux qu'il y avait et on a fini par parler ensemble et à découvrir cette passion pour les jeux et donc c'est comme ça qu'on a décidé de commencer à faire notre propre jeu. Et donc après avoir écrit et fait "Tonic Tile" qu'on avait réussi à publier mais c'était vraiment assez confidentiel, en fait Michael et Denis sont partis en angleterre pour rencontrer ELITE au culot. C'était marrant parce qu'à l'époque Michael je crois qu'il avait 16 ou 17 ans et Denis 17 ou 18 tout juste donc vraiment c'était des gamins qui vont vont voir ELITE alors c'était pas non plus une très très grosse boîte à l'époque même s'ils étaient connus c'était pas énorme, et il leur montre la démo et contre toute attente les gars nous rappellent en disant tiens on est intéressé on a un projet de faire l'adaptation de la borne arcade "Space Harrier" et voilà c'est comme ça que ca a commencé et qu'on s'est lancé.

      C'était un rêve de pouvoir de pouvoir programmer cette borne là c'était un challenge énorme. La borne d'arcade est impressionnante même aujourd'hui. Et de se dire qu'on va reprendre ces choses là et qu'on va essayer de faire une version Atari et Amiga, c'était un gros gros challenge en plus après avoir signé le contrat j'apprends que je dois partir à l'armée donc du coup c'était assez compliqué. J'ai fait l'adaptation pendant mon service militaire pas pendant mes premiers mois de classe mais un peu plus tard une fois que j'ai eu un peu plus de liberté donc je revenais et le soir pendant mes permes je codais le jeu.

      Pendant ce temps-là Michael et Denis s'occupaient des graphismes surtout Michael sur les graphismes de cette version là, Denis faisait autrechose mais en fait le truc c'est qu'on n'avait pas du tout de sources, on n'avait rien, on n'avait pas d'info. En fait ELITE nous avez dit voilà c'est la version et débrouillez-vous, y a la borne. On n'avait même pas le droit à des crédits et on a payé avec nos propres sous. On allait filmer en cachette la borne parce que sur les Champs, on n'avait pas le droit de filmer, du coup le patron nous voyait d'un mauvais oeil et en plus on n'était pas très crédible, on était une bande de gamins, évidemment et entendre "on est en train de faire l'adaptation de ce jeu là" et il se disait "ils sont fous c'est pas possible ils nous pipottent". Et donc on était obligé de filmer sous le manteau et on mettait des pièces et on filmait pour essayer d'avoir tout le déroulé du jeu. Et ensuite c'était le casse tête Michael reproduisait les graphismes et moi j'essaie de reproduire le gameplay et toutes les animations, les mouvements et la vitesse du jeu donc c'était un bon apprentissage.

    • C'était incroyable comment on faisait les adaptations à l'époque, j'imaginais qu'il existait des systèmes pour ripper les datas avec des programmes de conversions de données via des câbles entre la borne et le micro-ordinateur mais non ?
    • C'était beaucoup plus simple que çà, c'était débrouillez-vous vis à vis du jeu [rires], donc en fait on a refait le jeu en quelque sorte. Les animations on les a redessinés une par une, tous les mouvements, toutes les attaques des ennemis etc, donc c'était assez impressionnant. En plus il y avait un challenge technique important la machine d'arcade c'était une grosse machine qui pouvait afficher des sprites énormes et donc du coup sur Atari, Amiga c'était assez chaud mais c'était une bonne expérience en tout cas.

    • Le jeu a finalement bien été accueilli par la presse, de bonnes critiques notamment dans la rapidité du scrolling, objectif rempli pour ce jeu alors ?
    • Oui je pense qu'ils en ont vendu un paquet après nous on n'a jamais rien touché ils nous ont dit que grosso modo qu'en fait on participait aux frais de production donc du coup l'avance qu'on avait pu avoir en fait elle servait à payer les cartons, en fait ils nous ont bien eut, on s'est bien fait avoir et on n'a jamais rien gagné. Mais c'était l'époque qui était comme ça. Après on a compris pourquoi ils avaient fait faire l'adaptation par des petits jeunes car cela les arrangait car du coup ça leur a rien coûté et puis on n'avait pas les moyens de prendre des avocats internationaux pour attaquer une boîte qui se trouve en angleterre. Bon voilà on n'avait plus que nos yeux pour pleurer mais en même temps je ne regrette pas, on était jeune, on était content d'avoir fait un jeu, d'avoir d'aller à la fnac et voir que notre jeu était dans les rayons donc c'était déjà super récompense de voir que des gens y jouaient et puis c'était un moyen de rentrer dans ce milieu. bon c'est vrai que ça nous a un peu embêté de ne pas avoir gagné l'argent dessus mais la vie continue.
    • C'était un peu des entreprises voyous à cette époque ?
    • C'était exactement comme çà et ils savaient très bien que l'on n'avait pas ni les moyens ni les connaissances juridiques, à l'époque il y avait quand même un gros flou juridique autour de çà, le jeu vidéo était pas reconnu le droit d'auteur, personne ne savait ce que c'était donc ça se trouve on les aurait attaqué et on nous aurait dit que c'est eux qui avaient les droits et que nous on n'avait pas le droit de le faire, voilà c'est comme ça.
    • Et après cette expérience, tu rentres chez Delphine Software, où là tu arrives comme programmeur mais rien n'existe puisque la société est toute récente ? Comment cela se passe tu apportes tes idées pour les jeux, une direction artistique?
    • En fait pas dans l'immédiat. Michael rencontre Paul de Senneville qui veut monter une structure pour le jeu vidéo parce qu'il y croit, parce que son bras droit Jean Baudlot est un fan de jeu, enfin surtout de musiques de jeux plutôt que de jeu, et il dit qu'il y a vraiment quelque chose à faire donc ils décident de monter une structure et moi en parallèle j'ai un projet qui est de faire un jeu d aventure, mais j'y reviendrai plus tard, avec Denis on a un projet de jeu et donc voilà comment Delphine se monte, ils cherchent des gens, Michael étant en contact avec eux et Michael rentrant chez Delphine du coup c'est plus facile. On nous présente à Paul et on on arrive à affiner le premier jeu Delphine qui s'appellera "Bio Challenge" et donc on travaille pour Delphine mais en tant qu'auteur indépendant, je suis chez moi et on fait le jeu de notre côté et Delphine sert d'éditeur.
    • Comment est lancée l'idée de faire un jeu comme "Bio Challenge" ? Est-ce une concertation entre la direction et vous ? est-ce que vous travaillez dans votre coin et apportez l'idée et le jeu clé en main ?
    • En fait c'est assez simple pour ce qui est de "Bio Challenge" c'est Denis et moi qui avons eu l'idée du jeu. Denis avait réalisé quelques images, quelques animations etc qui étaient vraiment très sympa et du coup on a établi une sorte de concept et puis on l'a speeché à Delphine en leur expliquant le jeu qu'on veux faire. On était plus crédible parce qu'on avait déjà deux jeux qui avaient été publiés dont "Space Harrier" qui était vraiment très connu, ça a été assez facile ils nous ont fait confiance et ils nous dit "Ecoutez on sait pas trop à quoi ça va ressembler on sait pas trop mais on ne connaît pas de toute façon les jeux vidéo et à la limite on vous fait confiance [rires]

      Et puis ça a bien marché et donc c'est comme ça que c'est parti et que l'on s'est mis à travailler sur "Bio Challenge" avec Denis. Michael de son côté était directeur chez Delphine, il s'occupait du studio, c'est lui en fait qui a créé le premier jeu "Castle Warrior", l'idée vient de lui. Il y avait deux structures, une en interne de deux personnes, deux programmeurs ou un programmeur et un graphiste je ne sais plus, qui ont travaillé sur "Castle Warrior" et nous on était indépendant et on travaillait de chez nous. Delphine avait monté un petit studio, il y avait des locaux disponibles où notamment travailler les gens. Ils ont embauché un programmeur et un graphiste il me semble et c'est eux qui s'occupait de l'autre projet. Voilà il y avait un projet interne et un projet externe, c'est comme cela que tout a commencé.

    • Et ensuite tu enchaines sur le fabuleux jeu d'aventure "Les Voyageurs du Temps" ?
    • Après "Bio Challenge" qui a été plutôt bien reçue et a plutôt bien marché à l'époque et ça a permis de faire connaître Delphine, j'avais envie de faire un jeu d'aventure et j'ai commencé avec le scénario etc. Au départ je comptais un petit peu sur Denis Mercier qui était mon complice habituel mais je crois qu' il devait passer son bac. C'était assez compliqué et pas beaucoup de temps donc du coup il a fallu que je trouve quelqu'un. J'ai fait en quelque sorte un casting où j'ai demandé autour de moi quelqu'un connaîssait un graphiste et j'ai vu pas mal de graphistes dont Eric Chahi qui m'avait fait bonnes impressions et donc c'est avec lui qu'on a fait le jeu encore une fois dans le même modèle, on était indépendant et donc on bossait de chez nous et une fois que le jeu était terminé, on l'amenait à Delphine et ils faisaient le travail d'édition, des tests, etc.. mais au départ c'est un travail complètement indépendant. C'est comme cela qu'est né "Les Voyageurs du Temps"
    • Dans sa biographie, Eric Chahi indique qu'au départ tu n'étais pas super emballé par les graphismes qu'il t'a montré ce qu'il avait fait dans son ancienne société Chip, des images faites à base de digitalisation pour les jeux "Voyage au Centre de la Terre" et je crois "Jeanne d'arc" ?
    • Je n'étais pas trop fan parce qu'ils utilisaient beaucoup de digit à l'époque, c'est à dire qu'ils digitalisaient des images et ils les retouchaient et donc c'était plutôt de la retouche photo mais avec la résolution d'Atari donc c'était pas top. Donc je n'étais pas trop fan de la direction technique qu'avait pris différents jeux mais Eric n'y était pour rien il avait fait le boulot qu'on lui avait demandé point donc du coup je lui avais demandé s'il n'avait pas des choses un peu plus personnelles qui étaient plus proches de son style à lui de ce qu'il a envie de faire, plutôt que du travail à la commande en quelques sortes donc c'est comme ça qu'il m'a envoyé quelques illustrations et là pour le coup j'ai vraiment eu un coup de foudre, et je l'ai rappelé tout de suite pour lui dire ok, c'est bon on y va.
    • Graphiquement "Les Voyageurs du Temps" a très bien vieilli, il a un petit côté pixel art comme on dirait aujoud'hui, ces changements de décors qui se superposaient comme des vignettes de bd, et cette interface novatrice à l'époque dont tu es à l'origine ?
    • "Les Voyageurs du Temps" est un des premiers jeux point & clic. En fait j'étais un fan de jeu Sierra qui avait fait la série des King Quest mais à l'époque c'était des jeux qui étaient exclusivement sur pc et qui se jouaient au clavier et donc tapaient des mots clés par exemple "prendre photo", "regarder photo" et en anglais et le programme analysait un petit peu ce qui était tapé et renvoyait une réponse souvent un petit peu à côté. Mais voilà c'était déjà des aventures texte en quelque sorte mais animés parce qu'il y a quand même un personnage qu'on pouvait bouger ; on trouvait ça assez génial.

      Mais en fait j'avais envie de faire quelque chose de différent, un peu plus facile d'accès; Beaucoup de gens m'avaient dit écoute moi je suis pas trop fan parce que c'est compliqué à jouer puis taper les mots clés comme ça en anglais c'est un peu barbare donc c'est comme ça j'ai eu l'idée d'en faire un et de mettre en place un système de clics. On clique sur les l'objet et puis un petit menu apparaît comme ça et qui nous permet avec cinq actions de faire tout. Je me suis dit finalement ces actions on peut résumer à des concepts simples et donc en fait j'avais construit le jeu avec 5 actions possibles et ça permettait de simplifier énormément le système et de proposer du coup une interface complètement à la souris il y avait juste à cliquer utiliser le menu pour faire les actions sur les objets etc.

      C'était assez nouveau, en fait j'avais jamais vu ça nulle part mais à l'époque c'était normal parce qu' on se basait rarement sur ce qui existait et comme ca n'existait pas il fallait tout inventer. Donc j'ai développé un moteur spécial, un outil spécifique pour pouvoir justement à la fois faire tourner le jeu, les animations, etc et prendre en compte justement ce système de cliquer sur les objets et le menu contextuel grace une bouton droit de la souris etc possibilité d'utiliser les objets les uns sur les autres et donc ca il n'y avait vraiment rien à l'époque; de toute façon c'était assez habituel de créer son propre moteur, un moteur spécial pour tout çà qui s'appelait le système cinématique d'où le nom ensuite de la série qui est devenu "Delphine Software Cinématique" parce que justement on utilisait le système cinématique pour faire les jeux.

    • Concernant la direction artistique des "Voyageurs du Temps" est-ce tout était carré, story-boardé et Eric Chahi suivait la trame demandé où c'était un peu libre et il te proposait des écrans en fonction de l'histoire ?
    • En fait c'est assez simple, j'avais écrit tout le scénario avec toute l'histoire et toutes les commandes, les actions puis j'avais donné à Eric des planches de storyboards où j'avais dessiné chaque écran en tout cas comment je le voyais et puis les actions qu'on pouvait faire dedans etc. Ensuite Eric récupérait ça écran par écran et il proposait tiens je peux faire ça ça etc et ensuite il faisait la partie graphique. Après c'est lui qui a vraiment fait toute la partie graphique, cela vient de lui, moi ce que j'ai fait c'est juste des gribouillis mais c'était pour retranscrire un petit peu l'idée c'est à dire que la navigation c'est assez important c'est un jeu où on va d'un écran à un autre donc j'avais organisé la navigation et ce que je voulais par exemple pour qu'on puisse passer d'un écran à un autre d'une certaine manière en fonction de ce qui se passait dans le jeu etc et donc du coup j'avais story-boardé le jeu, dessiner ce que je voyais du jeu dans des petites cases et ensuite j'avais donné çà Eric. Donc c'était un plan assez simple dans sa bio je crois qu'il a mis une capture de ça où on voit les images et c'est comme ça qu'on a bossé tous deux. Avec Eric c'était assez facile parce qu'il est tellement doué et comme il est programmeurs en plus c'était assez facile de se mettre d'accord.
    • Vous aviez une vision commune, toi tu oeuvrais sûr ton système cinématique, rapprochement entre les jeux vidéos et les films et Eric faisait un peu de même dans Another World, avec sa mise en scène, ses scenes cut, ses gros plans ...
    • A l'époque on avait comme référence le cinéma alors pas pour faire des films mais la seule influence qu'on avait réellement c'était le cinéma, les jeux bon il y en avait mais il n'y avait pas d'exemple dans un jeu, quand j'ai fait "Les Voyageurs du Temps" je n'avais aucune référence il n'y avait aucun jeu comme ça qui existait à part les SIERRA, les jeux LUCASARTS sont arrivés plus tard et donc l'inspiration c'était le cinéma. Je suis un fan de science-fiction, je lis beaucoup et puis c'était aussi la grande époque du cinéma fantastique enfin de la sf, c'était quelque chose d'extrêmement nouveau parce que je crois que c'est le moment où les effets spéciaux ont commencé à apparaître au cinéma et ça a généré toute une série de films qui étaient époustouflants : Blade Runner par exemple c'était une révolution donc nous on était un peu nourri par tout ça et on avait envie de retranscrire ce genre de choses. On a découvert aussi, moi j'ai découvert l'informatique et le fait qu'on puisse rentrer dans un jeu, rentrer dans une histoire c'était quelque chose de complètement nouveau parce que c'était complètement une autre manière de vivre les choses et d'appréhender les manières de raconter une histoire. On cherchait à transcrire de l'émotion et le cinéma c'est l'art qui le transmettait le plus facilement, le plus directement et aussi l'art le plus proche de l'informatique dirons-nous, et donc cela a forcément été une source d'inspiration.
    • "Les Voyageurs du Temps" innove par son interface, des graphismes léchés, il a connu un gros succès et il innove aussi dans ses musiques signés Jean Baudlot, d'ailleurs pour la première fois les musiques sortent au format CD et même le jeu avec une version anglaise PC-CD avec musiques au format CD. On est dans les tous premiers jeu CD là ?
    • Le CD c'était un peu la signature de Delphine qui était une maison de disque au départ, donc le CD ils savent faire. Jean Baudlot qui est musicien, a fait les musiques des "Voyageurs du Temps" c'était le bras droit de Paul et son arrangeur, c'est des gens qui ont l'habitude de travailler en studio et de travailler à faire de la musique cd donc c'est effectivement pour nous une chance extraordinaire de pouvoir avoir des musiques vraiment fait par un musicien professionnel premièrement et deuxièmement enregistrées en studio avec une qualité de son incroyable, c'était aussi la force de Delphine à l'époque disposer en fait de ces ressources là et d'avoir un compositeur extraordinaire.
    • Sur quelle plateforme était développé les jeux, ST puis Amiga ou l'inverse ?
    • Sur "Les Voyageurs du Temps" ça a été d'abord fait ce ST et ensuite converti sur Amiga. Ils avaient un vieil Amiga 1000 qu'ils m'avaient prêté ensuite une fois que j'avais fini la version ST, j'ai fait la conversion sur Amiga. C'est la première fois que je bossais sur un Amiga après Space Harrier mais sur ce type de format et donc oui c'était d'abord pensé ST ensuite sur Amiga. Après les jeux suivants de Delphine ça a été un peu différent. Peu à peu l'Amiga a commencé à prendre le pas sur le ST et au final on a plus fait de l'Amiga que du ST parce que à un moment donné on est passé sur des Amiga qui étaient un peu plus puissant on avait l'Amiga 1000 mais à Delphine on est passé sur les Amiga 3000 qui étaient des super bécannes et donc du coup les moteurs étaient écrits d'abord sur Amiga et ensuite portés sur ST mais à l'époque c'était vraiment du ST en premier.
    • Eric Chahi travaillait sur Deluxe Paint ?
    • Oui mais je crois qu'il a fait des choses sur Atari ST aussi. Mais à l'époque c'était vraiment le soft de référence, sur Atari il avait un autre qui était sympa c'était Neochrome mais effectivement la plupart des gens travaillaient sur Amiga sur Deluxe Paint c'était vraiment la référence ce logiciel.
    • Ensuite il y a "Secret Defense : Operation Stealth", là tu changes de registre en restant dans le jeu d'aventure, avec une parodie à la James Bond mais sans la licence 007 ? (ndla : Interplay le sortira à l'étranger avec la licence James Bond)
    • C'est çà, j'étais un fan de James Bond de la série, enfin des bouquins et puis des films et donc j'ai envie de faire quelque chose d'un peu différent "des Voyageurs du Temps" de la sf là j'avais envie de revenir à quelque chose de plus exotique, avec des agents secrets avec les tyrans et c'est en fait assez marrant. Et puis en fait "Opération Stealth" a été un grand changement parce qu'en fait c'est sur ce jeu là que j'ai rejoins Delphine et que j'ai pris la direction du studio. Eric de son côté lui avait envi de plancher sur un autre projet donc du coup je n'ai pas pu bosser avec lui en fait il commencait à travailler sur "Another World" et donc moi j'ai rejoins Delphine et donc l'équipe interne et c'est comme ça qu'on a lancé "Operation Stealth" avec de nouveaux graphistes, une nouvelle équipe.

      Donc c'était un premier projet différent, évidemment il y a l'évolution du moteur etc notamment on a inventé après le point & clic la recherche de chemin. En dans "Les Voyageurs du Temps" quand on clique le personnage ne sait pas faire le tour, il ne sait pas contourner les obstacles etc en fait c'était l'amélioration que je voulais apporter au jeu, rendre les choses plus simples et donc du coup on a le gros gros changement c'était çà, de pouvoir cliquer un endroit et faire en sorte que le personnage se détache tout seul à l'endroit indiqué qu'il sache éviter les obstacles au passage donc là il y a une grosse refonte du moteur pour réécrire le jeu.

      Et puis une nouvelle expérience complètement pour moi parce que j'avais habitude de travailler en petites équipes avec juste un graphiste donc on travaille à deux sur un projet et est là pour le coup l'équipe s'agrandit parce que j'ai un deuxième programmeurs avec moi qui est Philippe Chastel, deux nouveaux graphistes donc cette fois une équipe de quatre personnes. Et là c'est complètement différent on apprend aussi à s'organiser ce qui n'est pas simple [rire] parce qu'il y a plein de tâches et moi j'ai l'habitude de tout faire moi-même donc du coup ils faut que j'apprenne à déléguer et ça c'est compliqué parce qu'il faut tout décomposer etc alors bon c'est celle là on revient à l'informatique c'est que là qu'il faut mettre en place des systèmes de gestion de projet, de planning, de tâches, etc... on est dans une professionnalisation du travail qui est complètement nouvelle et sur lesquelles on n'a pas non plus piste c'est à dire que bon moi j'avais fait une école d'informatique donc j'avais quand même quelques éléments de formations par rapport à la gestion de projet, comment se faisait les projets dans l'industrie mais dans le jeu vidéo c'était pas forcément applicable directement parce que c'était complètement autrechose donc il fallait tout réinventer, çà c'était assez intéressant.

    • C'était un peu le début des grosses équipes qui n'ont fait qu'augmenter dans le jeu vidéo ?
    • Oui c'était vraiment le début et il fallait apprendre à travailler à plusieurs décomposer les choses, c'est beaucoup plus facile quand on est tout seul car on maîtrise tout et on sait ce qu'on a fait partout alors que quand on commence à être plusieurs programmeurs, graphistes, etc ça augmente la quantité parce qu'on est obligé de fractionner et de se répartir le travail et puis c'est pas évident de faire en sorte que le code fonctionne à plusieurs alors aujourd'hui on a des outils pour ça mais ça a été [rires] ca a été je peux dire un chemin de croix pour arriver à où on en est aujoud'hui en tout cas
    • Dans une interview Michèle Bacqué, la graphiste d' Operation Stealth mais aussi d'Ivanhoe et Beach Volley chez OCEAN France, je crois d'ailleurs qu'elle a fait les gobelins, a confié que tu lui avait écrit un logiciel pour qu'elle transfere ses graphismes alors qu'elle était à la montagne et il lui fallait plusieurs heures pour transférer une image ?
    • A l'époque le taux de transfert je ne sais plus combien c'était mais je crois qu'il était de 2400 bauds [rires] donc rien à voir avec l'adsl ni la fibre, il fallait un temps fou mais je me souviens aussi qu'un peu plus tard on a bossé avec Electronic Art et donc on envoyait des fichiers aux Etats-Unis et c'était l'enfer. Pour envoyer un truc du style 50 méga on passait la nuit à envoyer les fichiers, j'ai passé des nuits blanches à envoyer des fichiers. Ca passait pas par le satellite à l'époque mais ça passait par des câbles sous marins et en fonction du cable par lequel ça passait il y avait des coupures ou pas [rires] Et on passait des heures à attendre avec le modem que ça passe puis ça coupait alors évidemment il n'y avait pas de système de récupération et il fallait tout relancer depuis le début.
    • Tu vas peut-être pouvoir lever un mystère sur "Opération Stealth", il semble que des personnes aient trouvé dans le code source du jeu un mode speech qui faisait parler les personnages un peu à la Manoir de Mortevielle, mais quand on l'active cela fini par planter le jeu, est ce que cela te dit quelque chose ?
    • Pour "Opération Stealth" à vrai dire je n'ai pas souvenir de ça mais je ne me souviens pas de tout. Après on expérimentait beaucoup donc qu'il reste des choses inutilisées ça ne m'étonne pas en effet.
    • Parallèlement à "Operation Stealth" est mis en chantier "Croisière pour un cadavre", dans ce que l'on peut voir sur les premières previews, au début graphiquement le jeu n'a rien à voir avec le produit final, peux tu nous parler de ce revirement artistique ?
    • Quand je suis arrivé à Delphine ils m'ont demandé de faire deux jeux. J'ai lancé "Opération Stealth" d'un côté et puis j'avais écris le scénario d'un jeu d'enquête policière qui allait devenir "Croisière pour un cadavre" et c'est en fait la seconde équipe en interne qui a commençait à travailler sur ce projet pendant que moi je me concentrais sur l'autre projet "Operation Stealh". Les choses ont avancé mais pas trop dans le sens que je m'attendais. Une fois qu' "Operation Stealth" était terminé j'ai rebasculé sur "Croisière" et là je me suis dit il faut quand même que je fasse quelque chose. J'ai bien réexaminé le jeu, pesé le pour et contre etc et j'en suis arrivé à la conclusion que ça n'allait pas le faire. Du coup j'ai décidé de tout reprendre à zéro et de refaire tous les graphismes, le code donc on a tout jeté et on est repartie de zéro. C'est pour ça en fait qu'il y a eu évidemment quelques photos qui étaient sortis dans la presse comme dans Tilt à l'époque parce que c'était du work in progress. C'est comme ça que ça s'est fait, ce n'était pas vraiment ma tasse de thé, je trouvais que la partie graphique n'allait pas, plein de choses n'allait pas et donc j'ai préféré tout bazardé [rires].
    • C'est sûr quand on voit le produit final et les work in progress, y'a pas photo. Existe t-il encore une démo de cette vieille version de "Croisière pour un Cadavre" qui trainerait quelque part chez toi ?
    • Non moi je n'ai pas gardé ça. En tout cas j'ai peut être des choses, j'ai un stock de disquettes malheureusement les disquettes aujourd'hui il y en a plein qu'on n'arrive plus à lire donc effectivement c'est parti aux oubliettes. Mais peut-être qu'il y a des gens qui ont encore des choses de l'époque, le programmeur Jésus Martinez avait bossé dessus ou Emmanuel le Coz, le graphiste peut-être qu'ils ont encore des choses, je sais pas mais moi de mon côté je n'ai rien gardé et même le peu que j'ai gardé c'est devenu illisible et donc malheureusement il ne reste plus que les photos dans la presse.
    • Sinon dans la presse, on parlait de plusieurs enquêtes dans "Croisière pour un Cadavre" et finalement il n'y a qu'une seule grosse enquête. Quand tu a refais le jeu il y avait plus le temps de faire plusieurs enquêtes et il fallait sortir le jeu ou alors c'est un problème de ramifications dans les histoires au niveau de la programmation et des machines qui n'étaient pas assez puissantes ?
    • En fait c'était déjà assez compliqué de faire le jeu dans la version telle qu'elle était et c'était difficile d'imaginer d'en faire plusieurs. Après ce que j'ai fait quand même c'est que, si tu as joué au jeu, tu vois qu'en fait le principe c'est comme souvent dans toutes les enquêtes policières, tout le monde peut être l'assassin. J'ai quand même été obligé d'écrire pas mal de ramifications, les différentes intrigues qui s'entremêlent et qui font que les personnages sont connectés entre eux par des histoires et par des événements et à la fin on a le choix de décider qui on pense être le coupable et ça ça correspond à l'arbre avec les différentes possibilités de solutions sachant qu'il y a une qui est la bonne mais les autres sont quand même valables. Donc c'était assez compliqué en fait, c'est un projet qui est assez complexe parce que justement c'est un jeu qu'on peut faire dans pas mal de sens différent et pas forcément toujours l'obligation de faire les choses dans l'ordre donc ça c'était assez compliqué. Il y a aussi beaucoup de textes et je passais beaucoup de temps sur l'écriture du scénario, sur les dialogues.
    • Pour toi "Croisière pour un Cadavre" représentait l'aboutissement de ce que tu pouvais faire dans le jeu d'aventure, dans le système cinématique ?
    • Disons que c'était un projet très difficile sur lequel on a passé beaucoup de temps, c'était un projet complexe du coup c'est vrai que j'avais envie de faire d'autres choses. C'est pas quelque chose de volontaire si les choses se sont faites un petit peu d'elle même et le fait d'abandonner le jeu d'aventure sur Amiga et Atari. C'était pas vraiment une volonté en soi mais c'était plus de circonstances parce qu'on nous proposait de travailler sur un jeu sur console et il y avait l'opportunité. Moi j'avais vraiment envie de travailler sur console et travailler sur la nouvelle Megadrive qui allait sortir et du coup ça explique aussi qu'on est passé à autre chose. Jouer à des jeux un peu plus action tout simplement parce que la console se prêtait pas à faire des jeux d'aventure en plus il y avait pas de souris de toute façon ça se prêtait pas vraiment à faire des jeux d'aventure comme on le faisait à l'époque. Donc c'est pour ça que finalement "Croisière" est le dernier jeu d'aventure Delphine.
    • Flashback tu l'as développé d'abord sur Megadrive ?
    • En fait il a été développé pour Megadrive mais on travaillait sur Amiga l'époque donc tout le moteur a été fait sur Amiga, les outils étaient sur Amiga. Sur Megadrive on pouvait pas faire grand chose c'était juste branché à un pc, et une fois qu'on avait fait la cartouche on envoyait çà à la Megadrive à travers le pc car on pouvait rien faire du tout dessus. Tout a été développé en parallèle, le moteur a été développé sur Amiga.
    • C'était financièrement mieux de développer sur console que sur micro-ordinateur avec le piratage ?
    • C'était une des raisons qui a poussé Delphine à vouloir effectivement qu'on s'intéresse aux consoles où il y avait moins de piratage et puis de mon côté c'était plus une opportunité. En fait on était en partenariat à l'époque avec une boîte qui était U.S Gold et ils avaient les droits d'un film qui s'appelle "Le parrain" (ndlr : The Godfather aux U.S). Ils voulaient qu'on fasse l'adaptation et c'est comme ça qu'ils nous ont approchés en disant voilà est-ce que ca vous intéresse de le faire ? Moi au moins un départ "Le parrain"... pas trop; mais quand ils nous ont dit mais ça sera sur Megadrive, là j'ai tout de suite l'oreille, çà a attiré mon attention et j'ai dit oui tout de suite. Après effectivement je pensais que ce n'était pas tellement approprié enfin je le voyais mal. C'était une toute nouvelle console et c'était pour nous le futur, c'était high tech donc te dire on va faire l'adaptation d'un vieux film, en plus avec un look très ancien et très noir en quelque sorte sur une console comme ça, je voyais pas ...donc j'ai dit moi je veux bien le faire mais à condition que vous m'autorisez à transposer l'histoire dans le futur. Et c'est ça comme çà que j'ai commencé à développer le scénario du jeu, à transposer les choses dans le futur et qu'on a commencé à faire la première maquette de "Flashback".
    • C'était sacrement gonflé on te propose d'adapter le film "Le parrain" et puis finalement tu fais autrechose, bon c'est tant mieux pour nous surtout on voit le vrai jeu "Le parrain" qu'U.S Gold a sorti on se dit heureusement qu'on a eu Flashback finalement tu es intéressé par certains films, certains univers et pas d'autres ?
    • En fait je n'étais pas tellement intéressé par "Le parrain" et c'était vraiment l'occasion. On est parti sur un univers de sf etc bon après quand on a montré le jeu ils ont compris rapidement que ça n'allait pas le faire c'est quand même très très loin de l'univers du "parrain" [rires] mais en même temps le jeu était bien donc ok continuez et on a continué. J'ai modifié le scénario, j'ai modifié plein plein de choses pour en faire "Flashback" mais c'est ce que je voulais au départ et j'en étais très content parce que là enfin ça m'a libéré d'un poids [rires]
    • "Flashback" c'était vraiment une création très personnelle ?
    • C'était vraiment ce que j'aime dans la sf, raconter des histoires qui parlent du futur, d'un futur tel que je le vois moi et donc c'était un trip et à l'époque on était comment dire, à la limite le côté business on s'en foutait, ce n'était pas le but, alors bien sûr il y a des gens derrière moi qui s'intéressaient au business mais moi ça m'intéresse pas; ce qui m'intéressait c'était de pouvoir faire les jeux que j'avais envie de faire et puis d'aller dans les directions dans lesquelles j'avais envie d'aller. Bon j'avais la chance entre guillemet d'avoir réussi mes paris que j'avais pu faire avant, ça c'est une question de l'escalier c'est à dire qu'on monte une marche l'une après l'autre; je ne suis pas passé de rien à "Flashback" c'est tout une escalade qui repose sur la confiance sur le fait de faire des choses qui marchent et d'avoir des gens qui vous suivent. Et à l'époque c'était effectivement culotté parce qu'on a fait aussi les choses de manière complètement différente c'est à dire que c'est une console qui est faite pour afficher des sprites mais qui n'a pas la capacité d'animer de manière extraordinaire. Quand tu regardes les japonais tu vois que les animations de l'époque c'était 3 framerates et puis c'est tout, même s'il avait des plus gros sprites. L'idée de faire "Flashback" avec les limitations et avoir 25 images/seconde c'était assez culotté parce qu'on savait pas si ça allait rentrer dans la mémoire. L'idée d'avoir un univers aussi différents c'était aussi un nouveau mais je venais quand même d'un background de jeux d'aventure, c'est à dire que je connaissez pas mal de jeu d'aventures avant et du coup moi j'ai toujours aimé le narratif donc c'était l'occasion de faire un mélange en fait entre un jeu d'action et un jeu narratif. En plus c'était un univers qui me plaisait qui me parlait donc ça a été du bonheur ; après cà n'a pas été toujours facile, beaucoup de nuits blanches [rire] beaucoup de problèmes avec l'équipe, en plus à l'époque on était nombreux, on était une dizaine de personnes, c'est compliqué à gérer mais bon c'est un projet complexe à la fois parce qu il y avait de l'innovation, il y avait de belles choses mais à l'époque on ne se posait pas la question de se dire est-ce que je suis en train d'innover ou pas, de toute façon on passait le temps à innover, il y avait peu de références on ne regardait pas sur internet et se dire moi je veux faire tel jeu, tel style, etc, est-ce qu'il y a des exemples là pour le coup il y avait assez peu d'exemples de ce qu'on pouvait faire et en même temps c'était çà qui me plaisait, d'arriver à partir de rien à synthétiser les idées pour en construire quelque chose qui fonctionne. C'était une expérience complètement différente. J'ai eu la chance de faire des projets qui à chaque fois étaient différents et qui.. comment dire... qui ont nécessités à chaque fois des ressources différentes.
    • Flashback intégre pas mal d'innovations pour l'époque, je crois que la technique de la rotoscopie sur les mouvements des personnages a été utilisé, je crois que c'était l'une des première fois qu'on l'utilisait dans un jeu et j'avais compris que tu as été influencé par "Prince of Persia" de Jordan Mechner, enfin tu aimais la manière dont le personnage se déplaçait et ça ça t'avais marqué ?
    • Prince of Percia c'est la première référence. C'était vraiment le jeu qui avait une animation, enfin pour moi c'était le jeu ultime en terme d'animation, et j'avais vraiment envie de faire quelque chose qui soit aussi bien donc c'est comme ça qu'on est parti sur l'idée du rotoscoping et on a appris que Jordan Mechner avait aussi utilisé cette technique là aussi qui vient du cinéma, qui est une technique qui était déjà utilisée dans "Blanche Neige" et donc quand on a fait les premiers essais et que j'ai vu les résultats, je suis resté bluffé, je me suis dit c'est fait absolument ça que je veux faire, il faut absolument que tout soit comme cela et on fera tout ce qu'on peut même si on ne sait pas encore comment on va faire rentrer tout ça dans la mémoire, on fera tout ce qu'on peut pour que le personnage et tous les personnages soient animés en rotoscopie.
    • Tu as quand même un lien fort avec "Flashback", tu en as fait un remake remanié, une version hd collector, chose que tu n'as jamais fait pour un autre jeu et pourtant tu en as fait de nombreux dans ton parcours, c'est lié au besoin de remettre le jeu au gout du jour, au retrogaming ou c'est parce que c'est une demande du public, les gens viennent vers toi et te disent on voudrait rejouer à Flashback ?
    • Il y a beaucoup de gens qui viennent me voir et me disent "c'est un des jeux que j'ai préféré" ou "c'est un jeu qui est resté dans ma mémoire comme l'un des meilleurs jeux auxquels j'ai joué" et donc souvent les gens me disaient mais je ne le trouve pas. C'est à dire qu'à part d'aller sur les abandonwares, je ne trouve pas de version qui soit potable et j'aimerais bien y rejouer. Ca a mis du temps parce qu'en fait je crois que ça a mis 20 ans à peu près [rires]; que je me disais tiens pourquoi pas; ça serait peut être intéressant de refaire une version, déjà un remake et ensuite de ressortir la version collector de "Flashback" parce qu'il y a plein de gens aussi qui me disait moi je voudrais le faire découvrir à mes enfants et je ne peux pas parce que finalement tout le monde n'a pas gardé une Megadrive et puis les roms qu'on trouve actuellement elles sont pourris donc c'est vrai que je me suis dit c'est quand même dommage effectivement qu'un jeu qui a marqué tant de gens et qui a eu finalement une influence importante sur l'industrie du jeu, et que ce jeu finalement on ne peut plus y jouer, qu'ils soient enterrés complètement donc c'est pour ça que j'ai retroussé mes manches [rires] et que j'ai essayé de refaire une version de "Flashback" avec quelques aménagements mais une version qui soit la plus fidèle possible des versions originales.
    • Tu as rajouté des scènes que tu avais coupé parce que tu jugeais à l'époque qu'elles étaient inutiles ?
    • Il y avait des scènes que je n'aimais pas, que je ne trouvais pas... que je trouvais qu'elles venaient cassé l'ambiance du jeu, cassé le rythme et que j'avais coupé et puis finalement avec le recul pourquoi pas ça peut plaire aux gens qui ont joué et qui cherchent maintenant quelque chose d'un peu différent.
    • Je me suis souvent posé la question dans ton parcours et l'influence des films de sf, le fait que tu as des liens avec Interplay, U.S Gold pourquoi est ce que tu n'as pas cherché à développer un jeu de licence de film sf genre "Star Trek" ou "Blade Runner" ?
    • Je ne suis pas fort là dedans autant j'aime créer des univers et créer des histoires qui me sont propres autant je n'ai pas l'esprit fan. Je pense que c'est très compliqué de prendre une licence comme ça et il faut vraiment rentrer dedans et tout connaître, tout savoir pouvoir vraiment retranscrire l'essence de l'univers qu'on interprête et moi je suis pas quelqu'un qui aime remuer les choses et du coup je ne me sens pas légitime par exemple à traiter un "Star Trek" ou autre choses. Le peu de licence que j'ai fait c'est parce qu'on me l'a demandé mais sinon de moi même je ne suis pas à l'aise tout simplement avec les idées des autres, j'ai toujours peur un peu de trahir ou ne pas être juste d'un bon ton, etc et effectivement c'est quelque chose qui ne me qui me va pas c'est juste ça. Après d'autres font ça très bien, ils peuvent prendre n'importe quelle licence et en faire quelque chose; moi je dois avouer que c'est pas dans mes compétences. Autant je peux m'inspirer de choses mais j'en fais quelque chose de personnel et un fan de Star Trek n'aurait pas envie que j'en fasse quelque chose à ma sauce c'est trahir l'esprit d'origine.
    • Ensuite tu continue avec autant de succès sur "Fade To Black", la suite de "Flashback", "Moto Racer", "Dark Stone" ... jusqu'à la fermeture de delphine en 2004. Beaucoup de sociétés françaises de cette époque ont fermé leur porte, on a l'impression qu'en France que le jeu vidéo n'est pas considéré comme il se doit; et que c'est un peu le parent pauvre du système culturel.
    • Il existe des subventions mais c'est vrai que le jeu vidéo reste le parent pauvre en France, çà je suis d'accord même si je crois qu'on a des studios qui fonctionnent très bien et qui marche bien. Les choses ont tellement changé entre aujourd'hui et il y a 20 ans où tout était à échelle humaine en quelque sorte, les budgets étaient à échelle humaine, bon on faisait des projets ça coutait cher mais c'était pas ce que ça coûte aujourd'hui. Pour faire un jeu aujourd'hui enfin si on parle des gros jeux on voit tellement d'argent que c'est pas quelqu'un qui décide de faire un jeu, c'est toute une partie de l'industrie qui désirent faire le jeu , y a tellement d'argent à investir tellement de choses que ça devient compliqué en plus c'est tellement d'argent que les risques sont difficiles à prendre. Il y en a quelques-uns qui réussissent, je ne dit pas, mais c'est plus du tout la même chose et puis c'est plus du tout la même manière de travailler donc effectivement pas étonnant de voir que des pays qui ont des aides financière plus forte puissent produire des jeux de plus grande envergure après on a Ubi Soft en france qui fait les gros jeux mais c'est vrai que j'ai l'impression qu'on va de moins en moins se battre à armes égales avec le reste du monde parce que c'est assez compliqué de réunir autant de l'argent et autant de moyens sur les jeux sur les gros blockbuster d'aujourd'hui mais voilà on est passé d'une industrie d'amateurs, de garage à une industrie multimillionnaire qui a dépassé celle des cinémas donc forcément les choses sont différentes et les jeux se sont industrialisés d'ailleurs c'est assez marrante de voir qu'une boîte comme Ubi Soft qui s'est très très tôt industrialiser et réussi à percer et à continuer son chemin alors que les sociétés qui étaient plus créé par par des gens qui sortaient d'un garage ont souvent disparu, regardez Interplay, d'autres boites comme ça comme Electronic Arts ca commencait avec quelques personnes qui étaient dans un garage et c'est devenu ce que c'est devenu aujourd'hui mais ca n'a plus rien à voir, c'est plus comparable ils ont très très tôt industrialisés la production etc c'était assez colossal donc c'est quelque chose aussi qui est un choix c'est à dire qu'on n'a pas forcément envie, moi je n'ai pas forcément envie de rentrer là dedans et d'être juste une petite miette, une toute petite partie d'un tout et donc forcément c'est compliqué j'ai pas envie de me retrouver noyé dans un système avec à gérer ou à être gérée parmi des milliers de personnes qui travaillent sur un projet, je crois que c'est quelque chose de complètement différent.
    • Quand tu as fondé ta boîte c'est pour cette envie d'indépendance ?
    • J'ai surtout cette envie d'être libre et de pouvoir faire les jeux que je veux et choisir le jeu et autant que faire se peut ne pas être contraint par le côté business. Après on est toujours dépendant de ça aujourd'hui malheureusement faire un jeu c'est aussi avoir du succès si on n'a pas de succès, on n'est pas capable de produire la suite donc forcément nous a toujours été. Mais c'est de plus en plus comme ça enfin c'est encore plus vrai aujourd'hui qu'hier. C'est vraiment cette histoire d'escalier où on monte la marche après l'autre et donc effectivement je crois qu' il y a beaucoup de jeu aujourd'hui qui sont essentiellement basés sur le marketing et c'est un schéma que j'essaye d'éviter quand je peux. Après c'est pas toujours possible il faut être réaliste [rires] mais je continue à faire des jeux parce que j'aime ça. J'ai passé l'âge où je me dis que je veux être connu que je vais m'enrichir ou quoi que ce soit, ça m'intéresse pas, ce qui m'intéresse c'est d'avoir au moment où je crée d'avoir la possibilité de m'éclater à faire ce que j'ai envie et de prendre du plaisir à faire ce que je fait. Dans les petites structures on n'a pas forcément les mêmes réflexes que quand on est dans une grosse structure c'est évident donc forcément il faut savoir être capable de revoir ses ambitions à la baisse [rires] mais en même temps on peut être très heureux à faire des choses simples.
    • Parce que travailler sur des triples A, comme les séries qui sortent tous les ans style "Assassin Creed", "Call of Duty" çà çà t'intéresse pas ?
    • Non çà je pourrais pas. Quand on a fait les "Motos Racers" par exemple on me l'avait demandé, parce qu'on en a fait trois quand même et moi j'ai fait le premier, je me suis énormément impliqué sur le premier. Après sur le deuxième et le troisième j'ai suivi de loin par ce que simplement c'était pas mon truc de dire je fait un jeu parce que ça fait de l'argent. Moi j'avais fait ce que j'avais fait à l'époque le "Moto Racer 1" c'était vraiment une envie et j'ai donné tout ce que je pouvais donner sur ce jeu là et donc après arriver à être obligé de faire la suite ça ne me motivait pas vraiment. Bon comprendre qu'on puisse dire c'est vrai que j'ai eu beaucoup de chance dans ma vie et dans ma carrière ce qui fait que je suis probablement un peu comme un enfant comment dire un peu égoïste, un enfant gâté donc du coup c'est vrai que si tu arrives à avoir déjà un jeu et le fait qu'il marche et faire sa carrière dessus c'est génial, oui, mais ça marche pas pour moi.
    • Et la réalité virtuelle ça t'intéresse ?
    • oui c'était vraiment un truc qui me plaît. Alors le problème c'est que c'est très difficile aujourd'hui de trouver les gens qui sont intéressés par financer un jeu en réalité virtuelle, c'est assez compliqué, mais c'est vrai que c'est un domaine que je trouve génial. C'est vraiment comme si on se retrouvait en arrière plein de choses à inventer, plein de choses à découvrir donc c'est effectivement quelque chose que j'aimerais bien pouvoir faire.
    • T'as pas l'impression qu'en ce moment c'est un peu retombé l'effet wahoo ? On a eu les casques VR Sony, l'oculus et d'autres qui sont sortis, un peu comme la 3D pour les téléviseurs et après on n'en parle plus et ça fini aux oubliettes ?
    • C'est sûr que c' était un phénomène de mode, ça me fait penser un peu aux téléphones si tu te souviens mais les tentatives de faire des téléphones comme l'iphone y en a eu pas mal avant et ça marchait jamais ou les tablettes comme l'ipad, on se disait tout le monde a essayé et il y a eu plein d'essai qui ont été faits et à chaque fois que c'était lancé pendant une année c'était la révolution et puis après on n'en parlait plus. Je pense que la réalité virtuelle c'est malheureusement un peu ça. C'est à dire dire qu'on en parle quand on sort quelque chose d'intéressant puis finalement c'est oublier parce que malheureusement c'est pas encore complètement au point on va dire. Mais le jour où ça le sera ça va être très très fort c'est juste qu'actuellement c'est trop compliqué, c'est trop lourd, il y a trop de contraintes en fait. Il y a des fans qui s'y intéressent mais il faut tellement d'argent pour faire tourner un jeu en haute qualité, un gros pc et des lunettes ça veut dire que si t'as pas le pc à moins de 3000 balles, t'as pas vraiment le meilleur et qui va mettre autant d'argent là dedans ? Par exemple le casque virtuel de Sony c'est intéressant mais en même temps pour arriver à faire tourner un jeu qui soit en full res dessus c'est super chaud. Il y a des contraintes techniques qui font qu'aujourd'hui ça marche pas ou alors ça pourrait marcher si des très très gros studios investissaient mais les gros studios n'ont pas envie d'investir là dedans parce que pour l'instant ils ont essayé et souvent se sont cassés la figure parce que y a pas assez de marché. Le marché n'est pas suffisamment grand donc au final on a encore des gens qui profite de ce marché là et qui font des jeux mais qui n'ont pas de gros budget donc tant qu'il n'y aura pas de très gros qui s'y mettront et qui feront que vraiment on ne peut pas passer à côté d'un casque. Je crois aujourd'hui que les casques sont en attente de projets et de produits qui arrivent à les faire vendre et ça malgré tout on n'y est pas encore ça reste un beau rêve et pour un game designer c'est effectivement un rêve de travailler là dessus parce que c'est tellement immersif que ça donne envie. Mais on en est très loin... enfin très loin, peut-être... il va falloir attendre quelques années avant que çà se démocratise réellement parce que la technique actuellement ne suit pas assez.
    • Tu penses que ça risque de se tasser un peu et puis dans quelques années ça va revenir grâce à un bond technologique ?
    • C'est ça en fait, il faut qu'on attende qu'ils découvrent un nouveau système qui fait que ça sera beaucoup plus facile plus puissants. Qu'on arrive à faire des jeux avec lesquels on n'est pas malade avec sur lesquels on n'est pas obligé de couper la résolution des jeux où le rendu pour avoir une qualité optimale. Je ne sera pas te dire combien de temps il faut attendre peut-être que c'est pour demain mais en tout cas c'est pas aujourd'hui.
    • Eric Chahi, Frédéric Raynal, Michel Ancel... ont tous sortis une biographie dans laquelle ils racontent leur parcours, la fabrication de leurs jeux, quand aura t-on celle de Paul Cuisset ?
    • Je sais pas, on verra bien peut-être un jour, après je t'avouerai que c'est pas non plus le truc auquel je pense le plus souvent.
    • Quel est ton prochain projet ?
    • J'aime tout faire donc du coup je préfère bosser avec des petites équipes, faire de petites choses donc bon donc voilà prochain projet sera fair en petit comité comme j'aime faire j'espère que ça sera réussi et comment dire j'espère que on peut à un moment donné s'affranchir de ça et tenir. Malheureusement c'est compliqué de faire les jeux et l'exigence aujourd'hui est super haute et il faut énormément de moyens pour arriver à faire des choses donc heureusement ça se démocratise pour les indépendants un peu plus, mais ca reste quand même très compliqué c'est difficile d'aller lutter contre contre une équipe de 1000 personnes par exemple donc forcément même si on a beau se dire oui mais moi les ambitions je vais les revoir de manière à ce qu'elle soit calibré, c'est toujours délicat et moi j'ai eu l'habitude de travailler sur des jeux où je ne me posais pas la question donc je combats toujours contre ça arrivé à me dire bon voilà comment tu fais pour faire ce que tu as envie de faire tout on peut restreignant avec ce que tu as etc et donc voila apres difficile de parler des nouveaux projets tant que c'est pas abouti tant que c'est pas prêt je peux pas vraiment dire que je fais mais en tout cas ce que je peux dire c'est j'essaie de prendre du plaisir à ce que je fais et pas tombée dans la spirale de la production, être obligé parce qu'il faut sortir le jeu. C'est compliqué.
    • Est-ce tu es très attentifs aux nouvelles consoles qui vont sortir ou tu te dis une de plus qui va révolutionner tout et puis enfin finalement on se rend compte que ce n'est pas le cas ?
    • Si mais après je regarde plus les choses comme quand j'avais 20 ans évidemment. Je regarde de loin et j'essaie de me tenir au courant mais j'ai tellement vu de choses, tellement vu d'annonces que maintenant je dit bon attendons de voir venir quand j'aurai la console. Et puis au final bon on se rend compte que quand on a la console qu'il y a quand même pas mal de limitation donc j'attends avant de m'exciter. C'est sûr évidemment qu'il faut enlever tout le côté communication-marketing mais en même temps je pense qu'aujourd'hui on peut déjà faire beaucoup de choses, c'est plus vraiment comme avant où les nouvelles consoles te donnaient vraiment quelque chose de complètement nouveau, à découvrir et qui permettaient de créer de nouvelles choses là. Aujourd'hui je vois que c'est une continuité.
    • C'est plus difficile aujourd'hui d'être original, d'innover ?
    • Oui je pense de toute façon il y a beaucoup plus de concurrence donc forcément c'est plus compliqué. Il y a tellement de projets, tellement de gens qui font des choses donc c'est forcément plus boucher qu'avant c'est clair. Après je pense qu'il y a encore des choses qui ne sont pas faites et je vois toujours des choses où je me dis "tient ça n'existe pas" "tient ça serait marrant ça" etc mais je dirais qu'aujourd'hui peut-être que c'est plus compliqué qu'avant parce pour arriver à faire aboutir une idée il faut des moyens souvent beaucoup plus importants qu'à l'époque. C'est une autre manière de percevoir les choses, même si je pense que tout dépend de la manière d'aborder ça fait que si on ne pensait pas sans cesse à l'argent mais pour le plaisir, les choses seraient complètement différentes. Et là que ce soit aujourd'hui ou hier c'était déjà pareil ça se ressent de toute façon dans la production dans le jeu lui-même
    • On commence à voir un recul d'intérêt pour les jeux triple A, d'après toi il y a un changement dans la manière de consommer les jeux ?
    • J'espère en tout cas que ça va les pousser à se dire qu'il faut peut-être un peu plus d'effort, pas financier mais peut-être plus d'efforts de confiance dans les gens qui travaillent pour eux. Je pense que c'est le principal problème c'est d'arriver à faire confiance dans les équipes que tu payes et donc faire confiance leur permet de prendre des risques et malheureusement évidemment dans une industrie où les gens ne prennent pas de risques parce que c'est tellement cher de se planter que personne n'a envie de se planter, mais du coup c'est compliqué. Quelques boîtes acceptent de prendre des risques et surtout acceptent de faire confiance, comme "Naughty Dog" par exemple, ils ont pris des risques sur les derniers jeux qu'ils ont fait mais du coup c'est payant parce que c'est une vraie démarche d'auteur et ça je pense qu' on n'a pas assez de cas comme ça dans l'industrie; les gens sont vraiment trop frileux et du coup c'est ce qui fait qu' il y a beaucoup de productions qui sont un peu fades tout simplement parce qu'il y a tellement d'argent, de temps, que personne n'ose prendre un risque parce que prendre des risques c'est compliqué, se dire tiens j'ai une bonne idée mais cette idée pourrait aussi foutre en l'air le jeu donc aujourd'hui on en est là. Je pense que c'est pas de l'argent qui manque c'est la confiance.
    • En tout cas nous on espère qu' effectivement tu trouvera le financement pour tes futures productions et nous faire rêver encore. On guette ce nouveau projet avec impatience. Merci Paul pour le temps que tu m'as accordé pour cette interview.

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