Sorti en 1987, le film de science-fiction de Paul Verhoeven est maintenant devenu culte. Quand à la borne d'arcade de Data East on peut dire qu'elle est aussi restée dans les mémoires de nombreux joueurs. Une version vraiment excellente bien meilleure que celle micro. Mais quelle histoire se cache derrière cette fabuleuse conversion ?
Détroit est une ville en déclin, ravagée par la corruption et la violence. Des policiers perdent leur vie tous les jours. Le cartel O.C.P, un gigantesque conglomérat qui a pris le contrôle de la police a lancé un nouveau programme de lutte contre la violence, un justicier de chair et d'acier "Robocop".
Avant de vous parlez du jeu de Data East et de ces nombreuses conversions, resituons le début de l'histoire. Après le succès de « The Terminator », Orion Pictures qui a produit le film, donne le feu vert sur un nouveau projet « Robocop ». Ce n'est un mystère pour personne, au début le scénario du film n'emballe aucun réalisateur qui ne voit avec ce titre aussi stupide qu'un énième film de série B voir Z.
Après plusieurs tentatives infructueuses Barbara Boyle d' Orion Pictures, propose le film au réalisateur Paul Verhoeven. Le réalisateur botte aussi en touche après seulement la lecture des vingt premières pages. Il trouve le scénario épouvantable. Pourtant sa femme qui repris la lecture y décèle un potentiel, elle finit par le faire changer d'avis en lui disant « il y a un bras arraché dans une scène tu vas adorer ». Pour Paul Verhoeven, c'est le premier film américain et une première immersion dans le monde de la science-fiction. Il voit le film avec un style visuel satirique très « bande dessinée » (« comic bookish » en anglais), un style qu'il réitèrera en 1990 sur « Total Recall » et en 1997 sur « Starship Trooper ». Une approche que le cinéaste justifie par le fait que de telles histoires sont irréelles et presque absurdes, et ne peuvent donc être traitées au premier degré.
Le film se passe dans le futur mais est adapté à son époque, c'est une satire sociale sur les dérives du capitalisme, un pur produit de l'ère Reaganienne.
« Robocop » c'est l'histoire d'un flic qui parcourt une ville corrompue et qui la nettoie, c'est une métaphore du chevalier en armure luisante.
Ed Neumeier, Scénariste de Robocop
Il faut savoir que loin du succès du film que l'on connait, la production de Robocop a été une expérience horrible pour ceux l'ayant vécu. Il faisait chaud. Les gens étaient agressifs et déplaisants. Personnes ne s'entendaient. Le film dépassait le budget. Il dépassait le planning. Les gens d'Orion débarquaient sur le plateau et criait « arrêtez le massacre » et ils repartaient pour revenir le week end suivant. Et ils revenaient encore. Tout le monde était épuisé, prêt à s'entretuer et certains ont juré ne plus faire de films après celui-ci. Lors de sa sortie le fim essuie aussi les critiques sur sa violence, à ce propos, Paul Verhoeven s'explique :
Je hais la violence simplement suggérée. Les films où les gens tirent sur quelqu'un puis on voit la personne à terre sans montrer les dégâts que cela cause. Je ne pense pas que cela soit intéressant. Dans mes films la violence est montrée à un tel paroxysme qu'elle en devient absurde. Quand ED 209 tire sur le type du conseil d'administration, il ne s'arrête pas et il tire 60 fois sur le type, et la réplique qui suit : "Quelqu'un peut appeler un médecin". C'est totalement absurde. Le type est mort. Il ne restait presque plus rien de lui. Il avait totalement explosé. Le film est beaucoup plus drôle avec une violence exagérée .
Paul Verhoeven, Réalisateur du film Robocop
Mais revenons au jeu, à cette époque la jeune société britannique d'édition et de développement de jeu vidéo Ocean Software basée à Manchester commence à s'imposer grâce à une politique d'édition qui lui a permis de sortir des jeux originaux comme « Head over Heels », des conversions de bornes d'arcade comme « Arkanoid », « Operation Wolf » mais aussi des jeux plus commerciaux basés sur des licences à succès de série télé comme « K2000 », « V » ou de films comme « Platoon » et « Rambo: First Blood Part II ».
Dans cette optique de flairer la bonne opportunité, le directeur du développement chez Ocean Software, Gary Bracey part ainsi à Los Angeles toutes les six semaines, et il flashe notamment sur le scénario de Robocop encore en post production.
Un réalisateur inconnu aux Etats-Unis, pas de grandes stars, les droits internationaux sont bloqués par Ocean Software pour la modique somme de 20 000$.
La licence du film était le support idéal pour un jeu vidéo. Science-fiction, tir, combat, etc. De plus c'était un film à petit budget, ce qui nous permettait d'obtenir un prix préférentiel. Je crois que nous n'avons eu à débourser que quelques dizaines de milliers de dollars pour obtenir les droits mondiaux pour tous les formats électroniques.
Gary Bracey, directeur d'Ocean Software
A sa sortie le film est salué par la critique pour ses éléments plus cérébraux que le titre du film ne le laissait supposer, le film a couté 13 millions de dollars et en rapporte plus de 53 millions. C'est un succès et cela promet aussi de beaux bénéfices pour l'éditeur de jeux vidéo.
Gary Bracey, explique cependant que cet élément n'a jamais été vraiment un facteur lorsqu'il a choisi d'acquérir les droits du film.
J'ai bien peur que l'analyse n'ait pas été aussi poussée. Nous avons surtout évalué ses valeurs divertissantes et la cible à laquelle il pouvait s'adresser. On n'a pas cherché à voir ce qui était plus complexe car ce n'était pas notre priorité.
Gary Bracey, directeur d'Ocean Software
Quand la société japonaise de fabrication de borne d'arcade Data East s'intéresse à la licence du film, elle doit donc s'adresser logiquement à Ocean Software qui a acquis les droits internationaux. Data East, connu aussi sous le nom DECO, avait déjà collaboré avec la firme britannique, une collaboration fructueuse semble-t-il puisque les droits d'exploitation leurs seront céder pour un jeu d'arcade et même un flipper.
A cette époque, je n'étais pas directement impliqué dans la négociation avec Data East, c'était le job de Jon Woods et de David Ward les fondateurs d' Ocean. Ils étaient déjà en relation avec cette entreprise puisque je pense qu'Ocean avait déjà fait l'acquisition d'une licence d'un de leurs jeux par le passé. Lorsque Robocop est sorti, nous avons fait l'acquisition de tous les droits électroniques mondiaux. Data East a donc dû négocier avec nous pour obtenir les droits afin de créer le jeu arcade ainsi qu'un flipper. Dans le même temps, Jon et David ont habillement négocier l'autorisation de pouvoir convertir le jeu d'arcade. Pour être complet, le PDG de Data East de l'époque Ray Musci, est devenu président d'Ocean Amérique quelques années plus tard.
Gary Bracey, directeur d'Ocean Software
Robocop est l'un des premiers jeux où un géant Japonais doit se retourner vers une société de jeux informatiques pour obtenir les droits du jeu. Mais ce n'est pas le premier cas car il y eut comme précédent "Platoon" où Ocean avait aussi bloqué les droits mondiaux, leur permettant au passage de revendre la licence à Nintendo pour le jeu de Sunsoft sur NES.
Pour le développement de son jeu, Data East a le privilège de pouvoir visiter le plateau du film plusieurs fois et obtient même quelques séquences sur VHS avant sa sortie cinéma permettant aux développeurs de cibler l'ambiance, les lieux et les personnages principaux.
La collaboration avec la production du film et le japonais sera tellement fructueuse que dans le second film, on pourra y voir lors d'une scène le cyber-policier entrer dans une salle d'arcade pleine de hit de Data East comme Midnight Resistance, The Real Ghostbuster ou encore « Bad Dude vs dragon Ninja ».
David Ward, le fondateur d'OCEAN révéle qu'avec ce succès tout a augmenté rapidement avec Data East et autres principaux fabricants d'arcade
Avoir son nom sur un machine d'arcade et un flipper était un prestige énorme, sans parler de la sortie mondiale de la vidéo, cela nous a ouvert d'autres portes. Je pense que nous avons traité avec chacune des entreprises japonaises, même certaines méconnues et maintenant complètement oubliées.
David Ward, fondateur d'Ocean Software
Côté hardware, Data East reprend celui de son hit précédent le fameux « Bad Dude vs dragon Ninja » sorti quelques mois plus tôt en avril 1988 et y transpose la trame du film ce qui fait que les deux jeux ont de fortes similitudes comme la taille des sprites. Techniquement on y trouve une seule PCB principale comportant 3 processeurs : le fameux 68000 comme sur l'Amiga ou l'Atari ST mais qui passe de 8 à 10 Mhz, un HuC6280 d'Hudson Soft cadencé à 1.34 Mhz qu'on retrouvera sur la NEC PC Engine et un Sound CPU M6502 à 1.5 Mhz, et une Rom-board comportant les datas du jeu. Gros avantages, les roms sont switchables.
Les musiques sous forme de FM Chiptune reprennent fidèlement celles du film, à cela a été ajouté des samples digitalisés du film comme « YOUR MOVE, CREEP ! » entendu quand Robocop intervient lors de l'agression de la femme dans la rue.
La borne d'arcade « Robocop » sort en novembre 1988, c'est un succès immédiat.
Le jeu d'arcade de Data East reste la meilleure adaptation du film toute machine confondue.
Nous avons fait un deal avec les distributeurs vidéos, on insérait un message sur la sortie VHS dans le jeu vidéo et en échange ils mettaient trente secondes de publicité sur le jeu dans la VHS, et ce fut une des plus grosses ventes vidéos de tous les temps. Robocop est le jeu qui a fait d' OCEAN un acteur mondial.
Gary Bracey, directeur d'Ocean Software
C'est grâce à l'émulation Mame et en particulier à un de ses plus grands contributeurs, Brian McPhail qui avait déjà réussi à émuler Bad Dudes vs Dragon ninja, qu'on peut jouer aujourd'hui à Robocop arcade. Concernant l'émulation de Robocop, il explique :
Tout comme Dragon Ninja, Robocop avait également un ensemble de ROM bootleg une protection contre la copie pirate, je m'y suis penché rapidement, mais en fait, il faudra attendre plusieurs années avant que je comprenne comment la protection fonctionnait réellement sur ce jeu. En fait il existe un CPU HuC6280 non marqué sur la carte du jeu Robocop et le 68000 envoie le programme de protection sur la mémoire partagée où le HuC6280 l'exécutait. Un détail clé était qu'il y avait une petite PROM de 512 octets également sur la carte du jeu contenant les vecteurs d'interruption et le code de démarrage pour cette CPU, et cela n'a été émulé que bien plus tard. Étant donné que le HuC6280 n'était pas aussi répandu en 1989 et que ses instructions étaient privées, cela en a fait une protection assez robuste ».
Brian McPhail, contributeur Mame
Brian McPhail émulera aussi plusieurs jeux de Data East comme « Robocop 2 », « Cliffhanger Edward Randy», « Real Ghostbusters ».
Le déroulement du jeu est classique, c'est un shoot horizontal s'inspirant fortement son prédecesseur Dragon Ninja. Le premier niveau débute dans les rues de Détroit, histoire de faire un peu le ménage et montrer qui est le chef. Quelques coup de poing et rapidement Robocop sort son arme de sa jambe, l'effet est assez réussi et fait parti des plus nombreux petits plus qui nous plonge dans l'ambiance du film photos et samples digitalisés, musique reprenant le célèbre thème du film et composé par Basil Poledouris. Graphiquement le jeu est à la hauteur du film, le sprite du cyber policier est imposant et bien animé. Le premier niveau se termine par un affrontement contre l'impressionnant ED-209 et quand on le compare à la version ST/Amiga, on n'en est que plus déçu de ce qu'on a eu à l'époque surtout sur les 16 bits.
Les autres niveaux vous amèneront à la décharge, à l' usine de produits toxiques, et enfin à l'O.C.P. Certains passages font baisser fortement le frame rate comme devant l'immeuble de l'O.C.P avec un nombre d' ennemis conséquents et on sent bien le pousse fric tellement ces séquences sont impossibles à passer sans 2/3 pièces supplémentaires.
Dans la séquence reproche on peut trouver dommage que l'on ne voit jamais sa co-équipière Lewis, que l'on aurait pu diriger par exemple pour un jeu à deux joueurs ou encore qu'il n' y ai pas de photos digitalisées du film mais juste quelques dessins pas vraiment réussis. Mais ne gâchons pas notre plaisir Robocop est un très bon jeu qui retranscrit fidélement l'ambiance du film et c'est bien là le principal.
Certains lui reprocheront d'être peu original, pas assez varié mais Robocop est devenu un grand classique des salles d'arcade grâce au succès du film mais aussi parce que c'est une excellente adaptation, immersive et un vrai défouloir et çà j'achète. Je laisse le mot de la fin à Gary Bracey.